L'amour à l'épreuve des urnes : le décryptage de la sociologue Anne Muxel

Couple et politique font rarement bon ménage. A l'heure de la Présidentielle, comment les Françaises concilient-elles affinités électives et convictions partisanes ? La course à L'Elysée modifie-t-elle leurs relations sentimentales ? Les réponses de la sociologue Anne Muxel.

Directrice de recherches CNRS en science politique au CEVIPOF, Anne Muxel fait partie du comité de rédaction de la Revue française de sociologie.

Dans son livre, "Toi, moi et la politique. Amour et convictions" (Seuil, 2008), Anne Muxel s'attache aux prédispositions sociales et historiques qui font les convictions de chacun. Elle s'interroge sur le poids des affects et des émotions : Comment la politique se réfracte-t-elle dans l'intimité ? Quelle part occupe-t-elle dans le monde des échanges et des intérêts personnels, dans l'intimité du lien amoureux, mais aussi dans le cadre familial et amical ? L'accord est-il une nécessité inhérente à la vie affective ? Ou bien y a-t-il place pour le désaccord ? Peut-on s'aventurer sentimentalement auprès de quelqu'un qui fait des choix politiques opposés aux siens ? Quels sont les seuils d'acceptation de la différence ? La politique peut-elle provoquer la romance ? Peut-elle aussi devenir une cause de rupture ?  

En réaction à l'enquête Mediaprism pour le Journal des Femmes sur l'influence de l'entourage, elle nous explique : "Il y a aujourd'hui peu d'influence au sein du couple. Les femmes ont acquis une relative autonomie. Il y a une dissociation des choix des conjoints. Cependant, les femmes sont plus sensibles à la question du conflit et donc à la recherche d'échange, de partage, de consensus. Les hommes assument davantage une divergence d'opinion, acceptent mieux le clivage. Si, en temps normal, les disputes sont minoritaires, en période électorale, la polarisation du débat est forte. Il y a une participation émotionnelle, passionnelle".

Le genre détermine-t-il le vote ?

"Dans les années qui ont suivi l'obtention du droit de vote (1944), les femmes étaient dans l'abstention. Leur vote était marqué par une orientation à droite, et l'influence du mari. A partir des années 80, les femmes ont choisi leur position politique en fonction de leurs propres expériences. Elles se sont émancipées du joug de leur époux, ne sont plus restées enchâssées dans des loyautés partisanes et les traditions prescriptives. Elles ont participé massivement aux scrutins et ont eu tendance à plébisciter la Gauche.
La Présidentielle 2012 est caractéristique d'une nouvelle affirmation des femmes. Devenues plus indépendantes, dégagées d'un certain nombre d'allégeances sociales et familiales, elles sont aussi au premier rang des victimes de la crise économique. Pour la première fois, elles se sont tournées vers l'extrême-droite: une femme sur cinq a voté pour Marine Le Pen. Fortes du succès électoral du FN, les femmes n'hésitent pas à revendiquer et médiatiser leur protestation". 

 

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