"J'écoute" : l'épiphore de Christiane Taubira et l'histoire de la Marseillaise "Karaoké"

Accusée par un élu UMP de ne pas avoir chanté la Marseillaise lors de la cérémonie commémorant l'abolition de l'esclavage, Christiane Taubira se défend. Le FN demande sa démission.

Christiane Taubira est depuis samedi 10 mai au coeur d'une vive polémique. La ministre de la Justice se serait abstenue de chanter la Marseillaise lors d'une commémoration de l'abolition de l'esclavage. Marine Le Pen a exigé de Manuel Valls sa démission pure et simple.
Une réaction exagérée selon le ministre de l'Education Benoît Hamon, qui a défendu la ministre de la Justice lundi 12 mai sur BFMTV, expliquant que lui non plus n'avait pas chanté la Marseillaise : "À ce moment-là, je ne la chante pas non plus, comme la plupart des autres ministres. Parce qu'elle est chantée par une soliste et qu'on ne veut pas ajouter notre voix dessus. Dans ces moments-là, la Marseillaise inspire le recueillement", a-t-il expliqué, reprenant les propos de la ministre. Cette dernière a publié sur sa page Facebook , dimanche 11 mai, un long message doté d'une épiphore du mot "J'écoute" dans lequel elle explique pourquoi elle ne chante pas toujours le célèbre hymne français. "Certaines circonstances appellent davantage au recueillement... qu'au karaoké d'estrade", affirme-t-elle. "Le crime ? Je n'ai pas chanté la Marseillaise ce 10 mai place du général Catroux, belle figure républicaine et résistante, lors de la cérémonie en hommage au général Dumas, glorieux héros méconnu (...). Quand, à la note exacte, au-dessus de l'orchestre, la voix de la soliste se détache... j'écoute. Et j'écoute jusqu'au bout (...).Quand, dans le premier silence de l'orchestre, monte la voix, masculine cette fois, bravant le crachin, j'écoute. Lorsque, en fin de réunion publique, emportés par une ferveur désordonnée, nous entamons la Marseillaise (...) j'y vais alors gaillardement de ma part de fausses notes. Sinon, j'écoute. (...)", peut-on lire sur son compte officiel.
Elle conclut : "Ainsi de ce 8 mai, quand la chorale militaire entonne la Marseillaise, puis le chant des Partisans, deux chants suprêmes, souverains, témoins d'époques d'extrême violence, le Chant de guerre pour l'armée du Rhin et le Chant de ralliement des Résistants. Des deux la chorale fait une œuvre d'art... qu'elle achève dans ce murmure poignant des partisans, ouvriers et paysans. J'écoute. Solennellement. Demain c'est la journée de l'Europe. Quel chemin parcouru ! Mais quels périls encore !"
Des explications qui ne suffisent pas à convaincre les membres du Front National. Florian Philippot, vice-président du FN a ainsi déclaré sur son compte Twitter : "Derrière le terme 'karaoké d'estrade' de Taubira pour évoquer le chant de la Marseillaise, il y a tout le mépris du peuple #limogeage". Il poursuit : "Si Valls n'annonce pas ce soir le limogeage de Taubira, nous saurons que la haine de la France est au sommet de l'Etat #limogeage".
Cette demande du mouvement d'extrême droite fait écho à celle effectuée en mars 2013, concernant la demande d'exclusion de Karim Benzema de l'équipe de France : "On ne va pas me forcer à chanter 'La Marseillaise'", avait-il dit. 

cã©rã©monie
Manuel Valls, George Pau-Langevin et Christiane Taubira lors de la cérémonie commémorant l'abolition de l'esclavage place du Général Catroux dans le 17ème arr. de Paris samedi 10 mai.  © Sipa