Le campus, berceau de la culture du viol aux Etats-Unis ?

Le viol serait-il le nouveau rite de passage dans les universités américaines ? Dans le magazine Rolling Stones, Jackie, étudiante agressée sexuellement en 2012, raconte son combat pour dénoncer le calvaire qu'elle a subi. Une véritable "culture du viol" sévit outre-Atlantique au point d'être valorisée dans certaines facultés. Révoltant.

Bière à volonté, musique à fond, mœurs débridées... Les soirées de Fraternités sont marquées par bien des excès. Alors quand Jackie fait son entrée à la très prestigieuse Université de Virginie, un nouveau monde s'ouvre à elle.
Jackie a 18 ans et n'aime pas tellement l'alcool, mais ce soir-là, c'est différent : LE beau gosse de 3e année l'a invitée à une soirée organisée par sa Fraternité, les géniaux (et très populaires) Phi Kappa Psi, rapporte le magazine Rolling Stones. Pour ne pas paraître trop sainte-nitouche, Jackie s'autorise à siroter un petit verre... qu'elle ne finira pas. "Tu veux aller à l'étage ? C'est plus calme", lui propose son cavalier. Ni une ni deux, Jackie suit son prince charmant et grimpe les escaliers. Le cœur battant, elle ouvre la porte d'une chambre tandis que son cher et tendre referme la porte derrière elle. C'est le noir complet, mais Jackie détecte une présence et sent qu'ils ne sont pas que deux dans cette pièce. "Attrape ses putains de jambes", jette une voix dans l'obscurité. Jackie comprend. Elle crie, mais le carnage commence. 
Cette nuit-là, Jackie sera violée par sept garçons de son Université. Trois heures d'agonie dirigées par les encouragements du séduisant jeune homme qu'elle convoitait. Au moment où le dernier garçon hésite, un autre lance : "Quoi, elle n'est pas assez sexy pour toi ? Tu ne veux pas faire partie de la fraternité ?".

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Une soirée sur un campus étudiant  © Instagram Dsenic Production

Les meilleurs amis de Jackie lui conseilleront de ne pas en parler : "Sa réputation sera abattue pour les quatre prochaines années !", "Elle sera la fille qui a crié au viol et on ne pourra plus jamais retourner à une soirée de fraternité", lui assurent-ils. Car trop souvent, la honte s'abat sur la victime au lieu de s'abattre sur les agresseurs (comme le démontre parfaitement le film A Cappella , de Lee Sujin).
Après plus de deux ans passés à se taire, à rater des cours et à penser à mettre fin à ses jours, Jackie parle enfin. Elle s'adresse en premier lieu à la doyenne de son Université, qui l'envoie voir la responsable du "Comité de mauvaise conduite sexuelle de l'UVA", Nicole Eramo. Celle-ci lui laisse alors le choix : porter plainte et en faire une affaire publique, ou régler l'affaire en privé. En 2013, sur 38 étudiantes venues raconter leur agression, seulement 9 ont finalement porté plainte. 
Les victimes ne sont donc pas les seuls à se taire : l'administration de l'école aussi préfère le silence, davantage concernée par la protection de sa réputation que par celle de ses élèves. 
Jackie est loin d'être la seule à avoir subi ce que l'on appelle là-bas une "mauvaise expérience". Et pour cause : une fille sur cinq est victime d'agression sexuelle sur les campus américains. Parallèlement, les membres d'une fraternité sont eux quatre fois plus amenés à commettre un viol que les autres.

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Des membres de la fraternité "Phi Kappa Psi" devant leur dortoir  © Instagram Yannmoncayos

Une véritable "culture du viol" sévit donc outre-Atlantique, dénoncée par de multiples associations. Et valorisée dans certaines Universités... A l'Université de Yale, tout le monde connaît le célèbre slogan "Non, ça veut dire oui, oui, ça veut dire sodomie". Un slogan qui s'avère être repris d'une loi sur le consentement sexuel votée par la Californie, "Yes, means yes" (Oui veut vraiment dire oui). Si les lois prennent en compte le phénomène, il s'agit surtout d'un problème de société.  
Pour David Lysak, un psychologue interrogé par Rolling Stones, "Ils répètent le message et la culture qui les entourent : la réification et la dégradation de la femme".
L'histoire de Jackie, qui a provoqué un véritable tollé, a poussé la présidente de l'UVA, Teresa Sullivan, à admettre que les agressions sexuelles sur les campus faisaient partie d'"un problème culturel fermement enraciné dans la vie étudiante".  
Aujourd'hui, 86 écoles font l'objet d'une enquête fédérale sur les agressions sexuelles sur les campus et sont soupçonnées de "complicité"

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Des étudiants manifestent devant la maison des "Phi Kappa Psi" en novembre 2014 pour lutter contre la culture du viol © Instagram Bridget Moria