Mère porteuse : la France condamnée pour refus de reconnaissance de la filiation

La décision de la CEDH vient de tomber et va faire ruer dans les brancards. D'après un arrêt rendu ce jour par la Cour européenne des droits de l'homme, la France ne peut nier la filiation entre un enfant né d'une GPA à l'étranger et son père biologique.

Comme la gestation pour autrui est interdite en France, les enfants nés de cette pratique ne peuvent être inscrits à l'état-civil. Une injustice ? La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné jeudi 26 juin l'Etat français pour ce refus de reconnaître la filiation des enfants fruits de mère porteuse à l'étranger, estimant qu'il "portait atteinte à leur identité".

La question qui était posée aux juges européens n'était pas celle de la légalisation de la GPA en tant que telle, mais bien de la reconnaissance en France des GPA pratiquées dans un cadre légal à l'étranger, résume Me Patrice Spinosi, avocat du couple requérant Mennesson.

Depuis plus de 13 ans, Sylvie et Dominique Mennesson, qui résident à Maisons-Alfort, près de Paris, se battent pour être les parents légaux de leurs jumelles Valentina et Fiorella, nées en Californie le 25 octobre 2000 d'une mère porteuse américaine. Les Toulousains Francis et Monique Labassée s'étaient aussi heurtés à une fin de non-recevoir de la Cour de Cassation, pour faire transcrire dans l'état-civil français l'acte de naissance leur petite Juliette née en octobre 2001 dans le Minnesota.
La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français avait jugé "contraire à l'ordre public (...) la décision étrangère (de reconnaissance de la filiation par GPA, ndlr) qui comporte des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français".
A la suite de cet échec, les deux familles avaient saisi la justice européenne, en arguant d'une situation discriminatoire, d'une atteinte à leur vie privée ainsi qu'à leur droit de fonder une famille.
"Aujourd'hui, aux yeux de la loi française, ces enfants n'ont pas de parents, pas même un père alors que celui qui les élève est pourtant leur père biologique", soulignait Me Spinosi. Dans les deux cas, les embryons avaient été conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d'une donneuse. La reconnaissance de la filiation paternelle est "une jolie victoire" pour l'avocat qui estime que "2 000 enfants en France sont placés dans une situation identique". "On peut très bien avoir un État qui refuse la GPA chez lui, mais qui accepte de tirer les conséquences d'une GPA à l'étranger. Il faut adapter le droit", selon Me Spinosi.

La France a trois mois pour demander un nouvel examen de l'affaire par la Grande Chambre de la Cour européenne, sans quoi elle devra reconnaître dans la loi la filiation des enfants de Français nés d'une GPA à l'étranger.