La Roumanie, nouvel eldorado viticole ?

A Dealu Mare, une région viticole du centre de la Roumanie, la cuvée 2012 est attendue avec impatience par les vignerons et les consommateurs. Le vin roumain serait-il en passe de se "recaver" ?

Pays 6e producteur de vin de l'Union Européenne avec 4 millions d'hectolitres produits chaque année, la Roumanie n'a rien d'une nouvelle sur le marché. La viticulture y est pratiquée depuis des millénaires. Dès l'Antiquité, le cépage roumain enivre les esprits de ces Dieux, et ses vertus sont même louées par le poète Ovide.

Le vin roumain a troqué sa mauvaise réputation...

Cette belle épopée viticole va être stoppée nette par 40 ans de dictature communiste. Le bon vin n'intéresse plus personne. Quantité prime sur qualité : on produit en abondance, versant tout dans les mêmes cuves. "A l'époque, la Roumanie produisait en grande quantité du vin blanc, sucré, et pas cher ", explique Dan Balaban, oenologue chez Davino, un des producteurs les plus renommés du pays. La mauvaise réputation du vin roumain n'est plus à faire : les Roumains le coupent à l'eau pétillante, tandis que les pays étrangers ne s'arrachent pas les cuvées.

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Walter Friedl, producteur autrichien en Roumanie © AFP

... Pour une bonne "(l)atitude"

Dans les années 2000, les grappes roumaines font de nouveau parler d'elles, plus particulièrement celles des vignobles de Dealu Mare. Située à la même latitude que les vignobles bordelais et toscans, cette région produit des vins reconnus et est devenue le symbole de l'ascension d'un nouveau monde viticole en Europe. Bogdan Costachescu, oenologue chez Davino ne tarit pas d'éloges sur cette terre prometteuse : "Il est clair que cette région a un potentiel et nous avons le devoir de tirer le maximum de ce terroir."

Une renaissance longue et fastidieuse

Cette "résurrection" n'était pourtant pas gagnée d'avance. Après la chute de la dictature, quelques oenologues et viticulteurs partent à la conquête des terroirs roumains dans l'espoir de lui redonner ses lettres de noblesse. Parmi ces passionnés, Walter Friedl, un Autrichien qui a investi dans le vignoble Lacerta, sur "la Grande colline" de Dealu Mare. Séduit par le Feteasca Neagra, un vin au goût de prune séchée, il achète en 2003, 82 hectares de vignes, créé une cave moderne, une terrasse de dégustation et emploie 25 personnes. Il est aujourd'hui considéré comme le meilleur producteur de vin roumain, et n'escompte pas s'arrêter là : "Nous sommes en train de découvrir un nouveau monde à l'intérieur de l'Europe. Il s'agit de la Roumanie, de la Bulgarie, de ces nouveaux pays qui sont tournés vers l'Europe. C'est notre nouveau monde à nous, notre Australie, notre Chili."

Le nouveau monde viticole à la conquête du vieux continent

Walter Friedl, n'est pas le seul à s'enthousiasmer des vertus de ce "nouvel" élixir. Certains spécialistes, comme l'oenologue français Michel Rolland, prédisent un bel avenir au vin roumain ainsi qu'aux vins des pourtours de la Mer Noire. "La Roumanie apporte des cépages autochtones qui font sa spécificité comme le Feteasca Neagra (rouge) et son goût de prune séchée ou le Feteasca Alba et le Tamaioasa (blancs)", explique Mihai Banita, oenologue au vignoble Lacerta. Si ces vins de qualité sont particulièrement appréciés par les Roumains - trop heureux de rééduquer leur papille à des années de vin coupé à l'eau - l'étranger est plus difficile à séduire. "Une action de promotion forte de l'Etat pour gommer les stéréotypes négatifs est nécessaire, y compris pour obtenir des prix en rapport avec la qualité", estiment les responsables de Davino et Lacerta. 

"La Roumanie, nouvel eldorado viticole"