Alice Belaïdi : "Je suis extrême dans mes sentiments"

INTERVIEW - A l'occasion de la sortie de la comédie "L'ascension" le 25 janvier, nous avons rencontré la pétillante Alice Belaïdi qui a répondu à nos questions avec la franchise et la spontanéité qui la caractérisent.

Alice Belaïdi : "Je suis extrême dans mes sentiments"
© PJB/SIPA

Dans L'ascension de Ludovic Bernard, Alice Belaïdi est Nadia, la fille dont Samy (Ahmed Sylla) est amoureux. Tellement, que le jeune homme, tout droit sorti de sa cité HLM, va décider de gravir l'Everest pour conquérir son cœur. Une comédie inspirée d'une histoire vraie, celle de Nadir Dendoune, qu'il raconte dans le livre Un tocard sur le toit du monde. Le 25 mai 2008, ce dernier est devenu le premier Franco-Algérien a avoir atteint le plus haut sommet de l'Himalaya, et ce, malgré son manque d'expérience. Positif, drôle et émouvant, le film L'ascension a été largement récompensé lors de la 20e édition du Festival de l'Alpe d'Huez. Un beau projet dont la non moins solaire Alice Belaïdi, lauréate du prix de la meilleure actrice dans un second rôle, a accepté de nous parler.

Comment vous sentez-vous juste avant la sortie de L'ascension ?

Je n'ai pas la pression que pourraient avoir Ahmed [Sylla, ndlr] et Ludovic [Bernard, le réalisateur, ndlr] car je ne suis qu'un personnage secondaire, mais je sens un vrai engouement autour de ce film, les gens ont plaisir à le regarder. C'est un vrai feel-good movie, une histoire d'amour, mais aussi de dépassement de soi. Ça rassemble les gens et ça peut faire écho à ce qu'on a tous déjà pu vivre. 

Le dépassement de soi, c'est le message principal de ce film ?

Le film montre que quand on a un but dans la vie, si on s'en donne les moyens, on peut y arriver. Ahmed et moi en sommes de bons exemples, on vient de nulle part et on est là aujourd'hui à vous parler. Il faut juste s'ouvrir au monde et c'est ce que fait le personnage de Samy dans le film. Il ouvre la porte de son quartier pour aller voir ailleurs et se retrouve embarqué dans une aventure incroyable.

© Mars Films

Comment vous êtes-vous retrouvée dans ce projet ?

Dans l'histoire vraie de Nadir Dendoune, il n'y a pas d'histoire d'amour. Ludovic avait envie d'y intégrer cette partie un peu romanesque car comme moi il est amateur de théâtre romantique et du romantisme du 19e siècle. Il a pensé à moi, a écrit le rôle pour moi et me l'a proposé il y a deux ou trois ans. C'est drôle car à l'époque, j'étais célibataire, je ne voulais pas du tout me poser avec quelqu'un et quand un mec venait me voir je lui disais "Gravis l'Everest, grave mon nom dans la glace, prend un selfie et quand tu rentreras tu me paieras un resto". C'était mon running gag du moment. Quand Ludovic est venu me proposer ce film j'ai vraiment cru que c'était une blague ! Je suis rentrée chez moi troublée en me disant que c'était dingue. J'ai lu le scénario et je l'ai appelé le lendemain en lui disant "banco".

Pas d'hésitation, donc ?

Non, pas du tout. Le casting n'était pas encore fait et puis Ahmed est arrivé. Je sais que Ludovic a casté beaucoup de gens avant, mais ça a été le coup de foudre entre eux.

Comment s'est passé le tournage et votre entente avec Ahmed Sylla ?

Avec Ahmed on s'entend très bien, ça s'est tout de suite bien passé. On est de la même génération, on a les mêmes références... C'est quelqu'un de très avenant et bienveillant. Je ne le connaissais pas avant, je suis allée le voir en spectacle et j'ai beaucoup aimé. Je fais un métier où l'humain compte beaucoup. C'est très important pour moi sinon je suis frustrée, malheureuse. Donc quand ça se passe bien comme ça, que j'aime mes partenaires et le réalisateur, je sais pourquoi je fais ce métier et ça me rend heureuse.

Vous connaissiez l'histoire de Nadir Dendoune ?

Je n'en avais jamais entendu parler. Ahmed et Ludovic l'ont rencontré, mais moi non. J'ai découvert son histoire à travers le scénario et puis je me suis acheté son livre après. Cet homme est génial, il a fait des trucs extraordinaires, il a fait le tour de l'Australie en vélo, il a été reporter en Irak… C'est comme une passation car on part d'un grand personnage comme ça et nous, avec Ahmed, on se fait les passeurs de cette histoire, tout comme le public qui va aller voir ce film. Et on a vraiment besoin de ce genre de messages d'espoir aujourd'hui. 

Est-ce que vous pourriez faire des choses aussi folles que Samy par amour ?

Je n'ai jamais été confrontée à ça, mais je suis une grande amoureuse. J'ai un homme que j'aime par-dessus tout et je pourrais faire n'importe quoi pour lui. Je suis le genre de fille qui a lu au moins trois fois Orgueil et préjugés (rires). Les histoires romantiques ne me font pas peur du tout. Au contraire, je suis un peu une drama-queen !

Vous semblez être une passionnée, au contraire de votre personnage Nadia qui est beaucoup plus prudente…

J'aime beaucoup ce rapport un peu désuet à l'amour que l'on retrouve dans le film. Musset le faisait dans On ne badine pas avec l'amour, nous aujourd'hui on le fait à notre manière, sans prétention aucune. Après, moi dans la vraie vie, je suis beaucoup plus trash que le personnage que je joue dans le film ! Je suis très honnête et j'ai du mal à garder les choses pour moi, si j'aime je le dis, si je n'aime pas aussi. Je suis un peu extrême dans mes sentiments. A l'aube de mes 30 ans je commence à accepter cette hyper-sensibilité. Je suis comme ça, les gens qui me connaissent et m'aiment font avec. Et puis je pense que ça peut être charmant parfois. 

Quel regard posez-vous sur votre personnage au final ?

J'ai beaucoup de respect pour Nadia. C'est une fille moderne et intelligente, elle est dans son quartier, elle travaille, elle fait ses études à côté. Elle veut s'émanciper, avoir un mec qui fait de grandes choses et elle ne veut pas se brader pour le premier garçon venu. Ludovic a un regard très bienveillant sur les femmes en général et c'est important. On joue souvent les rôles de potiches car je pense que les scénaristes et les réalisateurs pour beaucoup d'entre eux n'ont pas forcément un grand amour pour les femmes. Alors que Ludovic a fait prendre de l'importance à ce personnage féminin.

© Mars Films

Monter l'Everest, vous le feriez ?

Je ne suis pas une fille de la montagne. On me demande souvent si je n'étais pas trop frustrée de ne pas aller au Népal, mais la neige, le grand froid, escalader des murs de glace, c'est pas mon truc. J'ai moins peur de la Guyane que de Chamonix ! Je n'ai jamais fait de ski et ça m'effraie un peu. Ahmed et les équipes dormaient par -25 degrés et marchaient cinq heures par jour… Si c'était à faire je le ferais, mais ce serait très difficile pour moi. Vraiment, je leur tire mon chapeau parce que je sais qu'ils en ont bavé. L'ascension est le seul film au monde à avoir été tourné aussi haut, au camp de base de l'Everest à 5364 mètres. 

Voyager c'est important pour vous ?

J'ai eu la chance de voyager très jeune grâce à mon travail, dès que j'ai eu mes premiers cachets je me suis acheté des billets d'avion. C'est très important pour mon équilibre, quand je ne pars pas je deviens vite insupportable.

Une destination qui vous a marquée ?

Quand je jouais le spectacle Confidences à Allah qui a changé ma vie, on a fait une énorme tournée mondiale. On a fait le tour des îles, Nouvelle-Calédonie, Japon, Caraïbes... Chaque voyage est incroyable, j'ai découvert la Sicile il n'y a pas longtemps et j'étais émerveillée. J'aime rencontrer les gens, mais je suis très mauvaise en langues, j'essaie de me faire comprendre comme je peux et ça créé un truc sympa. Je pense que mon futur voyage sera au Costa Rica : ma meilleure amie vient d'emménager là-bas.

Est-ce que c'est important pour vous que des quartiers  comme la Courneuve soient représentés dans le film ?

On aura gagné quand on arrêtera de croire que c'est important. On en est loin encore. C'est important pour beaucoup de gens, mais pas pour moi car c'est là d'où je viens et je sais qu'on y fait des choses. Ça ne change pas grand-chose à l'histoire, on aurait mis ce looser qui ne fait rien de sa vie à Paris ou à Marseille ça aurait marché aussi. Là, le fait est que Nadir Dendoune est de la Courneuve, donc c'était important de représenter ça et j'espère que ça donne un message d'espoir pour les gens qui habitent dans ces quartiers. Ce qui est bien, c'est que Ludovic n'est pas rentré dans les clichés.

"J'ai un prénom français, un nom algérien, je suis multiculturelle et je peux jouer le rôle d'une Julie comme le rôle d'une Nadia"

Avez-vous été victime des clichés ?

Dans Sous les jupes des filles d'Audrey Dana, je joue le rôle d'une fille qui s'appelle Adeline et certains s'en étaient offusqués. Et quand je leur disais que je m'appelais Alice, ils étaient surpris... On est aujourd'hui encore confronté à ce genre de chose. Oui, je m'appelle Alice Belaïdi, j'ai un prénom français, un nom algérien, je suis multiculturelle et je peux jouer le rôle d'une Julie comme le rôle d'une Nadia.  

Vous avez eu le sentiment d'avoir des choses à prouver ?

Je dois me battre tous les jours parce que je suis une femme et que mon père s'appelle Mouloud. Je fais partie de ces gens à qui on demande les origines avant de demander autre chose, contrairement à mes copines blondes aux yeux bleus. Les femmes au cinéma manquent totalement de crédibilité, ce serait malhonnête de dire le contraire. On nous parle d'une loi qui sera appliquée dans dix ans pour avoir enfin une égalité des salaires… on va encore passer dix ans à travailler pareil et être payées moins.

Est-ce que le mot féminisme vous fait peur ?

Pas du tout, ce mot est très galvaudé, il faudrait le réhabiliter ! On devrait tous être féministes. J'ai plein d'amis masculins qui sont féministes et qui ne comprennent pas qu'on ne soit pas payées autant qu'eux. Oui, on est en 2017, je suis féministe et fière de l'être. 

© Mars Films

L'ascension, de Ludovic Bernard. 

Sortie le 25 janvier 2017. 

Synopsis : "Pour toi, je pourrais gravir l'Everest !" Samy aurait mieux fait de se taire ce jour-là... D'autant que Nadia ne croit pas beaucoup à ses belles paroles. Et pourtant… Par amour pour elle, Samy quitte sa cité HLM et part gravir les mythiques 8848 mètres qui font de l'Everest le Toit du monde. Un départ qui fait vibrer ses copains, puis tout le 9-3 et c'est bientôt la France entière qui suit avec émotion les exploits de ce jeune mec ordinaire mais amoureux. A la clé, un message d'espoir : à chacun d'inventer son avenir, puisque tout est possible.