Le Mans 2014 : entre course au Trophée et innovation échevelée

La course en tête s'est jouée entre Audi, Porsche et Toyota. Mais tout au bout des stands, dans le garage 56, Nissan inventait le bolide de demain. Avec la volonté d'être au rendez-vous gagnant dès l'an prochain.

C'est le week-end des extravagances et des normalités, des riches anglais qui montent leur Quechua à côté de leur (très) chère Aston Martin, et des familles sarthoises venues passer un dimanche en simples voisins. C'est le week-end de tous les possibles : celui des 24h du Mans. Et l'édition 2014, la 82e du nom, était plutôt anglaise. Pas seulement pour ses spectateurs excentriques et grands bretons, mais pour les drames shakespeariens qui se sont déroulés sur la piste. Des drames en 24 actes, coups de théâtre, accidents, pannes et empoignades. Dès les premières heures, la baston était féroce en tête de course. Et la pluie a poussé de nombreuses voitures, et pas des moindres, à quitter la scène. Car cette année a été celle de tous les suspenses. De ceux qui unissent les spectateurs dans une ferveur bruyante pendant deux journées et toute une nuit. Des drames farceurs qui se jouent du destin et se déroulent dès qu'on a la tête ailleurs, dès que la fatigue s'installe. Longtemps, on a pensé que s'en était fini d'Audi. Que la roue avait tourné, que c'était l'année Toyota. Le Japonais s'est d'ailleurs accroché à la première place pendant de longues heures. Mais dimanche vers 5h du matin, l'empire du soleil levant a vu son astre décliner. Et a fini par disparaître. Puis Porsche, passé en pôle position, s'est mis à y croire lui aussi. Une victoire l'année de son retour au Mans aurait eu un sacré panache pour la marque de Stuttgart. La désillusion en fut d'autant plus immense à quelques heures de la fin de cette course marathon impitoyable. La Porsche #14 tombe en panne juste avant 15h. Audi rafle finalement, comme à son habitude, les deux premières places, laissant une petite marche inespérée à Toyota à la 3ème position.

 

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" On a rempli nos deux objectifs : parcourir un tour complet du circuit (de 13,6 km, ndlr) et atteindre les 300km/h " confie le pilote belge Wolfang Reip. © Anne-Charlotte Laugier

Dans le garage 56 avec la Zeod RC de NissanMais pendant cette guerre fratricide (Audi et Porsche sont tous deux réunis au sein du groupe VW), un autre drame se déroulait tout au bout des stands, dans le garage 56. C'est là, loin du tumulte, que les ingénieurs de Nissan ont achevé la mise au point d'une drôle d'auto: la Zeod RC. Un engin qui n'a rien à voir avec ceux qui se sont battus pour la victoire. Et si les Toyota-Audi-Porsche se ressemblaient peu ou prou, cette japonaise là, semblait venir d'ailleurs. A son dessin en forme d'aile Delta, à ses roues minuscules à l'avant et ses pneus monstrueux à l'arrière, ses concepteurs facétieux ont ajouté une autre extravagance. La Zeod RC est un bolide électrique. Enfin presque. Il est animé par un tout petit moteur turbo de 3 cylindres et de 1.5L de cylindrée, comme n'importe quelle citadine. " En plus, il n'est pas plus grand qu'un bagage de cabine en avion et ne pèse que 40 kgs " précise Andy Palmer, vice président de Nissan. Sauf que contrairement à une petite citadine, ce bloc dispose d'une puissance de 400 ch grâce à ses batteries électriques. De quoi faire s'envoler la Zeod. Hélas, au bout de 5 tours, l' " avion japonais " s'est arrêté. Boite de vitesses cassée. Pas grave. L'objectif n'était pas de gagner, tradition du garage 56 oblige, puisque les organisateurs l'offrent à un constructeur qui s'engage à innover en participant à l'épreuve, sans pour autant prétendre à figurer au classement.

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" Une partie de la technologie Zeod sera utilisée l'an prochain " révèle le pilote. © Anne-Charlotte Laugier

Courir sans courir ? Aucun problème pour Wolfgang Reip, l'un des pilotes de la team Nissan. Ce sportif de 1m91 pour 79kgs n'est pas déçu par le manque d'enjeu et la course avortée. " On a rempli nos deux objectifs : parcourir un tour complet du circuit (de 13,6 km, ndlr) et atteindre les 300km/h ". Il est d'autant moins déçu qu'il a vécu pendant ces quelques jours sa première expérience mancelle et, ce qui l'a frappé, c'est le pilotage de nuit. " La portée des phares n'est pas illimitée, et j'avais l'impression que la vitesse était décuplée ". Il espère évidement revenir en 2015. Mais l'année prochaine, l'aile expérimentale, l'ovni ZeodRC ne sera plus dans son labo du garage 56. Car Andy Palmer l'a confirmé, Nissan sera aux avant postes, dans la catégorie reine, les protototypes LMP-1, taillés pour gagner, pour concurrencer la meute Porsche-Audi-Toyota. " Une partie de la technologie Zeod sera utilisée l'an prochain " révèle le pilote. "Il y aura des surprises " se contente d'affirmer, plus prudemment, son patron.