Jérôme Kerviel : portrait d'un condamné

Symbole des dérives du monde de la finance, Jérôme Kerviel porte sur ses frêles épaules bureaucratiques, tout le poids de la culpabilité. Considéré comme seul responsable des falsifications qui ont coûté près de 5 milliards d'euros à la Société Générale, l'ex-trader écope de trois ans de prison ferme, ainsi que de 4,9 milliards de dommages et intérêts. Alors, victime du système, héros moderne ou escroc mégalo ?

La cour d'appel de Paris a jugé Jérôme Kerviel seul responsable de l'une des plus grandes fraudes de l'histoire. Arrivé visage grave et tendu, le jeune homme de 35 ans, costume et cravate noirs, est reparti discrètement du Palais sans faire de déclaration. Son avocat, le très médiatique David Koubbi, a demandé la relaxe affirmant que la banque "savait" ce que faisait son trader et que toute cette affaire était une "mascarade", une "escroquerie intellectuelle". Dénonçant une "injustice lamentable", il a déclaré à la sortie de l'audience: "Nous allons rentrer travailler pour évoquer avec lui la possibilité de se pourvoir en cassation".

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Jérôme Kerviel : portrait d'un condamné. Ici à la cour d'appel de Paris, le 24 octobre 2012. © ANTONIOL ANTOINE/SIPA


Poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux, Jérôme Kerviel est accusé d'avoir pris à l'insu de sa hiérarchie des positions spéculatives de dizaines de milliards d'euros sur des marchés à risque et d'avoir déjoué les contrôles avec des opérations fictives et des mensonges. Selon lui, ses supérieurs connaissaient ses agissements à risque et ont fermé les yeux.

Jérôme Kerviel fascine et interpelle

"Roi de la malversation, pirate informatique et manipulateur", selon la Société Générale, Jérôme Kerviel dit avoir été entraîné "dans une spirale" en cherchant à gagner la reconnaissance de ses pairs. Se décrivant "comme un hamster dans sa roue" et affirmant n'avoir eu pour objectif que de faire gagner de l'argent à la banque, ce Breton aux yeux azur apparaissait pourtant comme un citoyen au-dessus de tout soupçon.
Ce jeune homme comme les autres naît à Pont L'Abbé, en Bretagne, le 11 janvier 1977, d'un père artisan forgeron et d'une mère coiffeuse, qui reçoit ses clientes au "Monde Imagin'hair". Une famille de la classe moyenne de province, en somme, dont les deux fils vont se prendre de passion pour la bourse. Mais c'est par la petite porte que Jérôme Kerviel, le cadet, entre à la SocGen en 2000. Il n'a pas "fait" Dauphine ou Polytechnique. Les bénéfices qu'il réalise sont comme une revanche contre le manque de considération.

Pas un golden boy allumé

Selon ses proches, Jérôme Kerviel a "des goûts simples et ne mène pas grand train". Ses nuits ne déraillent pas entre lignes de coke et rencontres d'un soir en discothèque. Le loyer de son appartement de Neuilly est de 1 200 euros et son patrimoine s'élève à 11 400 euros au moment de sa mise en examen fin janvier 2008.
Comme le confie l'une de ses ex-petites amies dans l'ouvrage Le Joueur: Jérôme Kerviel Seul Contre Tous, ce geek ne sort pas beaucoup, plus fidèle au vidéo-club du quartier, qu'aux salles de poker fréquentées par certains de ses confrères. Et lorsqu'il joue, c'est plutôt au billard avec son pote Manuel, qui sera d'ailleurs placé un moment en garde à vue... Tout juste, Jérôme Kerviel aime-t-il dîner dans un petit resto de poissons, près de chez lui, où un plateau de fruits de mer lui rappelle de temps à autre sa terre natale.
Passionné de voile et de judo, il n'a que peu de temps à consacrer à ces hobbies. Il arrive tôt à son bureau de La Défense et n'en repart souvent qu'après la nuit tombée. Le garçon que ses collègues décrivent comme "sérieux", voire "taciturne", fume cigarette sur cigarette et ne prend quasiment jamais de vacances. 


Star déchue des marchés, idole paradoxale, ce col blanc discret suscitera toujours des réactions ambivalentes. Voilà un mec venu de rien qui a réussi à amasser des sommes colossales au nez et à la barbe de ses boss... Aujourd'hui sans emploi, sûrement bientôt incarcéré, Jérôme Kerviel est-il un pauvre gars ou un odieux malfrat ? On préfère vous laisser en décider...

 

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