Transsexualité : papa, marié, il devient "Chloé"

Le couple Avrillon, marié depuis 15 ans et parents de trois enfants, a comparu devant la cour d'appel de Rennes pour obtenir le changement d'identité de Chloé, qui ne veut plus qu'on l'appelle Wilfrid.

En première instance le 15 décembre 2011, le tribunal de Brest avait refusé cette modification au motif qu'étant marié et père, ce changement d'identité de Wilfrid aurait abouti à la reconnaissance d'un mariage homosexuel, actuellement interdit en droit français. Lors de l'audience de lundi, à huis clos, le procureur général de la cour d'appel de Rennes s'est de nouveau opposé à ce changement, pour des raisons similaires. La cour rendra sa décision le 16 octobre prochain.

Evolution des mœurs et de la société

Selon l'avocat, Me Emmanuel Ludot, refuser un changement d'identité à Chloé c'est "la condamner à vivre avec un sexe masculin jusqu'à la fin de ses jours alors qu'elle est devenue une femme". "Cela veut dire qu'elle ne peut plus se présenter aux concours administratifs, qu'elle ne peut pas voter - elle s'est fait refuser l'accès aux urnes pour la présidentielle et les législatives -, qu'elle a un passeport qui ne correspond pas à sa féminité...".

L'avocat comme le couple Avrillon placent beaucoup d'espoir dans l'engagement électoral de François Hollande qui a promis d'ouvrir le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels. D'ores et déjà, ils ont annoncé que si la cour d'appel rejetait la demande de changement d'état-civil, ils se pourvoiraient en cassation avec l'espoir que d'ici là, la garde des Sceaux Christiane Taubira "aura exécuté ses promesses et présenté au parlement enfin une loi qui permettre à ces femmes-là de vivre décemment", selon les termes de leur défenseur.

Un vraie passion

Pour Marie Avrillon, l'épouse de Wilfrid-Chloé, cette démarche est d'abord l'histoire d'amour. "En fait c'est moi qui ai fait la première mon coming out: en 2010 je n'y tenais plus, j'ai avoué à Wilfrid que j'étais lesbienne", confie Marie. "Et du coup elle m'a avoué à son tour qu'elle s'était toujours sentie une femme: pendant plus de dix ans on ne s'était rien dit parce qu'on avait peur de tout casser... mais vous savez, ce matin, quand nous avons quitté la maison, nos garçons nous ont dit: 'bravo les filles, continuez'", ajoute cette femme de 42 ans, cheveux courts châtains et visage déterminé, habillée d'un jean et d'un blouson de cuir.

A côté d'elle, Chloé, 43 ans, silhouette élancée aux cheveux mi-longs, ongles vernis clairs et jupe écossaise, murmure d'une voix douce: "Chloé, c'est le prénom que je me suis choisie quand j'avais 16 ans, vous voyez, cela ne date pas d'hier".

"Chloé, "père" de trois enfants, ne veut plus s'appeler Wilfrid"