Qui est la femme la plus embrassée au monde ?

Avant de devenir une étonnante légende, cette histoire commence par un drame. Au XIXe siècle, à la morgue de l'Île de la cité à Paris, il est d'usage d'exposer les corps d'inconnus retrouvés noyés dans la Seine avec l'espoir que quelqu'un les reconnaissent et se manifeste. En 1880, le corps d'une femme sans aucune marque de violence est retrouvé sur les bords du fleuve. Un employé, littéralement fasciné par la beauté et le sourire énigmatique de la jeune femme, fabrique un masque mortuaire. La légende de "la noyée au sourire de Joconde" intrigue la population à tel point que des milliers de masques sont reproduits et se vendent partout en France et très rapidement dans le monde entier. Hélène Pinet, auteur de Dernier portrait, raconte : "au fil des ans une dimension mythique et esthétique l'a transformé en objet de décoration et de fantasmes". De nombreux artistes s'intéressent à l'histoire de cette inconnue, à l'image de Rainer Maria Rilke, Louis Aragon, Vladimir Nobokov et Jules Supervielle qui relate les dernières pensées de la jeune femme dans L'inconnue de la Seine.
Comment imaginer que des décennies plus tard, cette histoire a permis de sauver des milliers de vies ? Dans les années 50, Asmund Laerdal, patron d'une société de jouets, propose de réaliser des mannequins qui serviront à la formation des futurs secouristes. C'est alors qu'il repense à la légende de la noyée de la Seine, car selon lui "un mannequin de taille humaine et d'apparence très réaliste permettrait aux élèves d'être davantage motivés pour apprendre les techniques de réanimation". Il modèle un visage à partir du masque mortuaire réalisé près d'un siècle plus tôt. C'est ainsi que Resusci Anne est devenue la femme la plus embrassée du monde.