Une Afghane rappe contre les préjugés

En Afghanistan, une jeune femme de 23 ans s'est lancée dans le rap pour dénoncer les conditions des femmes dans son pays, encore victimes de viols et d'abus malgré des progrès réalisés depuis la chute des Talibans en 2001.

"Si le rap est une façon d'exprimer sa misère, alors nous les Afghans avons beaucoup à dire", assure Soosan Firooz, première rappeuse d'Afghanistan qui déboulonne les codes d'une société conservatrice minée par trois décennies de guerre.
"Mes chansons évoquent les souffrances des femmes de mon pays, les peines et les atrocités infligées par la guerre", confie-t-elle à l'AFP dans les bureaux d'un petit studio local où elle enregistre son album dont la diffusion du premier extrait "Naqis-Ul Aql" ("Dérangée"), est prévue ce mois-ci.
Rien ne semblait pourtant destiner cette réfugiée à une carrière musicale. Ses parents, un père fonctionnaire et une mère illettrée, avaient fui le pays au début des années 90 pour gonfler les camps au Pakistan voisin, puis en Iran, pays où environ sept millions d'Afghans au total s'étaient réfugiés. Après l'invasion de l'Afghanistan en 2001 par une coalition menée par les Etats-Unis, la famille de Firooz est rentrée au bercail. Adolescente, Soosan a commencé à tisser des tapis pour survivre et a découvert une nouvelle passion : le rap.
Ce genre est souvent associé aux jeunes des ghettos américains et aux cités françaises, dont les vies peuvent paraître bien paisibles au regard de celles de millions d'Afghans marqués au fer rouge par la guerre et l'exil.
"Des balles, des roquettes, des tirs d'artillerie ont plu sur nos têtes, nos récoltes ont été brûlées, nos arbres asséchés... Nous avions soif et avons bu nos larmes. Nous sommes allés en Europe aspirant à une vie meilleure, mais avons abouti dans des camps pourris", entonne-t-elle. Des milliers d'Afghans avaient risqué leur vie pour émigrer clandestinement en Europe, mais s'étaient retrouvés dans des camps de réfugiés des années durant.
Si son clip a été visionné par des dizaines de milliers d'internautes sur YouTube, le flow de de la jeune femme n'a pas plu à tous. Des membres de sa famille l'ont accusée de les déshonorer. Et des inconnus l'ont menacé de mort. "Je reçois des appels d'hommes que je ne connais pas. Ils me disent que je suis une 'mauvaise fille' et qu'ils vont me tuer", pleure-t-elle. "Qu'est-ce que j'ai fait de mal?".
Rien Soosan. Hip-hop, hourra !

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"En Afghanistan, le rap se chante désormais au féminin"