Connaissez-vous la triste histoire des petits Réunionnais de la Creuse ?

L'Assemblée nationale doit se prononcer sur la proposition de loi concernant les "enfants de la Creuse", ces 1600 enfants déportés de 1963 à 1982 de la Réunion vers la Métropole afin de repeupler les campagnes.

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L'Assemblée nationale vote aujourd'hui une "résolution mémorielle" sur l'affaire des "enfants de la Creuse". © © iMAGINE - Fotolia.com

Entre 1963 et 1982, plus de 1600 enfants ont été déplacés de la Réunion vers la Métropole afin de repeupler les zones rurales de 64 départements français et majoritairement le département de la Creuse. La plupart de ces "enfants de la Creuse" ont été reconnus pupilles de l'Etat sans même le consentement de leurs parents pour la majorité d'entre eux. Ce mardi 18 février, l'Assemblée nationale doit voter une "résolution mémorielle", pour sortir de l'ombre cette affaire et redonner une mémoire à ces enfants ayant aujourd'hui atteint la soixantaine, dont l'histoire est méconnue des Français.

Michel Debré, alors élu député de l'Union pour la Nouvelle République (UNR) de la Réunion, créé en 1963 le Bumidom, soit le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer. Celui-ci avait pour but de résoudre "le problème démographique et social dans les départements ultramarins en organisant, favorisant et développant la promotion d'une émigration massive vers le territoire métropolitain".

Les Réunionnais de la Creuse ont été placés en famille d'accueil ou en foyer, lorsqu'on leur promettait en retour des études et du travail. Une fois débarqués en France, les enfants ont pour la plupart été confrontés à des conditions de vies difficiles : travail forcé, racisme, voire internement psychiatrique pour certains. Jean-Jacques Martial est celui qui a mis en lumière cette affaire : placé en famille d'accueil chez des paysans en 1966 à l'âge de 7 ans, il porte plainte en 2001 contre l'Etat pour "enlèvement, séquestration de mineurs, rafles et déportation" et demande un milliard d'euros de réparation pour son "enfance volée".

"Un milliard, c'est comme un euro, c'était symbolique. Ça vaut combien l'enfance d'un enfant? La trahison des adultes, la déraison de l'État, les larmes des parents ? " demandait M. Martial. La procédure échoue lors du procès de 2002, mais d'autres enfants déportés sortent de l'ombre. "Si Martial n'avait pas lancé l'affaire, on serait restés dans l'oubli" souligne Jean-Charles Pitou, arrivé à 9 ans dans le Cantal.

"Il est grand temps en 2014 de faire ce travail de mémoire et d'en parler sans être dans un esprit revanchard ni de victimisation. (...) Il faut a minima reconnaître une responsabilité morale de l'État envers ses pupilles et nous demandons une connaissance historique approfondie" explique Ericka Bareigts, la députée PS réunionnaise qui est à l'origine de la Résolution sur les enfants de la Creuse votée aujourd'hui.