Amour impossible : stopper ou persévérer ?

Tomber amoureuse de son patron, du frère de son compagnon, du mec de sa sœur, d’un homme marié… autant d’amours impossibles. Faut-il foncer coûte que coûte ? Nos sentiments sont-ils réels ou simplement fantasmatiques ? Discussion avec Antoine Spath, sexologue et psychologue.

Amour impossible : stopper ou persévérer ?
© Ion Chiosea/123RF

Edith, 30 ans, est tombée amoureuse de son boss. C'était d'ailleurs réciproque. "On vivait dans l'interdit, parce que ça ne se fait pas, ce genre de truc en entreprise. Et puis, on avait aussi quinze ans d'écart. Entre le cadre professionnel et la différence d'âge, notre histoire était impossible. On s'est fréquentés six mois, on a tout arrêté et j'ai même changé de boîte. Pur hasard."
Tiphaine, elle, a 25 ans. Elle a déjà ressenti une attirance pour le frère de son mec. "Je n'ai rien fait pour, mais quand j'ai rencontré le frère de Simon, un truc m'a émoustillée. Il me regardait sans cesse. J'ai tout ignoré et je m'en porte mieux. Lui-même semble s'éloigner de moi, éviter la tentation. D'une part, je ne voulais pas briser mon histoire, d'autre part, partir pour le frère de mon compagnon… impossible. Qu'aurait-on dit de moi ?"
Antoine Spath, psychologue et sexologue, nous explique que les amours impossibles se définissent bien souvent à travers le regard des autres. "L'ordre symbolique, avec son point d'orgue la situation œdipienne, voudrait que l'on reste dans les clous, que l'on ne transgresse pas, que l'on aille vers aucune différence d'âge, ou de statut" commente l'expert.

Les amours impossibles, simples fantasmes ?

Est-ce l'interdit qui pousse à penser que l'on est complètement amoureuse ? Comme le rappelle Antoine Spath, la frustration entraîne le désir. Tout ce qu'on n'a pas nous appelle à courir, vouloir. Et bien souvent, amour et désir sont confondus. "On croit aimer, or on désire", ajuste l'expert. CQFD : cet amour nous semble impossible, on le désire alors on croit aimer.

"On croit aimer, or on désire"

Lorsque la relation d'Edith et son patron s'est terminée, le chagrin n'était pas au rendez-vous, nous dit la jeune fille : "Finalement, avec recul, je pense que j'ai aimé jouer de cet interdit. On ne pouvait pas vivre cette histoire, donc cela nous excitait. Ça s'est terminé sans souffrance, et je me demande si j'ai été amoureuse, réellement. Je dirais que oui, mais comme lors d'un amour passionnel, ce sont des sentiments différents." Antoine Spath note que lorsqu'on vit un amour impossible, nos sentiments sont telle une drogue, on partage des moments jouissifs et on peut retomber aussitôt. Tiphaine, elle, n'a jamais été amoureuse du frère de Simon, mais ce qu'elle ressentait lui semblait très réel : "Je crois que je n'étais pas dans le fantasme. Si ça avait été le cas, j'aurais peut-être continué de rêvasser. Or, j'avais bien les pieds dans la réalité, d'où ma fuite spontanée. Je savais que cet amour, s'il se développait, pouvait vraiment donner quelque chose : c'était trop dangereux et je n'étais pas prête."

Faut-il persévérer ?

Persévérer face à un amour impossible, c'est a priori s'affranchir du regard des autres. Mais aussi, comme le souligne l'expert, s'affranchir du supposé regard des autres. Car bien souvent, les autres n'ont rien dit, rien fait, on se cache et on imagine les réactions. On intègre l'autre en soi. "On est son propre agent de transgression et à la fois son propre autre", poursuit le psychologue. Vouloir aller jusqu'au bout, c'est donc prendre le temps de ne pas stipuler les pensées de notre entourage et rassembler ses forces pour assumer. Bien que le psy mette en garde : ces amours-là peuvent faire souffrir. Phèdre, chez Racine, tombe amoureuse de son beau-fils. Une source de tourments et de complications, face à un cadre imposé. Telle est la leçon de cette dramaturgie. Aujourd'hui, l'époque nous fait franchir davantage les limites, on cherche la transgression. Alors pourquoi pas ? Dès lors que l'on identifie ses sentiments, entre réalité et fantasmes, et que l'on se sent prête à bousculer un soi-disant ordre établi, osons. Après tout, qui sait ce qui nous rend heureuse, à part nous-même ?

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