Vote des Saoudiennes : prends ton droit et tais-toi !
Ce jeudi ont eu lieu les élections municipales en Arabie saoudite où étaient attendus près d'un million d'électeurs... masculins. Si les femmes ont obtenu le droit de vote cette semaine, elles ne pourront mettre leur premier bulletin dans les urnes qu'en 2015. Merci de patienter...
Les Saoudiens, les hommes uniquement, se mobilisaient ce jeudi pour les élections locales, deuxième scrutin jamais organisé au sein du royaume pétrolifère. Dans cette société qui applique une interprétation rigoriste des préceptes de l'islam, l'évolution des mœurs semble en marche, pourtant...
Dimanche dernier, le roi Abdallah a annoncé que les femmes auraient désormais le droit de voter et celui de se porter candidates. "Parce que nous nous refusons à les marginaliser, mais voulons rester dans le cadre des règles de la charia (...), nous avons décidé, après avoir consulté les oulémas et d'autres personnalités, d'associer les femmes dans le Conseil de la Choura en qualité de membres à compter de la prochaine législature", a déclaré le souverain wahhabite. "Dans notre histoire, les Musulmanes ont pris des positions qui reflétaient des opinions et des conseils justes", a-t-il ajouté, citant des exemples tirés de l'époque du prophète Mahomet. Il a aussi reconnu le "désir de plus grandes libertés" et d'une "modernisation équilibrée".
La démocratie avance, voilée
La décision, considérée comme une avancée majeure, a éclipsé la campagne électorale. Malgré leur frustration de devoir encore attendre quatre ans avant de pouvoir s'engager dans la vie politique, les Saoudiennes ont unanimement salué les déclarations de Sa Majesté.
Mais cette annonce reste insuffisante. "Elle est tardive et ne va pas assez loin sur la longue route vers l'égalité des sexes", a estimé Philip Luther, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty international. "C'est l'ensemble du système qui subordonne les femmes aux hommes qui doit être démonté", a-t-il insisté.
Peu de pouvoir réel
Ce nouveau droit alloué aux femmes, le roi l'a annoncé quatre ans avant l'échéance électorale. Les femmes pourront donc se présenter aux élections municipales... mais pas tout de suite. Le conseil consultatif pourra également les accueillir, sauf que ce conseil est principalement composé de membres nommés par le pouvoir. Par ailleurs, le pays, conservateur, n'accepte aucun parti politique, et tous les ministres sont nommés par le roi. Le droit de vote des femmes serait donc avant tout symbolique, dans un régime qui reste autoritaire.
La monarchie préviendrait-elle ainsi tout risque de contagion révolutionnaire?
En Arabie saoudite, les femmes ne peuvent pas étudier, travailler, voyager ou subir d'interventions chirurgicales sans l'autorisation d'un mâle de leur parenté. Mais dés 2015, elles partageront avec eux, le droit de se rendre aux urnes.
Dans un contexte de révolte (qui a fait chuter les régimes tunisien, égyptien et libyen, et a gagné Bahraïn et le Yémen), le roi saoudien n'a-t-il pas voulu prendre les devants avant que la vague contestataire ne l'atteigne ?
En janvier, un groupe de militantes avait lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour pousser le royaume à octroyer aux Saoudiennes le droit de voter. Enhardies par le succès du mouvement sur Internet, d'autres activistes se sont mises à défier l'interdiction de conduire une voiture, postant, sur YouTube, des vidéos de leurs exploits au volant. Bilan : ces pasionarias ont été durement flagellées pour de telles provocations. Le droit de vote : un petit pas pour la femme, mais une idée géniale pour contourner le printemps arabe ? A méditer !