Loi sur l'égalité homme-femme : interview de Najat Vallaud-Belkacem

La loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a été définitivement validée par le Conseil Constitutionnel. Najat Vallaud-Belkacem a vigoureusement porté ce texte. La ministre du Droit des femmes répond à nos questions.

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Najat Vallaud-Belkacem © Sipa

Quelle est la différence de cette loi par rapport aux nombreuses lois sur l'égalité qui existent déjà ?

Cette loi est inédite puisqu'elle s'inscrit dans une philosophie du concret. Elle diffère ainsi de certaines lois incantatoires faites par le passé, qui ne se concentraient pas toujours sur les faits. La parité en politique, par exemple, n'est toujours pas respectée malgré la loi de 2000.

Et justement, qu'est-ce qui, concrètement, va être mis en place ? Quels changements les femmes pourront-elles observer dans leur quotidien ?

Du point de vue de l'égalité professionnelle, la réforme du congé parental vise à décharger les femmes, dont les carrières professionnelles sont plus souvent interrompues, et d'inciter au partage des responsabilités entre père et mère. Les parents d'un seul enfant, qui ont aujourd'hui droit à six mois de congé, pourront prendre six mois de plus, à condition que ce congé soit pris par le second parent. Pour les parents de deux enfants, la durée du congé sera de trois ans, si six mois sont pris par le second parent, ou de deux ans et demi, si le congé n'est pris que par un seul des deux parents.

La loi permettra aux femmes d'être mieux protégées en cas de violences conjugales. Souvent, les femmes victimes de violences subissaient aussi le traumatisme de devoir quitter leur logement. Désormais, c'est l'auteur des coups qui sera dans l'obligation de quitter le domicile. Les femmes victimes de violences bénéficieront du téléphone portable d'alerte afin que la police puisse intervenir dans les plus brefs délais en cas de récidive.

Le Conseil Constitutionnel a notamment validé le renforcement de la loi sur l'IVG et la suppression de la notion de détresse...

Le droit à l'IVG existe depuis 1975, grâce à la loi Veil. Mais, en pratique, nous avons observé de nombreux freins. L'argent, dans un premier temps. L'IVG est désormais remboursée intégralement par la Sécurité sociale. De moins en moins de professionnels la pratiquaient, parce que cet acte n'était pas assez rémunéré. Nous avons revalorisé les tarifs. Les femmes font aussi face au frein de sites internet qui tentent de les dissuader de recourir à l'avortement. Nous avons créé notre propre site d'information (www.sante.gouv.fr/ivg). De plus, la loi prévoit de sanctionner cette entrave à l'information, qui sera considérée comme un délit d'entrave. La notion de détresse est définitivement supprimée. L'avortement devient ainsi un droit à part entière.

En France, 40 % des pensions alimentaires sont impayées ou payées irrégulièrement. Quelles sont les garanties de la loi contre ces pratiques ? 

Si la pension alimentaire n'est pas payée, le parent bénéficiaire pourra, dès le premier mois, alerter les allocations familiales qui verseront la somme à la place du parent payeur, qui lui sera relancé par la CAF.

Le dispositif expérimental des "ABCD de l'égalité", que vous aviez signé, a finalement été abandonné. Pouvez-vous nous parler du " plan d'action " qui vise à le remplacer à la rentrée ?

Ce n'est pas un abandon au sens strict du terme. Nous avons expérimenté les " ABCD de l'égalité " dans 275 établissements et sous différents formats. L'évaluation nous a permis de révéler les meilleures méthodes afin de les appliquer et de les généraliser à la rentrée 2014. Cette évaluation est donc positive. Le nouveau plan d'action envisage de former tous les enseignants du primaire et du secondaire afin de lutter contre les stéréotypes, de donner la parole à tous les élèves, d'encourager la mixité des métiers.

Quelles sanctions la loi prévoit-elle pour les entreprises privées et publiques, les partis politiques ou encore les fédérations sportives qui ne respectent pas la parité ?

La loi interdira aux entreprises de candidater aux marchés publics si la parité n'est pas respectée en leur sein, ce qui aura un effet dissuasif très important. Elle prévoit aussi de doubler les sanctions des partis politiques qui ne pratiquent pas la parité. Les chambres de commerces, les chambres d'agriculture, les fédérations sportives, et toutes les instances en général n'auront pas d'autres choix que de respecter la parité.  

A propos du CV anonyme, certaines études tendent à prouver qu'il n'est pas forcément moins discriminatoire. Vous allez créer un groupe de travail à la rentrée. Comment allez-vous aborder la question ?

Le CV anonyme n'est pas l'alpha et l'oméga des modes de recrutements non discriminants. Il a ses avantages et ses limites. A la rentrée, nous allons réunir les partenaires sociaux, les organisations patronales, les organisations syndicales, et les associations de luttes contre les discriminations. Notre objectif sera d'évaluer les différentes techniques de recrutements, dont le CV anonyme, mais aussi le recrutement par simulation, qui consiste à se passer de CV et à faire passer une journée test au candidat.

Dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes sexistes, comment la loi peut-elle influer sur l'image de la femme dans les médias et la culture ?

Nous allons donner au CSA les compétences pour veiller à ce que les femmes et les hommes soient représentés équitablement, notamment en ce qui concerne la médiatisation d'experts. Le CSA aura les moyens de se montrer plus vigilant quant aux images qui portent atteinte à la dignité des femmes.