Park Chan-wook, virtuose du cinéma sud-coréen, nous présente "Mademoiselle"

INTERVIEW - Park Chan-wook, le réalisateur du film culte "Old Boy", revient avec "Mademoiselle", un thriller érotique et esthétique où s'entremêlent saphisme et sadisme, sur fond de jeu de dupes. De passage à Paris, le cinéaste a répondu à nos questions. Rencontre.

Park Chan-wook, virtuose du cinéma sud-coréen, nous présente "Mademoiselle"
© The Jokers / Bac Films

Il est des films qui vous marquent à vie. C'est le cas de ceux de Park Chan-wook, réalisateur du sanglant (et traumatisant) Old Boy (2003) et de la trilogie de la vengeance dont il fait partie, mais aussi du violent (et dérangeant) Stoker. Le cinéaste remet le couvert avec un nouveau long-métrage, Mademoiselle, nommé à trois reprises au Festival de Cannes 2016, une histoire d'arnaques et surtout d'amour, mettant en scène une jeune héritière et sa servante dans les années 1930 en Corée, pendant la colonisation japonaise. Et Mademoiselle, par sa splendeur, sa sensualité et sa délicatesse saura sans nul doute séduire son public... et le duper.

De passage à Paris, le réalisateur sud-coréen nous a reçus dans le décor charnel de l'hôtel Grand Amour où coloris sombres, moquette imprimée de vulves et photos de nu artistique aux murs cohabitent, Ce lieu ne pouvait mieux coller avec le sujet de son nouveau film. 

Mademoiselle et Joint Security Area ont été inspirés par des romans, Old Boy par un manga, Stoker par un film d'Hitchcock… Pourquoi cette envie de réadapter des œuvres ?
Je ne suis pas spécialement attaché au travail d'adaptation. J'estime que tout est source d'inspiration, aussi bien les articles de journaux, que les expériences personnelles comme le divorce. Quand on fait un travail de création, on s'éloigne de la matière d'origine, il n'y a donc plus de limites. Lors d'une adaptation, je ne considère pas l'œuvre initiale comme un plan prédéfini ou un mode d'emploi. Au contraire, j'y vois une expérience de vie, peut-être indirectement puisqu'il y a le truchement du roman. C'est aussi concret qu'une dispute survenue la veille avec un ami. C'est la raison pour laquelle je me suis toujours permis de prendre des libertés par rapport à l'œuvre d'origine.

Pourquoi avoir adapté ce livre (ndlr : Du bout des doigts de Sarah Waters) entre la Corée et le Japon ?
Le choix de cette époque et de ces lieux était avant tout pragmatique. Il y avait deux impératifs : trouver une époque où il y avait encore la société des classes avec d'un côté la belle demoiselle et de l'autre, sa servante. Il fallait également un asile psychiatrique puisque l'internement est important. C'est un concept occidental du point de vue asiatique, d'où le choix de la Corée des années 30 où ces deux éléments cohabitaient dans le même espace-temps. Pour être honnête, j'ai pensé dans un premier temps à en faire une adaptation vraiment fidèle et de raconter cette histoire dans une époque victorienne, mais je me suis rendu compte qu'il y avait déjà une série BBC à ce sujet. J'étais très déçu, il a fallu que je change d'idée et c'est là que j'ai songé à inclure ces deux éléments.

© The Jokers / Bac Films

Avez-vous eu peur de la censure ?
Non, car elle n'existe plus en Corée et au Japon, c'est assez libre. Elle n'a existé que dans les années 70 et avec sa démocratisation, la liberté de création est devenue plus générale. En revanche, il y a des limites d'âge qui répondent à des critères différents de la France. Par exemple, Mademoiselle est interdit aux -18 ans en Corée du Sud.

Dans Mademoiselle, on retrouve de nouveau une scène de vengeance sanglante. Est-ce votre thème de prédilection ?
J'en ai une définition bien particulière. A l'époque de la trilogie sur la vengeance, je voulais parler des gens qui prenaient tous les risques et sacrifiaient absolument tout "pour rien". Par exemple, lors d'un deuil douloureux, ce n'est pas en tuant l'assassin que l'on va faire revenir la personne décédée. Dans Mademoiselle le concept devient différent car il y a un intérêt quand quelqu'un se venge. Pour moi, il ne s'agit pas à proprement parler de revanche, mais de punition car les personnages ne prennent pas tant de risques que ça.

A quelqu'un qui n'a pas vu vos films, lequel lui conseilleriez-vous ?
Mademoiselle, parce que c'est mon dernier bébé et Thirst, ceci est mon sang.

Découvrez la bande-annonce de Mademoiselle, en salles le 1er novembre :