"Briser le plafond de verre ne se fait pas sans casse pour les hommes"

54% des répondantes estiment avoir déjà rencontré un frein professionnel en raison de leur condition de femme. Aline Crépin, directrice de la RSE de Randstad, spécialiste en ressources humaines, réagit à cette étude LH2 pour le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) publiée mardi 17 décembre.

Une nouvelle étude sur le sexisme ordinaire en entreprise a été publiée aujourd'hui. Qu'apprend-on de nouveau ?

Aline Crépin : "Ce que je vois dans cette étude, c'est que la parole se libère du côté des femmes, mais ne se lisse pas (encore) du côté des hommes. La parité homme femmes est un sujet dont on parle beaucoup plus qu'avant et qu'on ne peut plus ignorer dans l'entreprise, petite ou grande. Il y a encore quelques années, les femmes saisissaient très peu la HALDE puis le Défenseur des Droits, les femmes se défendaient très peu, il existait une sorte d'autocensure. Aujourd'hui, les positions du ministère du Droit des Femmes crée une prise de conscience : cela ne suffit pas, mais c'est un débat qui génère forcément des dérapages et des crispations chez les hommes, comme on peut le lire dans l'étude publiée ce matin." 

Comment votre entreprise lutte contre ces discriminations ?

AC : "L'éducation des managers est clé. Ils et elles doivent être exemplaires et veiller à ce que leurs collaborateurs ne franchissent pas les limites. L'entreprise doit étiqueter des règles claires. Cela commence par énoncer des principes de base pendant les programmes d'intégration des nouveaux embauchés. Chez Randstad, plus de 900 managers ont été formés sur une journée, avec des modules sur la non-discrimination et l'égalité professionnelle. Il faut aussi contrôler et surveiller : nos consultants sont testés par des appels mystère de faux recruteurs bourrés de stéréotypes, comme "je voudrais recruter un collaborateur, mais pas une jeune maman car ce poste nécessite d'être très ponctuel" par exemple. Si la réponse du conseiller est floue, peu affirmée, on sensibilise toute l'agence. Au début de ce programme, en 2011, 6 à 8% des agences étaient concernées. A présent, c'est très rare. Et quand on entend entre collègues "Ah toi, tu frôles les 45 000 euros d'amende » en référence à la loi contre les discriminations, on sait qu'on a fait un bout de chemin..."

Alors, les femmes doivent-elle jouer de leurs différences ou les neutraliser en entreprise ?

AC : "Le grand message, c'est de garder confiance en soi et d'assumer sa féminité. Si c'est important pour soi de porter des talons, d'être coquette, il faut l'assumer. Un point de l'étude qui m'a marquée est que celles qui réussissent, bien souvent, se masculinisent. J'ai déjà entendu "mettre directrice sur sa carte de visite, ça ne fait pas sérieux, il vaut mieux mettre directeur". Avant, c'était le le cas, les femmes faisaient presque oublier qu'elles en étaient car ne se sentaient pas légitimes à des hauts postes dans le regard des autres. Ce qui ne fait pas forcément rêver les plus jeunes en passe d'évoluer. Aujourd'hui heureusement, il y a beaucoup plus de femmes dans le management et on constate que plus elles sont nombreuses, plus elles se sentent le droit de s'habiller comme elles veulent par exemple. Le tout étant de ne pas gommer sa personnalité, ses particularités, avec tout ce que cela comporte et dépasser ce que l'on porte en nous comme stéréotypes liés à notre éducation, encore très genrée".