"L'éducation est la chose la plus importante que l'on puisse donner à un enfant."

Ex-championne olympique de judo, double championne du monde, Marie-Claire Restoux est aussi administratrice de PLAN France. De retour d'un voyage sur le terrain au Cameroun, elle nous parle de son engagement, et de l'action de l'ONG pour le droit des enfants.

marie claire restoux bis 215
"Aujourd'hui, plus de 80 % des ressources de PLAN vont sur le terrain. Il faut continuer sur cette voie-là", Marie-Claire Restoux, ambassadrice de Plan France © Stéphanie Mundubeltz-Gendron/Journal des Femmes

Comment êtes-vous devenue administratrice de Plan France ?

Marie-Claire Restoux : C'est simple. Je suis devenue administratrice par Alain Caudrelier, directeur de PLAN France. Nous nous sommes rencontrés après ma victoire aux Jeux Olympiques en 1996. Nous sommes restés en contact. Et lorsqu'il est arrivé chez PLAN il y a trois ans, il a pensé que cela pouvait m'intéresser de faire partie du conseil d'administration. A juste titre. J'ai dit banco. Je suis administratrice depuis 2 ans.

Qu'est-ce qui vous a convaincue ?

M.-C. R. : Cela a été facile car je suis une jeune maman. On est un peu moins centré sur soi-même quand on a un enfant. On est plus préoccupé par sa progéniture et son avenir. L'éducation est la chose la plus importante que l'on puisse donner à un enfant. L'action de PLAN étant basée sur l'éducation de l'enfant, c'est ce qui m'a plu. J'étais déjà convaincue de la cause.

Quel est votre rôle en tant qu'administratrice ?

M.-C. R. : Je n'ai pas de rôle précis. Je participe à toutes les réunions et notamment lorsqu'il faut définir des axes sur lesquels PLAN va travailler. Par exemple, nous avons travaillé sur le site Internet pour qu'il puisse être attractif et facile de navigation. Nous cherchons également à diversifier les sources de revenus, notamment en développant des partenariats avec le monde privé, comme Bourjois avec un programme au Cameroun, ou Nivea avec qui nous débutons sur le plan international. Nous avons toujours voulu économiser en dépenses publicitaires pour que l'argent aille sur le terrain, ce qui explique d'ailleurs notre déficit de notoriété en France. Nous sommes des bénévoles actifs.

marie claire restoux 215
Marie-Claire Restoux, ambassadrice de Plan France, dans les rues de Yaoundé en mai 2011, en compagnie de Hawaou, présidente de l'Afhadev (Association des femmes haoussas pour le développement). © Stéphanie Mundubeltz-Gendron

Justement, vous rentrez du Cameroun où vous êtes allée visiter un programme financé par Bourjois. Quel bilan tirez-vous cette expérience sur le terrain ?

M.-C. R. : Cela m'a permis de mieux comprendre la situation des femmes et des enfants là-bas : pourquoi une telle pauvreté, pourquoi des différences culturelles ? Je connaissais l'Afrique du Nord mais pas l'Afrique Noire. Nous avons été confrontés à des situations de polygamie extrêmes avec une multitude d'enfants. Comme la plupart ne sont pas en capacité de s'occuper de tout le monde, le taux de mortalité des enfants est de 30 à 50. Certaines femmes se font même  la compétition entre elles. C'est à celle qui fera le plus d'enfants pour gagner l'estime de leur mari, sinon elles sont répudiées.

Comment peut-on faire changer les mentalités ?
M.-C. R. :
L'Education permettra à cette communauté de ne pas croire tout et n'importe quoi. En France, la scolarisation nous paraît évidente car elle est obligatoire et gratuite. Là-bas, comme les enfants ne sont pas déclarés, s'ils n'y vont pas, on ne s'en aperçoit pas.
Le poids des traditions et la religion omniprésente gâchent la vie des femmes. C'est du bourrage de crâne permanent. Elles n'ont pas de fenêtre ouverte sur le monde. Mais comme elles n'ont pas la vision de ce qui se passe ailleurs, elles sont fatalistes.
Au-delà de la scolarisation des petites filles, PLAN développe ainsi la reconnaissance des enfants par la délivrance des actes de naissance et effectue un travail de sensibilisation permanent pour faire comprendre aux responsables religieux et traditionnels que la scolarisation est importante. Le processus est enclenché mais nous sommes est loin d'être arrivés à terme.

Qu'est-ce qui vous a le plus frappée ?

M.-C. R. : C'est la violence physique. Quand une femme accouche18 fois, le corps est mis à mal, sans parler de l'excision qui existe. De toute façon, ces femmes ne connaissent pas la pilule ou le stérilet. Ça ne pourra changer que par l'Education et la scolarisation des filles. Le processus sera très long, mais de la même manière que nous assistons aux révolutions dans le monde arabe, la révolution viendra des femmes. Cela s'est produit dans nos pays occidentaux il n'y a pas si longtemps que cela. Cela risque d'être un peu violent mais tout dépend de la manière dont les autorités religieuses et traditionnelles seront sensibilisées.
Hawaou (présidente de l'AFHADEV, association relai de Plan Cameroun qui œuvre pour le développement des femmes haoussa à Yaoundé, ndlr) fait un travail intelligent. Elle a bien compris qu'il ne fallait pas aller à leur encontre mais travailler avec eux et les impliquer pour mieux faire passer les messages.

Quel est votre sentiment vis-à-vis de ces jeunes filles ?

M.-C. R. : On n'est jamais ans leur tête. Comme elles n'ont pas d'éléments de comparaison, elles ne se posent pas la question. Faire la vaisselle, aller chercher le bois, vendre des beignets... Elles n'ont pas le choix. Le jeu, elles ne savent pas ce que c'est. Elles sont dans une situation fataliste. Elles écoutent leurs mamans qui leur disent : " C'est comme ça. ". C'est pour cela qu'il faut convaincre les mamans d'éduquer les jeunes filles, pour qu'elles s'émancipent.

Et des mamans ?

M.-C. R. : Elles font de leur mieux avec les moyens qui sont mis à leur disposition.

Que pensez-vous de ce projet ?

M.-C. R. : On peut toujours améliorer les choses. Ce qui est important c'est que le processus soit enclenché, notamment grâce à l'action de PLAN avec des associations relais qui sont formidables. L'AFHADEV fait du bon boulot avec un travail de proximité permanent. Hawoua dit qu'elle cherche des gens pour l'aider dans sa démarche pour démultiplier les porte-paroles et faire passer le message. C'est un bel exemple. Je suis très heureuse d'avoir pu participer à un voyage sur le terrain. Je n'avais pas conscience du travail à faire autour de la scolarisation : la problématique des actes de naissance, la polygamie, le degré de pauvreté dans lequel vivent les familles. Sans compter le poids des cultures et des traditions dans un carcan religieux.

Ce programme peut-il être adapté à d'autres pays ?

M.-C. R. : Bien sûr. On retrouve les mêmes problématiques au Sénégal, au Ghana, au Bénin...

"La violence de l'enfant est insupportable surtout quand elle est gratuite."

Vous avez-vous-même une fille. Lui avez-vous parlé de votre voyage et des conditions des enfants là-bas ?

M.-C. R. : Je lui ai montré les photos. Sa première réaction a été de dire : ''Ils ont sales et mal habillés''. Je lui ai expliqué leur pauvreté, qu'ils ne se lavent pas tous les jours et ne mangent pas toujours à leur faim. Je lui ai montré ces photos pour lui faire relativiser. A 6 ans, elle est en âge de comprendre les choses. J'essaie de lui offrir une ouverture sur le monde. Elle n'y croyait pas. Quand elle sera plus grande, je l'emmènerai..

De retour en France, quel va être l'impact de ce voyage sur le terrain dans vos plans d'action ?
M.-C. R. :
Ca me renforce dans l'idée qu'il faut que notre priorité soit l'action sur le terrain. Aujourd'hui, plus de 80 % de nos ressources vont sur le terrain. Il faut continuer sur cette voie-là. Cela peut passer par le développement du micro-crédit, le développement de l'éducation... On va ainsi permettre à certaines femmes de sortir la tête de l'eau et de penser à l'avenir de leurs enfants.

Quelles seraient vos propositions supplémentaires pour garantir un meilleur avenir aux enfants ?

M.-C. R. : Je suis convaincue que cela passe par l'éducation. Car c'est petit qu'on prend les bonnes habitudes. Avant d'avancer de nouvelles propositions, il faut déjà que tous les basiques soient faits : que tous les enfants puissent aller à l'école ; que tous les enfants soient déclarés ; qu'il y ait une régulation des naissances ; que tous les enfants mangent à leur faim...Il faut que l'objectif soit atteignable. Il faut également un vrai programme de rénovation des écoles avec des points d'eau pour limiter les maladies.

En tant qu'ex-championne de judo, pensez-vous que le sport puise être un moyen d'améliorer la condition des jeunes filles dans certains pays ?

M.-C. R. : J'en suis convaincue à partir du moment où les enfants ont accès à l'essentiel. Le sport, c'est le jeu. Or, manger, aller chercher du bois, vendre des beignets, aller à l'école coranique... Cela ne laisse pas de place pour le jeu. Pourtant, le jeu participe pleinement à l'épanouissement. Mais c'est difficile de penser au jeu quand on n'a pas l'essentiel vital. Pour moi, il est plus important d'avoir un point d'eau potable. Le sport, ce n'est pas vital, c'est un plus. Je suis une ardente défenseur du sport mais la priorité est ailleurs.

Et si vous aviez une baguette magique ?

M.-C. R. : J'aimerais bien ! Je pense que je ferais en sorte que tous les enfants soient scolarisés, que les familles puissent avoir à manger, que les écoles puissent avoir des points d'eau. Je leur offrirais le minimum vital. Le reste, c'est eux qui le feront. Je leur apporterais le basique. Mais il ne faut pas tout donner d'un coup. Il faut qu'ils se développent à partir de ces bases.

Quels sont vos projets ?

M.-C. R. : Nous allons poursuivre toutes les actions engagées et diversifier les ressources de PLAN pour favoriser l'éducation. Je retournerai au Cameroun avec plaisir. Mais j'aimerais aussi aller en Asie, au Cambodge ou au Laos. Je ne connais pas ces pays-là. Les problématiques sont différentes. De même qu'en Amérique du Sud où les problèmes de pauvreté sont importants. La violence de l'enfant est insupportable surtout quand elle est gratuite.

En savoir plus

 Le Journal des Femmes s'engage avec PLAN pour les droits des filles

A lire aussi