Pedro Almodóvar, le réalisateur qui aimait les femmes

Le nouveau film de Pedro Almodóvar, "Julieta", est présenté au Festival de Cannes, avant sa sortie en salles, le 18 mai 2016. Lors d'une masterclass tenue à Paris le 6 mai, le cinéaste est revenu sur son œuvre, ses inspirations et la place des femmes dans son cinéma. Morceaux choisis.

Pedro Almodóvar, le réalisateur qui aimait les femmes
© El Deseo - Manolo Pavón

Le cinéma Les Fauvettes, dans le 13e arrondissement de Paris, était plein à craquer, vendredi 6 mai 2016. Le lieu, consacré aux films restaurés, recevait Pedro Almodóvar. Accueilli sous un tonnerre d'applaudissements, le metteur en scène a donné une masterclass à l'occasion de la sortie de son dernier film, le superbe Julieta, en compétition au 69e Festival de Cannes, et dans toutes les salles de France dès le 18 mai. 
Julieta suit le parcours d'une mère qu'une rencontre inattendue va replonger dans ses souvenirs et un passé pas toujours tendre. Almodóvar filme une nouvelle fois les femmes comme il sait si bien le faire, avec justesse et passion. Sur un mode parfois proche du thriller, le réalisateur permet à ses deux actrices, Emma Suarez et Adriana Ugarte, d'explorer toutes les périodes de la vie d'une femme, en exprimant une subtile palette d'émotions. 
Une fascination pour la gent féminine que le cinéaste a évidemment évoqué lors de son escale parisienne. Son origine est à chercher dans son enfance, le réalisateur ayant grandi entouré de femmes, dans l'Espagne d'après-guerre. "Elles ont forgé mon caractère et m'ont montré ce qu'était la vie". Ces femmes étaient également une source de fiction puisqu'elles se racontaient les histoires du village. Pedro Almodovar considère également qu'il y a plus de grandes actrices que de bons acteurs en Espagne et assure être plus inspiré par la maternité que la paternité. Les performances d'Emma Suarez et Adriana Ugarte dans Julieta lui donnent raison, au point qu'on verrait bien le jury de George Miller leur remettre un prix d'interprétation ex aequo.

Vache sacrée, miracle et addiction   

Le choix d'Emma Suarez et Adriana Ugarte, très connues en Espagne même si leur renommée est plus confidentielle dans nos contrées, s'est imposé comme une évidence. "C'est toujours l'histoire qui nous pousse à prendre les décisions les plus importantes, dont le casting. Celle de Julieta exigeait une narration sobre et en retenue. Emma et Adriana étaient celles qui incarnaient le mieux les personnages". Et les comédiennes ont certainement eu une lourde responsabilité sur les épaules. Quand on demande au metteur en scène ce qu'il attend de ses acteurs, Pedro Almodóvar répond simplement : "Un miracle, tous les jours."
A propos d'une éventuelle Palme d'or, qu'il n'a jamais reçue malgré 5 nominations en sélection officielle, Almodóvar se veut philosophe : "L'absence de Palme d'or est probablement la seule à laquelle on peut survivre." Le seul fait d'être en compétition est une récompense en soi qui lui prouve qu'il n'est "pas devenu une vache sacrée". 
Le réalisateur termine son intervention sur la plus belle déclaration d'amour au cinéma qui soit : "Filmer est une addiction de laquelle je ne vais jamais décrocher et j'espère qu'elle ne me tuera pas." Nous sommes du même a-vie !

© Blanco Victor J/AlterPhotos/ABACA USA