"Un jardin, c'est tellement éphémère ! "

Cela fait 20 ans que Jacky consacre tout son temps libre à son magnifique jardin situé en Seine-Saint-Denis. Rencontre avec le gagnant du concours Jardin du Journal des Femmes.

"Un jardin, c'est tellement éphémère ! "
© Jacky

 

talus jacky
Jacky, le gagnant du concours jardin 2010, nous a ouvert les portes de son grand jardin où haies et arbustes sont à l'honneur. © Jacky

Depuis combien de temps possédez-vous ce jardin ?  


Jacky : J'ai fait l'acquisition de ce jardin de 1000 m² en février 1990. Il est situé en plein centre-ville. Cet emplacement m'a séduit. Il est niché dans la verdure, sur un flanc de coteau, où bon nombre d'oiseaux du 93 viennent nicher.

Un simple fil de fer nous sépare des voisins. Du coup, la propriété me paraît immense. La maison est proche de la rue et occupe la partie haute du terrain. Elle offre un très large panorama sur la banlieue, particulièrement beau au soleil couchant.

Quels sont les principaux aménagements que vous avez effectués ?

 
Jacky : L'année 1990 a été celle de la découverte du terrain. Les haies de troènes existantes ont été rabattues. Le jardin a été débarrassé des ronces. Les noisetiers ont été taillés en cépées et j'ai retiré les vieilles souches d'un ancien verger. Ce fut un énorme boulot !

kiosque jardin jacky
Ce kiosque est un support idéal pour les grimpantes. Sur le premier pylône, Jacky a planté  une clématite 'Betty Corning' et sur le deuxième, une clématite 'Heagled Hybrid'. © Jacky

Après avoir concerté un pépiniériste pour le choix des végétaux, le premier gros travail a constitué à planter des arbustes en périphérie du terrain. Cela représentait 70 mètres linéaires.

Ensuite, en faisant abstraction de la maison et de ses abords, j'envisageais l'implantation d'une terrasse. J'ai alors délimité les massifs.

Je me suis donc retrouvé avec la maison, et une dizaine de mètres de pelouse, un talus d'environ 300 m² à retourner, et à nouveau une pelouse au bas du talus que j'allais encercler par un grand massif, également à retourner.

J'ai alors commis deux erreurs. La première, c'est de ne pas avoir assez travaillé la terre. J'ai appris par la suite que plus la terre est mauvaise, plus il faut creuser. La deuxième erreur, c'est d'avoir choisi des arbustes trop développés en pensant gagner du temps. Ces végétaux avaient formé de sérieux chignons racinaires après avoir séjourné un bon moment en pépinière. De plus, sur le talus, l'arrosage n'a pas été bien suivi, faute de temps. Résultat : entre 40% et 80% de pertes suivant les zones.

C'est Jacques Segers en 1992 qui, tout en me livrant des buis, devine ma passion pour le jardinage et m'encourage vivement à continuer. De ce fait, dès 1993, je commence à fréquenter les fêtes des plantes, ce qui me permet d'acquérir mes premières graminées. Ensuite, viendront les roses, vivaces, et encore des buis.

En 1998, c'est l'aménagement de la terrasse qui va bouleverser l'architecture du jardin.

Hugues Peuvergne me remet un plan en choisissant de décaler la terrasse de l'axe de la maison. Cela permet de créer trois petits jardins supplémentaires autour de la maison.

Ces jardins sont arborés dans le même esprit que le talus. Cela va donner un sens et valoriser mon travail. En 2003, pour la construction du garage, j'ai de nouveau fait appel à ses services.

En 2008, le kiosque en châtaignier s'effondre. Il faut arracher les énormes rosiers pour concevoir 4 plots de béton pour asseoir le kiosque actuel en ferronnerie.

 

De quoi êtes-vous le plus fier dans votre jardin ?

 

escalier jardin jacky
Dire que Jacky a failli démolir cet escalier tellement il était laid ! Heureusement, le maître de maison a préféré le végétaliser avec du lierre commun sur les conseils du jardinier qui a implanté sa terrasse. © Jacky

Jacky : Un jardin, c'est tellement éphémère. Vous proposez, vous essayez, mais c'est Dame nature qui décide. Nous ne sommes là que pour la servir. Si on se prend trop au sérieux, on s'en prend plein la figure. Mais il y a quand même deux choses qui me tiennent à cœur dans cette activité.

La première, c'est l'occupation de l'espace. Sans une bonne base, il n'y a pas de jardin d'ornement. De ce côté-là, je pense avoir réussi. Cela me procure une sérénité. Je peux maintenant porter mon attention sur la composition de chaque massif.

La deuxième chose, c'est la taille. Je suis satisfait de progresser. Le sujet est tellement vaste que pour l'instant, je me contente, du mieux possible, de magnifier le végétal. Je suis capable de rester 5 heures sur un arbuste et d'y revenir plus tard. J'apprends par la pratique, mais aussi en consultant des livres plutôt réservés aux professionnels. Je porte aussi un regard particulier sur la méthode japonaise.

 

jardin jacky buis
Sur le côté sud de la maison, Jacky a créé un petit jardin. Il est délimité du voisinage par une haie de troènes qui a longtemps été taillée d'une façon rectiligne. © Jacky

 

Passez-vous beaucoup de temps dans votre jardin ?   

 Jacky : Oui, parce que je m'y sens bien. Mais les débuts ont été difficiles, surtout en ce qui concerne l'entretien du sol.

L'argile est présente à quelques centimètres avec des reflets verdâtres. C'est de la colle en hiver, du béton en été.

Dans un premier temps, j'ai fait des apports conséquents de sable, de terreau et d'or brun pour obtenir finalement un résultat moyen. J'ai lu, demandé des conseils et je me suis décidé à apprendre à faire mon compost moi-même. Je me suis équipé d'un broyeur. Si je suis satisfait des résultats, les vers eux aussi puisqu'ils sont plus nombreux et plus gros, mais cela prend du temps.

C'est la taille qui occupe la plus grosse partie du temps. Entre les haies, les bordures de buis, les vagues de buis qui serpent dans les massifs, les arbustes, les rosiers et clématites, les vingt niwaki et les dix touffes de bambous que j'éclaircis en hiver, il y a de quoi faire. Les vivaces et graminées sont rasées autour du 15 février. Les douze tilleuls qui ceinturent la maison sont taillés en rideaux par un professionnel.

Le désherbage est occasionnel. Je n'arrose pratiquement pas le jardin, excepté les pots et les nouvelles plantations de persistants les deux premières années.

 

Y a-t-il un endroit que vous appréciez plus particulièrement ?

Jacky : J'apprécie les soirées de juin au soleil couchant, parcourir les sentiers d'entretien encerclés par les végétaux. C'est un moment très agréable que j'aimerai bien faire partager à d'autres personnes. Malheureusement, ces sentiers pavés sont souvent glissants et dangereux à cause de cette forte pente. Je souhaite que ce jardin me ressemble davantage et qu'il en émane plus de liberté, un certain mouvement grâce aux graminées et, en opposition, une structure aux formes sculptées.

 

 

Comment vous est venue cette passion pour le jardinage ?  

Jacky : Curieusement, lorsque j'étais adolescent, je souhaitais être dessinateur. Finalement, à 15 ans, je me suis retrouvé à développer des photos chez le photographe du quartier. J'ai commencé à prendre plaisir à ce métier, lorsque j'ai découvert la prise de vue. Très vite, je me suis retrouvé l'égal de mon maître d'apprentissage. Quelques années plus tard, j'ai trouvé un local et j'ai présenté de très grands tirages d'enfants. C'était parti. Un peu plus tard, un client régulier qui était jardinier m'a fait savoir qu'il aimerait bien acquérir un nouveau matériel, mais que financièrement il n'était pas prêt. Je me souviens lui avoir répondu que l'on pourrait peut-être trouver une solution. De mon côté j'avais envie d'avoir un beau jardin, et des conseils afin de trouver un ordre de travail pour mener à bien ce projet. Dix jours plus tard, il avait son reflex et j'avais mon plan. Ce premier jardin était sympa, mais il était sans âme. Quelques années plus tard, mon activité s'essoufflait, j'ai dû faire un choix. J'ai transformé ce magasin en signant un contrat de franchise avec une grande enseigne qui souhaitait développer un service travaux photo de proximité sur la région parisienne. Ce fut une réussite commerciale et financière, mais privé d'activité artistique, j'ai connu l'ennui. La suite vous la connaissez, mon regard s'est tourné sur le jardin comme moyen d'expression, achat d'une nouvelle maison avec un terrain plus grand.

 

 

Avez-vous prévu de nouveaux aménagements et plantations dans les prochains mois ?

Jacky : Les aménagements sont terminés. Je viens de fêter le 21e anniversaire de mon jardin. Cette année, j'ai prévu le changement des lames de bois sur la terrasse (40 m²). Ce travail sera réalisé par une entreprise. En ce qui concerne les plantations, mes recherches s'orientent vers des végétaux procurant un entretien facile, de préférence couvre-sol. J'aime beaucoup les épimediums, les graminées, les clématites que je peux faire courir partout, et dans les arbustes les hydrangeas et les houx que ma terre accueille sans problème. Comme je suis qu'un humain passionné, il y aura en plus des achats coup de cœur lors des fêtes des plantes.

 

 

Votre jardin a été élu jardin préféré des lecteurs 2010. Vos impressions ?

Jacky : Je remercie vivement tous les passionnés de jardin qui m'ont élu. Cela fait plaisir. Je n'ai présenté que 5 photos parce que je n'étais pas sûr de moi.

Il y a plusieurs familles de jardiniers. Ces familles sont toutes aussi respectables les unes que les autres. Parmi les participants, il y avait des jardins beaucoup plus fleuris que le mien. Certain avait comme fond de jolis paysages. J'ai vu aussi des vieilles pierres. Je n'étais pas certain que le choix allait être fait sur un jardin de ville très structuré.

Dans tous les cas, c'est pour moi un encouragement fort, qui me sera utile les mauvais jours.
 

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