J'ai (encore) foiré la Saint-Valentin

Vendredi 14 février. J'avais marqué d'un cœur rose la date sur mon agenda (afin que ma collègue d'open-space voit bien que j'avais quelque chose de prévu ce soir-là et fasse suivre le mot). Erreur : ce matin j'ai dû raconter mes exploits à toute la Rédaction.

Voilà deux semaines que je parle à Olivier sur Cupidon.com. Ce vendredi, fête des amoureux et fin d'une folle semaine (régime express : moins 5 kilos en 3 jours en ne buvant que du café, test d'épilation à la sauce Teriyaki, pause de faux-ongles phosphorescents et décoloration platine –"la demi-mesure, c'est has-been", m'a assuré Tony, mon coiffeur), ce devait être l'apothéose : le moment où l'on allait se voir en vrai, avoir le coup de foudre (faire l'amour ?) et s'engager à s'aimer pour les 50 prochaines années. Raté. Attention, tout n'est pas de ma faute... 

Superwoman. Plutôt du genre jeans, baskets, j'ai entrepris de me jucher sur des talons de douze, le seul moyen (avec ma gaine noire et sexy, si si) de ne pas faire petit tas avec ma jupe en cuir rouge. Et puis une semaine collée à l'écran de l'ordi, ça vous ruine la mine et le regard. J'ai donc opté pour le total look fond de teint + smoky eyes + rouge à lèvres carmin. Ce maquillage qui semblait très bien sous la lumière tamisée de ma salle de bains et cette tenue sexy en diable (je vous ai dit que c'étaient des cuissardes ?), ont fait leur petit effet dans la rue. On m'a même demandé une photo pour un street-look "porno-pas-chic, tendance camion violé".

Rendez-vous. Trente demandes de fellations plus tard, j'étais au bar. J'allais enfin le voir. Il faisait noir, mais j'ai vite repéré mon Valentin. Nous avions convenu qu'il aurait... la même tête que sur les 1387 photos (plus ou moins dénudées) qu'il m'avait envoyées.

Confrontation. "Olivier, 1m88, 31 ans, un corps musclé, des épaules solides et beaucoup d'imagination" m'avait en effet déjà offert la preuve qu'il était carrossé (cabossé et tatoué) comme Jesse James, le bad boy de Monster Garage. Why not ? Bon, je n'ai rien contre les piercings, mais j'avoue que les six boucles sur sa langue lui donnaient une élocution un peu étrange et que, du coup, je me suis sentie obligée de parler, parler, parler... (J'ai passé une journée horrible, une cystite, c'est l'horreur, ma boss élève des Jack Russels, je complexe sur mes lobes d'oreilles, mon père est génial, je fantasme à fond sur M. Pokora, mais j'ai pas fait l'amour depuis 8 mois, t'as vu cette actu sur cette vielle dame dépecée par sa propre fille qui l'a ensuite donnée à manger à ses furets, et toi, tu veux des enfants ?...). De boire (il faut bien se détendre et j'avoue qu'au bout de trois verres, son strabisme avait un petit côté charmant). Et forcément, de mentir, un peu... (mon ex m'a demandée en mariage, mais j'ai refusé, la peur de l'engagement, sûrement)...

Flèche dans le cœur, et ailleurs. L'alcool aidant, il était temps de l'écouter un peu zozoter ce... Comment s'appelle-t-il déjà ? Ouf, il a une gourmette (enfin, façon de parler). "TATIANA". Bizarre. Donc Monsieur Tatiana, outre une quinzaine d'anneaux en métal dans le corps, est en "recherche d'emploi". Bien, il va avoir du temps à me consacrer. Il "déteste les féministes et la politique en général", mais "envisage de se faire poser des prothèses mammaires". Il "est retourné chez ses parents", mais "juste en attendant de pouvoir squatter chez un pote" et, -je sens venir le compliment- : il est "toujours sorti avec des blondes comme moi", mais "n'a eu que des histoires foireuses".  Finalement, il est plutôt sympa ce John (Nicolas ? Thomas ?), il n'a pas dit que j'avais le même parfum que sa mère...

Je peux te raccompagner ? Je crois que j'ai cuvé mon vin. Je suis en crise d'hyper-lucidité. Ma gaine, aussi torride soit-elle, n'est pas compatible avec une partie de jambes en l'air. Mon fard a coulé sur mes joues. Mes yeux sont plus rouges que mes lèvres et mes bottes me font un mal de chien. Le jeune homme en face de moi a peut-être une licorne sur le bras et un peu du Chevalier Blanc (Yé vé zé yé vole au secours d'innocents), il n'a rien du gars aux côtés duquel je veux me réveiller. Il est temps de rentrer. Seule.

saint valentin
J'ai (encore) foiré la Saint-Valentin © Fotolia