Judith Chemla, ce sentiment de joie

Dans "Ce sentiment de l'été", en DVD le 21 juin, Judith Chemla incarne Zoé, une jeune mère de famille qui tente de se reconstruire après la dispartion brutale de sa sœur. Le Journal des Femmes s'est entretenu avec cette touchante actrice touche-à-tout, qui fleure la bonne humeur. Rencontre.

Judith Chemla, ce sentiment de joie
© Pyramied Distribution

Souriante, charmante et bonne vivante : c'est ainsi que nous pourrions qualifier Judith Chemla, actrice aux multiples talents qui s'exprime aussi bien sur les planches, que devant une caméra ou derrière un micro. Il faut dire que cette fraîche trentenaire a débuté précocement : après un stage à 14 ans au Théâtre du Soleil qui lui a "donné soif", elle intègre le Conservatoire du 5e arrondissement de Paris pendant un an, avant de faire le Conservatoire national et d'enchaîner par la voie royale, en devenant pensionnaire de la Comédie Française, juste après avoir tourné dans Versailles avec Guillaume Depardieu. Le tout, sans oublier l'art lyrique, qu'elle a découvert à l'adolescence. "Tout est parallèle. J'aime qu'il y ait des médias différents", nous a-t-elle avoué entre deux gorgées de thé, dans un ravissant petit hôtel du 9e arrondissement parisien, où a été tournée une scène de Ce sentiment de l'été. Entretien.

Judith Chemla © Pyramide Distribution / Nord Ouest Films

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a plu dans Ce sentiment de l'été ?
Judith Chemla : Sans que rien ne soit expliqué, on a accès à une vérité qui n'est pas décrite d'une manière ordinaire. C'est comme si on voyait la vie à la loupe, en grossissant des petites choses. Ce qui fait qu'après un choc comme la perte de quelqu'un, on arrive à tenir à la vie, par un regard ou juste par une petite chose qui tient dans un sourire. Ça paraît être rien, mais c'est ce qui fait qu'on arrive parfois à aimer encore la vie.

Et dans la vision de Mikhaël Hers ?
J'ai eu un engouement fort pour ce film en passant les auditions. Mikhaël Hers avait écrit une situation – qui n'est pas dans le film – mais dans laquelle je parlais avec une prof de chant, en racontant un souvenir. L'émotion est venue me prendre, alors que ce n'était pas écrit, mais ça se lisait entre les lignes. C'est comme s'il y avait accès à la matière invisible des choses, qui nous mettent en mouvement et nous troublent.

Et ce que vous avez aimé dans votre personnage, Zoé ?
Le personnage de Zoé n'était pas figé, pas défini. Ce n'est pas un personnage qui est comme ci ou comme ça, fort ou haut en couleur. C'est quelqu'un qui sait regarder, chercher, ressentir.

Avez-vous des points communs avec elle ?
Elle est tournée vers la vie et je pense être comme ça. En revanche, je ne fume pas autant. C'est un moyen pour elle de compenser sa souffrance.

Etait-ce difficile de jouer avec Anders Danielsen Lie, avec la barrière de la langue ?
Anders parle très bien français, il l'a beaucoup travaillé. C'était très agréable d'être avec lui. Il a une grande sensibilité, une grande finesse, ce n'est pas quelqu'un de commun.

Quelle ville visitée pendant le tournage vous a le plus touchée ?
Je connaissais New York, j'adore cette ville. Pendant la semaine de tournage, j'étais dans une euphorie absolue. Là-bas, il y a vraiment un courant, un souffle, réel et inexplicable. J'ai vraiment apprécié Berlin que je ne connaissais pas. Il y a une liberté, quelque chose de sauvage avec la nature qui pousse partout. C'est beaucoup moins agencé qu'en France et ça fait du bien.

Quels films ou acteurs vous ont inspirée ?
Camille Claudel, ou plutôt la rencontre entre Isabelle Adjani et cette figure artistique. Cette femme qui devient folle parce qu'elle veut trouver son indépendance me bouleversait quand j'étais enfant.

Vous avez été nommée aux César, dans la catégorie Meilleure actrice pour un second rôle dans Camille Redouble. Comment l'avez-vous vécu ?
Ça m'a vraiment fait plaisir. Il y avait Yolande Moreau, Valérie Benguigui, que des grandes actrices. J'étais contente et fière.

Être reconnue par vos pairs, c'est important pour vous ?
Ça fait très plaisir de sentir qu'on a une place. C'est comme la cerise sur le gâteau : le meilleur est de faire ce qu'on aime. Quand on le fait avec passion, cela devient naturel.

Quel est votre rapport avec votre propre image ?
Au théâtre, il se passe quelque chose de mystérieux avec le public "ici et maintenant", les gens ne sont pas en train de se demander "est-ce qu'elle est belle" ? On est moins dans des canons. Évidemment, on n'a pas envie d'être moche, mais on est en train de traverser des états, de partager, de raconter, la beauté est ailleurs. Elle est dans l'intensité, on transcende ses imperfections physiques. Je ne suis pas une actrice avec un physique extraordinaire, mais c'est important de se dire qu'il y a plein de sortes de beauté.

Quel rôle aimeriez-vous qu'on vous propose ?
J'aimerais jouer une handicapée moteur. Les gens qui ont un handicap expriment leur pulsion de vie d'une manière extraordinaire. Cela donne des situations décalées et en même temps bouleversantes, que j'aimerais bien traverser en tant qu'actrice. Il y a un champ d'exploration inouï. Exprimer des choses brutes avec des gens civilisés : je trouverais cette confrontation des mondes géniale.

Vos rôles influent-ils sur celle que vous êtes au quotidien ?
On n'est pas indemnes quand on joue tel ou tel rôle. Je me souviens d'un film dans lequel j'ai joué avec Géraldine Nakache : j'avais un personnage lumineux, j'étais en extase toute la journée. C'était plus difficile pour elle et il lui arrivait plein de problèmes, comme si son rôle les attirait dans la réalité. On dit des mots toute la journée qui émettent des vibrations, on convoque des états. Forcément, l'atmosphère s'en ressent. De plus, on n'attire pas les rôles pour rien, certains viennent à nous car ça peut matcher, mais il faut avoir de la distance par rapport à ça.

Vous avez chanté dans le récital Crack in the sky et dans le concert On a dit on fait un spectacle. Quelle place a la musique dans votre vie ?
C'est comme manger et dormir, j'en ai besoin. Le fait de trouver ma voix, de chanter, c'est comme respirer. Mon père est violoniste, c'est au centre de ma vie. J'ai commencé à chanter vers 16-17 ans, je me suis dit que ça pouvait sonner comme de l'opéra et j'ai cherché dans ce sens là. C'est passionnant de ramener la voix à une grande intimité comme le faisais la Callas. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle nous bouleverse tellement : ce n'est pas de la musique, ce sont des états humains.

Pensez-vous à sortir un album ?
J'écris des chansons, doucement, mais sûrement. J'aimerais bien, mais il me faut du temps...

Quels sont vos projets à venir ?
On monte pour septembre la Traviata de Verdi aux Bouffes du Nord et je joue dans l'adaptation d'Une Vie de Maupassant, mis en scène par Stéphane Brizé.

Si vous étiez...
Un sentiment ?
 On va y aller fort : je dirais la joie !
Une saison ? Le printemps. Pour la naissance et l'entre-deux mondes : on quitte l'hiver pour aller vers l'été, c'est magnifique.
Une ville ? Rome ! J'adore cette ville : la ruine, la beauté, la splendeur du profane, les chats partout… Les surprises à chaque coin de rue, les rires, les gens qui parlent fort, les églises…
Une chanson : Chapeau bas de Barbara
Une pièce de théâtre  ? Grand et petit de Botho Strauss, c'est trop beau !

Regardez la bande-annonce de Ce sentiment de l'été, en salles le 21 juin :