Passion amoureuse : faut-il souffrir pour aimer ?

Le film "Dernier Amour", disponible en DVD et VOD, retrace la passion amoureuse entre Casanova et La Charpillon. À cette occasion, le Journal Des Femmes a tenté de comprendre ce qui se cache derrière la passion. Qu'est ce que la fougue ? Est-elle malsaine ? Comment l'entretenir ? Pour répondre à ces interrogations, la psychothérapeute Véronique Kohn a accepté de nous éclairer sur le mystère de ce puissant élan du cœur...

Passion amoureuse : faut-il souffrir pour aimer ?
© Diaphana Distribution

Dans son film Dernier Amour, disponible en DVD et VOD, Benoit Jacquot relate la passion amoureuse du libertin Casanova pour la Charpillon, jeune et belle courtisane. Il est tellement attiré par elle qu'il en oublie toutes les autres femmes. Seulement, Marianne de Charpillon ne se laisse pas conquérir si facilement et lui lance un défi : elle exige qu'il l'aime autant qu'il la désire. "Auparavant, il avait eu des amitiés, des complicités, peut-être sans doute des relations amoureuses, mais pas d'amour-passion. La passion au sens étymologique, c'est le pathos, ce dont on souffre. Et à lire 'Histoire de ma vie', le livre de mémoires de Casanova, ce type d'amour lui était auparavant étranger." explique Benoit Jacquot dans un communiqué. Comment peut-on tomber éperdument amoureux ? Est-il possible d'expliquer de manière rationnelle ce qu'est la passion ? 

La passion amoureuse : késako

Selon Véronique Kohn, psychologue, auteure et conférencière spécialisée dans les relations amoureuses, la passion renvoie avant tout à la flamme d'une relation et à l'amour charnel. Sa trajectoire se fait en trois étapes : elle part d'un instinct, d'une pulsion, puis elle atteint le cœur et enfin le cerveau, qui fait une projection sur l'objet d'amour. "Cela peut être destructeur car la raison est totalement éteinte dans une passion amoureuse. Il y a une difficulté de raisonner et une envie d'être total, c'est ce qui fait l'originalité de ce sentiment. On est complètement dedans, on est entier." nous explique la psychologue. Le philosophe Emmanuel Kant avait remarqué cette absence de raison et disait : "La passion a, de tous temps, changé des gens raisonnables en fous qui déraisonnent".  Véronique Kohn précise que l'amour passionnel est comparable à des "shoots de drogues". D'ailleurs, une étude menée par la revue NCBI (Centre National de l'Information Biotechnologiquescientifique) a montré que les addictions utilisaient les mêmes voies neuronales que les sentiments amoureux... 

Passionnément, à la folie... pour la vie ? 

Pour Frédéric Beigbeder, l'amour dure trois ans. Mais qu'en est-il de la passion ? Véronique Kohn prédit une durée d'un an et demi maximum. Mais ne désespérez pas ! La passion s'entretient et peut durer toute une vie, si l'on y met du sien. Comment faire ? D'après la psychothérapeute, "pour entretenir la flamme il faut poser un regard enchanté sur son partenaire comme si c'était la première ou dernière fois qu'on le voyait. Cette conscience de la finitude garantira le sentiment de non-platitude de la relation et donc la passion.". Le plus important est la posture interne que l'on adopte. "L'autre est comme une terre à découvrir et non comme une terre conquise", explique joliment notre interlocutrice. Tout est une histoire d'équilibre. On peut être passionné et en être totalement conscient. Une fois que l'on sait que l'on est dans une passion amoureuse, il faut se limiter afin qu'elle soit "saine"

Amour et passion : quelle différence ? 

L'amour et la passion sont assurément deux choses différentes. "La passion n'est pas approfondie, elle est instinctive. L'amour est plus posé, avec une idée de dialogue et de raison", insiste la spécialiste Véronique Kohn. La philosophie existentielle montre bien qu'il existe des nuances entre les différentes formes d'amour. Il y a, d'un côté, éros (la passion) qui est l'amour sexuel du couple et le plaisir du présent ; l'amour philia : le compagnonnage conjugal pour toute la vie ; puis agapé, l'amour spirituel en vue de l'éternité. "La passion, c'est un peu grossier, ce n'est pas subtil. On est dans la constante recherche du fort" , assure la psychologue. 

Mythes et fantasmes du Grand Amour 

Nous avons tous en tête des histoires d'amour passionnées qui nous ont fait rêver, dans le cinéma et la littérature : Roméo et Juliette, Scarlett O'hara et Rhett Butler, Titus et Bérénice, Elizabeth Bennet et M. Darcy, Bella et Edouard, Edward Lewis et Vivian... Ces romances sont devenues mythiques et font partie intégrante de notre culture. Inconsciemment, face à ces idées véhiculées, nous développons un fantasme, un idéal romantique. "On cherche son idéal et les films et romans renforcent cette volonté de croire en la passion et ce besoin de trouver absolument la personne qui nous rendra heureux", explique Véronique Kohn. "Cela créé forcément un fantasme, mais dans la réalité les points d’insatisfaction sont inévitables et la déception sera certaine si l'on a trop d'attentes", conclut-elle. Le mieux serait de ne pas faire comme Casanova qui se projette sur La Charpillon, tombe éperdument amoureux et se raconte une histoire qui n'est pas la réalité. La passion n'est agréable qu'avec les pieds bien accrochés au sol.