En Inde, pas d'heaume pour les femmes

Au pays de Bollywood, du Tandoori et des histoires à l'eau de rose, les filles casquent. Explications.

Motardes chics pour chevauchées fantastiques

Chaque matin, Priya Mahindroo, 25 ans, se faufile à moto dans la circulation intense de New Delhi pour se rendre au travail. Mais alors que la loi rend le port du casque obligatoire pour les hommes, elle peut s'en passer en tant que femme.
Des voix commencent pourtant à se faire entendre au vu des conséquences de cette particularité juridique: chaque année, des milliers de femmes meurent ou sont blessées dans des accidents de la route, victimes de traumatismes crâniens.
Certains observateurs estiment que cette loi n'est que le triste reflet des valeurs patriarcales de la société indienne où les garçons sont préférés aux filles, avançant que l'on considère donc la femme inférieure à l'homme et que sa vie vaut moins que le "sexe fort".


Coquettes au péril de leur vie

Pour des femmes telles que Priya Mahindroo, les considérations restent toutefois d'ordre esthétique et à moins que la loi l'oblige à porter un casque, elle continuera à laisser ses cheveux flotter au vent sur les routes parmi les plus dangereuses au monde.
Le casque "défait ma coiffure", argumente-t-elle en arrivant à son lieu de travail, un immeuble du centre de la capitale.

"Je ne porte pas de casque parce que j'ai l'impression de suffoquer quand j'en mets un, ça me tient chaud, donc je ne pense pas vraiment à la sécurité", avoue-t-elle.
La loi fédérale de 1988 sur les véhicules motorisés stipulait que les conducteurs de deux-roues devaient porter un casque mais elle a provoqué un tollé parmi la communauté sikh qui y a opposé des arguments religieux.
Faisant valoir l'interdiction religieuse de porter tout couvre-chef autre qu'un turban, les sikhs ont ainsi été exemptés.
Le gouvernement de l'Etat de New Delhi a ensuite décidé qu'il était impossible de distinguer une femme sikh (qui ne porte que rarement le turban) d'une non-sikh et elle a rendu le port du casque optionnel pour toutes les femmes.

 

Tonnerre mécanique

indeint
Famille indienne à moto. © emjay smith - Fotolia.com

Près de 134.000 personnes ont été tuées dans des accidents de la route en Inde en 2010, soit près de 370 par jour, selon les données les plus élevées au monde du Bureau national du crime.
A New Delhi, où les imprudences et l'alcool au volant sont monnaie courante, 64 femmes ont été tuées en 2010 dans des accidents impliquant des deux-roues et 50 l'an dernier.
Pour un médecin de l'hôpital public AIIMS, Sanjeev Bhoi, il ne fait aucun doute que la loi a un impact sur le nombre d'accidentées de la route."On nous amène tous les jours des personnes souffrant d'un grave traumatisme crânien, en particulier des femmes et des enfants", rapporte-t-il à l'AFP.
"Les femmes doivent mettre un casque, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour leurs familles" dont elles ont la charge, insiste-t-il.

Du sari aux larmes.

Pour l'écrivain Antara Dev Sen, cette loi illustre à quel point les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde zone.
"En Inde, les femmes sont programmées pour ne pas faire attention à elles", dit-elle à l'AFP. "Pour être une femme bien, il ne faut pas se préoccuper de soi", résume-t-elle.

Aux côtés d'autres militants, elle s'est impliquée dans une campagne pour faire évoluer la situation tandis que la police et des figures du milieu médical ont déposé une requête auprès de la Haute cour de Delhi.

Lire aussi: