Magistral, captivant, hypnotique SAINT LAURENT

Yves Saint Laurent était un génie, habité par des démons. Evocation corsée, capiteuse, classieuse et décadente du couturier et de sa passion destructrice pour la mode (et les hommes), le biopic que lui consacre Bretrand Bonello est un opus dont l'élégance visuelle et sonore confine au chef d'oeuvre.

Que de sensations, de sentiments paradoxaux, d'émotions fortes... Oui, j'avais vu le biopic de Jalil Lespert avec Pierre Niney plutôt efficace et bien inspiré... mais je ne vais pas m'attarder sur la comparaison tant le film intense de Bertrand Bonello m'a subjuguée. Montage haute couture, bande-son exceptionnelle (de Maria Callas aux Rolling Stones), mise en scène sulfureuse et sensuelle : ce film esthétique à l'allure d'un tableau fauviste magnifie la folie créatrice de Saint Laurent, ses coups de spleen, son talent inné.

Bonello convoque les références littéraires, mélodiques, artistiques et cinématographiques. A la fois glamour et tranchant, voluptueux et saignant, il autopsie le désir, sonde les corps pour dévoiler les âmes. Certains pans de la vie d'Yves Saint Laurent défilent avec autant de grâce, de magie et de luxe que les mannequins qu'il habille. D'autres séquences, provocantes, expressionnistes, psychédéliques montrent que derrière le costume bien taillé et les lunettes carrées, le couturier était aussi un homme torturé, camé, un égoïste forcené, manipulateur parfois...

Que de style. Créateur passionné, mais incapable d'aimer et de trouver la paix, Yves Saint Laurent sublimait les femmes, mais s'autodétruisait avec autant de ferveur et d'acharnement. Névrosé, il s'embrasait pour les hommes, creusait sa tombe en entretenant des liaisons dangereuses avec des amants qu'il méprisait. Corps nus des partouzes homosexuelles, parfum d'interdit, drogues à gogo : les images et le style de Bonello font de ces provocations, des moments exigeants, audacieux, vertigineux.

Que de talents. Si les actrices ont la beauté du diable, que les collections de vêtements justifient le concept de "mode" et que le rythme des plans frôle la perfection, je tiens aussi à tirer mon chapeau aux trois protagonistes : le dandy Jacques de Bascher (torride Louis Garrel), le pragmatique Pierre Bergé (juste et réaliste Jérémie Renier) et le désormais iconique Gaspard Ulliel, génial rôle-titre.

Certains reprochent déjà au réalisateur d'écorner le mythe, la légende, de privilégier la sophistication du montage, de négliger la narration, de mettre en avant le dessin au détriment du portrait... Il est vrai que le scénario n'est pas écrit au cordeau. Tiré à quatre épingles, mais jamais cousu de fil blanc, ce biopic est une expérience essentielle au cinéma. Des robes, des stars, une perle du 7e Art : Saint Laurent représentera d'ailleurs la France aux oscars.

094752
Saint Laurent, en salles le 24 septembre. © Europacorp