Pauline Arrighi d'Osez le Féminisme : "Le chromosome X n'est pas plus attiré par le ménage que le Y par les voitures"

"Osez le féminisme" est un mouvement né en juin 2009 pour défendre à l'origine le Mouvement Français pour le Planning Familial. Conscients des inégalités qui demeurent au sein de la société, les membres ont par la suite souhaité prouver que le combat féministe était toujours d'actualité.

Pauline Arrighi est la porte-parole de l'association "Osez le féminisme". Nous l'avons interrogé au sujet de l'arrêt du programme "ABCD de l'égalité" et du lancement du "Plan d'action pour l'égalité" mis en place par Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem. 

Que pensez-vous de l'arrêt du programme des ABCD de l'égalité ?
Pauline Arrighi : Il s'agit d'un abandon extrêmement regrettable. Cette expérimentation rencontrait un franc succès, mais Benoît Hamon a décidé d'y renoncer malgré tout. Aujourd'hui, nous sommes déçus et en colère, car ce programme permettait de lutter contre les stéréotypes. Il s'agissait d'une véritable libération !

Une libération ?
P.A. : Exactement. Le programme "ABCD de l'égalité" était un "levier de progrès", pour reprendre les termes de Monsieur le Ministre. Il pouvait par exemple permettre le choix d'une filière en fonction des aspirations de l'élève et non de l'influence de son sexe. Oui, vous pouvez vous occuper de vos enfants si vous êtes un homme et oui, vous pouvez devenir physicienne si vous êtes une femme. Ces stéréotypes de genres sont erronés et archaïques.

Que vous évoque ce nouveau "Plan d'action" du gouvernement pour l'égalité filles-garçons à l'école ?
P.A. : Le nouveau plan d'action est largement insuffisant. Il marque un recul très net et même un abandon. Avec cette nouvelle formule, l'enseignant recevra bien une formation, mais il s'agira d'une formation initiale. Cela ne concerne donc pas les enseignants déjà en postes et les élèves déjà à l'école. Par ailleurs, le professeur a désormais la possibilité de choisir entre une centaine de modules, ce qui signifie que les personnes qui choisiront cette formation seront celles qui sont déjà sensibilisées à cette cause. Quant aux enseignants déjà en poste, ils auront à disposition une mallette pédagogique avec un exemple d'exercices, mais pourront en faire ce qu'ils veulent : il n'y a rien de contraignant, c'est complètement dérisoire.

Pensez-vous que le gouvernement a pu être influencé par la polémique autour du programme pionnier ?
P.A. : Effectivement, le gouvernement a été influencé par des groupes qui ont semé la désinformation en jouant sur les confusions entre égalité et identité, entre sexe biologique et sexe social. Le chromosome X n'est pas plus attiré par le ménage que le Y par les voitures. Il faut savoir qu'une femme effectue deux fois plus de tâches ménagères qu'un homme. Ces différences, qui surviennent à l'âge adulte, trouvent leur empreinte dès l'enfance.

C'est donc un travail à effectuer dès le plus jeune âge ?
P.A. : Oui, car c'est dès l'enfance que nous imprimons ces stéréotypes de genres. L'enfant  a naturellement envie de plaire aux adultes, qui eux attendent d'un garçon qu'il ait des activités physiques et de sa sœu,r qu'elle soit plus douce. Spontanément, cela aurait pu être l'inverse.

Qu'est-ce cela traduit de la part du Gouvernement selon vous ?
P.A. : Il s'agit clairement d'un recul de la gauche. Aucune volonté politique n'est ici manifestée. La PMA pour toutes les femmes avait été promise, elle a elle aussi été abandonnée. Toutes ces promesses sont finalement non tenues. Certains groupes conservateurs qui prônent la conservation d'un modèle traditionnel et oppressif pour les femmes sont très influents, même auprès de la Gauche. Ils exigent un schéma extrêmement hétéro-normé contraignant et intolérant. Cela engendre des inégalités et de la violence.

Que comptez-vous faire aujourd'hui ?
P.A. : Nous souhaitons continuer notre mobilisation en faveur d'un vrai programme ambitieux et précis qui s'adresse à la fois aux enseignants et aux élèves. 

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Pauline Arrighi © Claire Bouet