Charlotte, 47 ans, a retrouvé son amour d'enfance (et nous donne envie de rappeler le nôtre)

L'année dernière, Charlotte a reçu un message de Franck, son premier grand amour. Des retrouvailles magiques. Elle nous raconte l'évidence et les frissons. Un témoignage prenant qui nous fait rêver et... réfléchir.

Charlotte, 47 ans, a retrouvé son amour d'enfance (et nous donne envie de rappeler le nôtre)
© 123RF

J'ai rencontré Franck lors d'une soirée à laquelle je ne voulais pas me rendre. Ma sœur a insisté. J'ai traîné des pieds. Et c'est en quittant la maison à l'extérieur de Lyon où se déroulait la fête que j'ai vu Franck pour la première fois. Il a suffi d'une seconde pour que nos regards se captent. Un véritable coup de foudre. J'avais dix-neuf ans et quelques amourettes derrière moi. Rien de bien sérieux ou de très palpitant. J'ai su ce soir-là que quelque chose basculait. Nous étions en février.

"Un amour plus fort que tout"

A l'époque, nous n'avions pas de téléphone portable. Alors nous avons échangé nos adresses postales. Il habitait Paris, moi Lyon, chez mes parents. Très vite, nous avons entamé une correspondance. Nous avions très envie de nous revoir. Alors Franck est descendu régulièrement. Notre relation prenait forme. Ce que nous ressentions était intense. La distance n'était pas facile à gérer, mais l'amour plus fort que tout, comme il peut l'être à cet âge-là.

Nous sommes partis en vacances ensemble durant l'été. Une semaine dingue et pourtant... un soir, j'ai fauté sur la plage avec un Allemand. J'ai dérapé. Des baisers, des rires. Franck nous a surpris et notre histoire a volé en éclats. C'était soudain. Cependant, avec ou sans Allemand, avec ou sans trahison, notre relation n'aurait pas tenu. Nous étions en décalage avec Franck. J'étais très amoureuse, mais je ressentais une certaine pression à ses côtés. Il investissait beaucoup en moi, pour moi. Il avait trois ans de plus, il était déjà dans la vie active, il m'imposait un cadre et me proposait quelque chose de trop grand pour moi. Je rêvais simplement d'indépendance. Je voulais faire les choses dans l'ordre. M'émanciper, quitter le nid familial, trouver un travail. Bref, grandir à mon rythme et non pas au sien.

"Je pensais à lui souvent, et puis de moins en moins"

Après la rupture, j'ai fui. Je n'ai plus donné de nouvelles. Je faisais ma vie. Je suis rapidement passée à autre chose même si ces six mois de relation m'étaient précieux. Une magnifique histoire et aussi un tremplin qui m'a aidée à mieux me connaître. Franck était mon premier grand amour. Je pensais à lui souvent – à ce qu'il aurait pensé ou fait dans telles ou telles situations – et puis de moins en moins. Je l'ai oublié, j'ai rencontré d'autres hommes. J'ai eu vingt ans, vingt-cinq, trente. Je me suis mariée et j'ai eu deux enfants.

Pour lui, c'était plus compliqué que pour moi. Je l'ai su après. J'ai su qu'il était resté en contact un bon paquet d'années avec mon beau-père (qui aujourd'hui n'est plus avec ma mère). Franck lui demandait régulièrement de mes nouvelles. J'ai aussi appris – il me l'a confié lors de nos retrouvailles – qu'il avait basé sa vie amoureuse sur mon modèle. En d'autres mots, il me cherchait à travers d'autres.

"Quand il m'a écrit, j'ai instantanément pensé qu'il pouvait se passer quelque chose"

Je me suis séparée du père de mes enfants il y a une dizaine d'années et je suis venue m'installer à Paris. Lorsque j'ai pris cette décision, j'ai pensé à Franck. Je me suis demandé s'il vivait toujours là. Une question sans réponse que je n'ai pas cherché à élucider. C'était simplement une vague de nostalgie, trois secondes à peine. Et j'ai reconstruit ma vie au sein de la capitale. Pas d'amour, pas de nouvelles rencontres, mais un nouveau quotidien centré sur mes deux fils et mon travail.

L'année dernière, en novembre, j'ai reçu un message sur Linkedin. C'était lui. Un "bonjour, comment ça va ?" suivi d'un "je ne résiste pas à l'idée de prendre de tes nouvelles". Nous avons alors discuté. Et ça m'a paru évident. J'ai instantanément pensé qu'il pouvait se passer quelque chose alors même que je ne savais rien de sa situation personnelle. Très vite, nous nous sommes racontés nos vies par mail. Il n'était plus à Paris, mais à Nice. Je me suis dit qu'on se loupait encore une fois.

"J'avais le sentiment de l'avoir quitté hier"

Il avait deux enfants, à peu près du même âge que les miens. Et il était en instance de divorce. Nous avons décidé de nous revoir. Il comptait venir à Paris dans un mois. En attendant, nous n'avons cessé d'échanger. Nous nous appelions en Facetime, nous voulions éviter le choc des retrouvailles. J'ai redécouvert son visage, retrouvé sa voix, son rire. Son rire qui m'avait toujours fascinée et transportée. Franck avait vieilli, nous avions vieilli. Et pourtant, j'avais le sentiment de l'avoir quitté hier. Je plongeais près de trente ans en arrière. C'était dingue à vivre, un voyage fou.

A quelques jours de notre rendez-vous, je lui ai écrit et proposé deux lieux. Une brasserie lambda et un bar avec vue panoramique sur Paris. Il aimait Paris et j'espérais qu'il soit sensible à ma seconde option. Et ce fût la seconde option. Nous avons parlé pendant cinq heures. Nous nous sommes raconté nos parcours. C'était fluide. Et d'un naturel désarmant.

"Rien ne s'était vraiment éteint"

Nous nous sommes embrassés. Nous en avions très envie. Une petite voix me demandait de résister. Quelque part, c'était trop facile. Et si j'étais simplement en train de me laisser envahir par mes souvenirs ? Je ne savais pas réellement qui il était aujourd'hui. Pour autant, nous n'avons pas pu décrocher l'un de l'autre. L'histoire repartait de plus belle. Toutes mes émotions passées ont rejailli à la surface. Rien ne s'était vraiment éteint.

Nous avons repris notre relation là où nous l'avions abandonnée. Je pense que nous vivons toutes avec un peu de notre amoureux d'enfance en nous, tout simplement parce que l'on se construit en partie grâce à lui. Je ne dis pas que tout reste intact et qu'il faut absolument tenter de revivre son passé. Certains chemins se séparent parce qu'ils doivent se séparer, mais d'autres divergent à contre cœur et n'attendent qu'une chose : se recroiser.

"Je le remercie chaque jour d'avoir investigué"

Franck m'a confié qu'il avait mis du temps à me retrouver sur les réseaux sociaux. Il cherchait depuis des mois, mais ne se souvenait plus de mon nom de famille – n'ayant en mémoire que celui de mon beau-père qui n'était pas le mien. Jusqu'à ce qu'il retombe sur une de nos lettres passées avec l'information tant espérée.

Je le remercie chaque jour d'avoir investigué. De m'avoir cherchée et trouvée. Et moi, je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé avant. Peu importe, il est revenu et c'est l'essentiel. On vit chaque jour intensément. Peut-être que nous avons perdu du temps, peut-être que nous aurions dû nous accrocher à l'époque et construire notre vie ensemble. Mais après réflexion, les choses devaient se passer ainsi. Nous étions jeunes et il était trop tôt. Aujourd'hui, c'est le bon moment, notre moment.

Nous sommes heureux. Nos proches sont ravis. Nos retrouvailles rajeunissent notre entourage. Et nos cœurs aussi. On se sent vivants et amoureux, rempli de projets de vie commune. Je ne réalise pas toujours, je trouve ça incroyable. Et j'évite les Allemands.