Animal, on est (moins) mal

Le chien, une chaise ? Le chat, un coussin ? C'est en gros ce que disait le droit français qui considérait les animaux comme des meubles. Après de longues discussions, les députés ont qualifié cette nuit les animaux de compagnie et d'élevage d'"êtres vivants doués de sensibilité". Youpi !

Alors que de nombreux Français considèrent leur compagnon à quatre pattes comme un membre de la famille à part entière, le Code civil, dans son article 528, assimilait les animaux à des biens meubles que l'on peut vendre, acheter, et dont on est propriétaire, au même titre qu'une télévision ou un canapé
Débat vif et animé, noms d'oiseaux et prises de becs dans l'Hémicycle : l'Assemblée nationale a voté jeudi 30 octobre soir une disposition qui reconnaît aux animaux la qualité symbolique "d'êtres vivants doués de sensibilité".

Depuis Napoléon (1804), le droit civil lui-même inspiré du droit romain définit l'animal comme un objet sur lequel l'homme à un pouvoir absolu : l'usus (l'usage domestique ou sportif), le fructus (ce qui est produit par l'animal : son lait, sa laine, ses petits) et l'abusus (un droit de vie et de mort, fourrure, viande). La législation française interdit seulement les souffrances inutiles, c'est à dire les actes de cruauté, les sévices graves et les mauvais traitements infligés de façon gratuite. Ce qui signifie qu'on peut arracher une oreille à un lapin, une main à un singe ou crever les yeux d'un ours dans le cadre d'une expérience scientifique...

Intolérable ? En réaction, une vingtaine d'intellectuels et scientifiques (Michel Onfray, Luc Ferry, l'écrivain Erik Orsenna, de l'Académie française, l'astrophysicien Hubert Reeves, président de Humanité et Biodiversité...) ont réclamé, il y a un an, dans un manifeste publié le site de la Fondation 30 Millions d'Amis, un changement du statut des animaux.

"Le code rural reconnaissait les animaux comme des êtres vivants et le code pénal sanctionnait déjà la maltraitance des animaux, mais pas le Code civil", explique le député PS des Hautes-Pyrénées Jean Glavany, à l'initiative du texte. Hier soir, l'amendement qui soumet expressément les animaux au régime juridique des biens corporels en mettant l'accent sur les lois spéciales qui les protègent à été adopté. Il permet, selon ses auteurs, de "concilier la qualification juridique et la valeur affective" de l'animal.

Les Français, grands mangeurs de bidoche crue, cuite, en sauce ou grillée, sont-ils au seuil d'une révolution culturelle, voire morale?

De "L'animal est une personne" signé Franz-Olivier Giesbert, l'ex-rédacteur en chef du Point au "Plaidoyer pour les animaux" du moine bouddhiste Matthieu Ricard, en passant par "Faut-il manger les animaux?" de l'écrivain américain Jonathan Safran Foer, le "No Steak" du journaliste Aymeric Caron, ou encore le film "Steak (R)évolution" d'Yves-Marie Le Bourdonnec, en salles le 5 novembre, de nombreuses productions questionnent notre habitude de manger veau, porc, poulet, mais aussi œufs et lait en s'attardant sur la grande dureté, voire cruauté, de l'élevage intensif et de l'abattage.

En France, où l'on ne compte que 1,5% à 3% de végétariens, la cause du "bien-être animal" semble trouver de plus en plus de sympathisants. Après la vache folle et le scandale des lasagnes de cheval, alimentation et comportement ont changé. "C'est un phénomène qui se dessine. La crise a imposé un regard vers nos voisins de planète. On rougit moins d'afficher son empathie à l'égard de l'animal", constate leur défenseur de la première heure, Allain Bougrain-Dubourg, ami de la pasionaria Brigitte Bardot.

Signe des temps, le chef Alain Ducasse a supprimé la viande de la carte de son restaurant au Plaza Athénée.

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Animal on est mal © Fotolia

Du pain béni pour les militants pro-environnement ? Pas si simple. Les carottes ne sont pas cuites pour les carnivores. La députée EELV, Laurence Abeille regrette des "lobbies pro-corrida, pro-chasse et pro-élevage intensif extrêmement puissants" au sein de l'Hémicycle.  Les amendements écologistes pour aller plus loin et modifier le droit des contrats et obligations.

Êtes-vous heureux pour vos boules de poils préférées ?