Virginie Coupérie-Eiffel : "L'équitation est le seul sport où les femmes sont à égalité totale avec les hommes"

Il n'y a pas que le foot qui galvanise les foules. Amoureuse des chevaux, Virginie Coupérie-Eiffel, arrière-arrière-petite-fille de Gustave Eiffel, a réalisé son rêve : organiser le grand chelem du saut d'obstacles, aux pieds de la tour de son célèbre aïeul.

Championne de France en 2005, éleveuse près de Bordeaux, créatrice d'événements dans le monde équestre (et compagne de Charles Berling), Virginie Coupérie-Eiffel va rassembler, du 4 au 6 juillet, les 40 meilleurs cavaliers mondiaux sur la pelouse du Champs-de-mars. A cadre somptueux, sponsors de prestige (Gucci et Longines), chefs de renom (Alain Ducasse et Frédéric Vardon) et cavaliers d'exception (Charlotte Casiraghi, Guillaume Canet , Marina Hands, Electra Niarchos, Jessica Springsteen et Kevin Staut). Avant de profiter du Paris Eiffel Jumping, faites connaissance avec son inspiratrice, une passionnée, une vraie.

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Virginie Coupérie-Eiffel © DR.

Le Journal des Femmes : L'équitation, un "sport de filles" ?
Virginie Coupérie-Eiffel : Les chevaux ne vous jugent pas sur votre apparence, hommes, femmes, beaux, moches, riches, pauvres... Ils évaluent vos qualités humaines, votre sensibilité, votre capacité à s'adresser à eux, à décider, à maîtriser les valeurs essentielles que sont le respect, l'écoute, la compréhension... L'équitation est le premier sport mixte olympique, une compétition dans laquelle les femmes sont à égalité totale avec les hommes, complétement et depuis toujours. Pénélope Leprevost, cavalière de l'équipe de France de CSO, est ainsi la troisième meilleure cavalière mondiale.

Pourquoi organiser ce concours de saut d'obstacles classé5* au pied de la tour Eiffel vous tenait tant à cœur ?
Virginie Coupérie-Eiffel : L'équitation est un art et le patrimoine qu'elle véhicule est immense. Il y a, dans ma démarche, une dimension culturelle, une volonté de mettre le savoir-faire français, l'hospitalité et l'art de vivre à l'honneur. Le Champs-de-mars, face à l'Ecole Militaire, est lié aux courses et aux entraînements. Cet hippodrome existait bien avant celui de Longchamp. Ma ténacité, c'est surtout la prolongation d'un combat de femme. Figurez-vous que mon arrière arrière-grand-père Gustvae Eiffel, loué pour son ingéniosité, son côté visionnaire, a été élevé par une femme extraordinaire qui travaillait déjà au XIXe siècle...

Que faisait votre bisaïeule comme métier ?
Virginie Coupérie-Eiffel : Elle vendait du charbon, à Dijon. Elle tenait vraiment la baraque, comme on dit. Elle avait mis Gustave en nourrice pour se consacrer à son activité et rentrer de l'argent au foyer.

Comment expliquez-vous que dans les centres équestres, 90% des inscrits sont des filles, alors que dans le haut niveau, elles se font plus rares ?
Virginie Coupérie-Eiffel : C'est une histoire de caractère, de hargne, d'envie de gagner. Dès le départ, le petit garçon considère l'animal comme un outil de compétition grâce auquel il va s'imposer. Les filles, elles, privilégient la relation au résultat. Difficile d'envisager une carrière professionnelle dans cette optique...

Est-ce qu'il existe une monte féminine ?
Virginie Coupérie-Eiffel : C'est la monte moderne. Il ne s'agit plus d'un rapport de force, mais d'exigence, de rigueur, de technicité. Aujourd'hui, les hommes se féminisent à cheval.  Ils apprennent à faire preuve de tact, de feeling, de confiance et de connivence. Ils développent leurs facultés d'interprétation car ils ont bien remarqué que les chevaux faisaient preuve d'une incroyable générosité à l'égard des femmes qui savent les écouter.

Faire sauter un cheval "toujours plus haut", le pousser à enchaîner un parcours, c'est un défi  humain, mais n'est-ce pas contraire à sa nature ?
Virginie Coupérie-Eiffel : C'est un état d'esprit, comme pour vous quand vous allez travailler. Si vous êtes heureux au boulot, c'est génial. Si vous êtes avec des cons qui vous empêchent de bosser et qui vous insultent à longueur de journée, c'est épouvantable. Seul au pré, un cheval s'ennuie et déprime. Sur la piste, il se transcende, sublime son stress, recherche la performance. Il met ses deux oreilles en avant et veut faire un sans-faute. Pour les aptitudes sportives, la sélection génétique fait le reste. Un cheval est bien plus épanoui à passer des barres, à être monté par un excellent cavalier, qu'à rester au box ou à faire des tours dans un manège.  

Il y a beaucoup de "people" en compétition. D'où vient ce lien étroit entre le showbiz et le monde du cheval ?
Virginie Coupérie-Eiffel : C'est vrai que l'on retrouve de nombreux acteurs, des animateurs de télé, beaucoup de stars, de gens très médiatisés...  Aujourd'hui, on est dans un monde de communication virtuelle, une sphère où tout va très vite, où vous êtes jugé sur votre image. En équitation, à l'inverse, il faut du temps, de la patience, de l'humilité. C'est un retour à l'essentiel, une interrogation sur l'estime de soi, une perpétuelle remise en question. L'osmose avec sa monture est une quête incroyable, fantastique et qui n'est jamais finie car, à cheval,  jamais rien n'est acquis.

L'équitation serait-elle réservée à certains privilégiés ?
Virginie Coupérie-Eiffel : Un animal se contrefiche des étiquettes, que vous soyez connu ou non, que vous veniez d'un milieu favorisé ou non. La seule chose qui l'intéresse, c'est ce que vous allez lui demander et comment vous allez lui demander.
Le sport équestre est un réparateur d'âme incroyable. De physique aussi, avec l'équithérapie (pour les handicapés, ndlr). Le cheval  force le respect. C'est un facteur de nivellement social,  un régulateur de personnalité. On doit affronter l'échec à deux. Partager la victoire, aussi.