Help, j’ai toujours envie d’être avec lui : 5 questions à un psy

On voudrait que Robert vienne à toutes nos soirées, s’installe déjà chez nous et nous bombarde de textos à longueur de journée. Son absence est visiblement de trop, mais force est de constater que nous devenons dépendante. Comment (ré)apprendre à marcher toute seule, surtout quand l’autre mène sa petite barque tranquille ? Réponse avec Yves-Alexandre Thalmann, psychologue.

Help, j’ai toujours envie d’être avec lui : 5 questions à un psy
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Qui n'a jamais ressenti ce besoin d'être sans arrêt avec son amoureux ? L'envie qu'il soit présent, partout, nous accompagne à tous les dîners de famille, ne nous laisse pas dormir seule le soir, nous suive dans les rayons du supermarché, entre rasoirs et comté râpé ? Il devient alors notre respiration, l'impression que sans lui les jours et les sorties sont plus fades. Dommage, parce qu'à la moindre déclinaison ("non merci je te rejoins plus tard"), on traîne la patte, le cœur un peu lourd. Et si on apprenait à vivre pour soi ? À être deux, tout en étant toujours un + un ? À profiter du moment présent même si notre cher et tendre se promène à trois rues de là ? Nous avons discuté avec Yves-Alexandre Thalmann, psychologue et auteur de Autant s'aimer toujours aux éditions Solar afin de faire le point sur notre besoin, notre presque dépendance amoureuse. Il nous donne les clés pour se sentir bien... même sans sa moitié.

D'où vient ce sentiment de dépendance à l'autre ? Existe-t-il des caractères plus enclins que d'autres ?
Yves-Alexandre Thalmann : La Nature nous a dotés d'un cerveau amoureux. Pour augmenter les chances de survie de l'espèce, elle a inscrit en nous des mécanismes visant à nous rapprocher de congénères et de nous attacher à eux. L'idéalisation de l'autre et le plaisir ressenti en sa compagnie sont au nombre de ceux-ci. Le manque en son absence (qui est le revers de la médaille du plaisir) également. Autrement dit, quand nous sommes amoureux, nous avons naturellement tendance à être obsédé par l'autre, à avoir une puissante envie d'être avec lui et une sensation de manque en son absence (que nous comblons en y pensant le plus clair du temps). C'est la raison pour laquelle l'état amoureux n'est pas fait pour durer…

Cela peut-il venir de la personne en face ? Plus elle sera indépendante, plus nous allons nous accrocher… ?
Il s'agit de ce que l'on pourrait appeler le paradoxe de la passion : plus une personne se montre soumise et acquise, moins nous la désirons. C'est souvent au moment où l'autre a envie de nous quitter que l'on tient le plus à lui. Le désir ne peut s'épanouir que dans le manque. Ce qui entraîne la conséquence que nous allons davantage nous accrocher à une personne qui se montre indépendante, et un peu moins à une personne plutôt dépendante de nous. C'est ce qui explique que certains hommes plutôt brusques et peu regardant envers leurs partenaires ont parfois plus de succès que des hommes trop gentils et serviables.

Faire continuellement passer l'autre en premier est-il dangereux, même si lui agit de la même façon ?
C'est dangereux pour le couple en premier lieu : plus je me montre dépendant de l'autre, moins il me désire et plus il songe à prendre de la distance (personne n'aime un partenaire trop "collant"). Mais c'est aussi dangereux pour nous-mêmes : à force de nous oublier, nous nourrissons de la rancœur envers l'autre et nous lui en voulons de ne pas être aussi attentionné que nous. Un couple solide a besoin d'une juste distance pour fonctionner dans la durée : trop près, c'est l'étouffement, trop loin, c'est la distanciation. Ceci dit, les couples sains passent par des phases de rapprochement et d'éloignement, telle une salutaire respiration…

Que faire si l'autre ne semble pas avoir autant besoin de nous ?
C'est plutôt bon signe ! Il s'agit d'une personne plutôt équilibrée qui ne va pas sacrifier ses amis, ses loisirs, ses autres intérêts pour nos beaux yeux… et nous en vouloir quelques mois plus tard pour ce sacrifice. Finissons-en avec cette mythologie romantique qui fait d'énormes dégâts dans notre société (on lui doit des taux de divorce qui dépassent les 50% !) : l'autre ne doit pas avoir besoin de nous, auquel cas ce serait de la dépendance. S'il a envie de nous, c'est déjà bien…

Peut-on apprendre à "vivre sa vie" ? Quelles sont les clés pour mener son quotidien indépendamment de l'autre ?
Avoir absolument besoin d'une autre personne dans sa vie peut être le signe d'un vide intérieur. Entendons-nous bien : avoir envie de partager notre vie avec un partenaire est légitime et source de bonheur ; mais être dépendant d'une autre personne pour ressentir de la satisfaction est un gage de souffrance.

Une des clés pour éviter de sombrer dans la dépendance et de s'efforcer à continuer à faire ce que nous faisons avant de tomber amoureux : surtout continuer à fréquenter nos amis, en en réservant quelques-uns pour nous. Garder des confidents que l'on ne va pas chercher à tout prix à présenter à notre amoureux. Dans un couple, il y a les amis du couple, mais aussi les amis de chacun, qui n'ont pas besoin de plaire au partenaire…

Merci à Yves-Alexandra Thalmann, auteur de Autant s'aimer longtemps aux éditions Solar

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