Le droit à l'IVG, menacé ? Pascale Boistard nous répond

A l'occasion des 40 ans de la présentation de la loi sur l'IVG à l'Assemblée nationale, Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux Droits des femmes, fait le point, pour nous, sur ce qu'il reste du combat mené par Simone Veil.

Le 26 novembre 1974, Simone Veil, alors ministre de la Santé, se présentait au perchoir de l'Assemblée nationale pour défendre la légalisation de l'IVG. Quarante ans plus tard, ce sont plus de 220 000 femmes par an, en France, qui se font avorter. Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux Droits des femmes, fait le bilan pour le Journal des Femmes.

Que retenez-vous du combat de Simone Veil ? 
Pascale Boistard :
La loi du 17 janvier 1975 a constitué une étape extrêmement importante dans le droit des femmes à disposer de leur corps. Simone Veil a porté avec courage l'héritage d'années de combats, sans flancher, face à la dureté des débats et aux attaques personnelles d'une violence extrême dont elle a été la cible. A travers Simone Veil, il faut aussi saluer toutes les femmes qui ont combattu pour ce droit : je pense aux "343", à Gisèle Halimi, à bien d'autres anonymes. Il ne faut pas oublier que c'était la vie de femmes qui était en danger chaque jour avant le vote de cette loi.

Le combat continue quand on voit que certains pays comme l'Espagne ont failli reculer... Le droit à l'avortement est-il fragile, menacé ? 
P. B. : Il ne faut jamais croire que tout est acquis. L'exemple espagnol montre que dans les périodes de crise, de tension, il y a toujours la tentation de revenir sur les droits des femmes. Les Françaises et les Français, à chaque fois qu'ils sont questionnés sur le sujet, montrent heureusement qu'ils sont très largement attachés à l'IVG. Les attaques, aujourd'hui en France, sont moins frontales, plus insidieuses : ce sont ces sites qui cherchent à se faire passer pour des sites d'information neutre, mais qui jouent en réalité un rôle de propagande anti-avortement. C'est pour cela que le gouvernement a lancé l'année dernière le site ivg.gouv.fr.

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Pascale Boistard © VILLARD/SIPA

Que répondez-vous aux "pro-vie", à ceux qui remettent en cause ce droit indispensable ?
P. B. : 
Le gouvernement restera extrêmement ferme sur toutes les tentatives de déstabilisation des femmes qui souhaitent exercer leur droit ou sur les provocations à l'égard des professionnels qui leur permettent de l'exercer. Nous avons d'ailleurs étendu les dispositions légales sanctionnant l'entrave à l'IVG. Je trouve par ailleurs que le terme de "pro-vie" est un abus de langage quand on se rappelle que des dizaines de femmes décédaient chaque année, à l'époque où l'avortement devait s'exercer dans la clandestinité. Aimer la vie, c'est faire en sorte que chaque enfant soit désiré, pas culpabiliser et stigmatiser les femmes.

Le droit des femmes à disposer de leur corps est-il le droit le plus important ?
P. B. : C'est un droit essentiel, parce que quand on ne maîtrise pas son propre corps, on n'est pas totalement acteur de son destin, mais objet de choix fait par d'autres. Ce droit, pour les femmes, c'est tout simplement la condition absolue de la liberté. C'est pourquoi il était important de supprimer de la loi la notion de détresse pour permettre l'accès à l'IVG.

Marisol Touraine a annoncé le lancement d'un "plan cohérent pour améliorer l'accès à l'IVG sur l'ensemble du territoire" en janvier. Qu'est-ce qui est prévu ?
P. B. : Nous voulons améliorer encore l'accès à l'avortement. Nous devons travailler tout à la fois à assurer un bon accompagnement, une meilleur prise en charge et surtout une meilleure continuité territoriale et dans le temps, pour que l'accès soit possible partout et tout au long de l'année, même pendant les vacances et les fêtes, où c'est parfois plus difficile.

L'IVG médicamenteuse en ligne est disponible dans certains pays où l'accès à l'avortement est encore restreint. Qu'en pensez-vous ? 
P. B. : Il faut être vigilant sur les médicaments mis à la vente sur Internet dans des conditions souvent incertaines. Je crois que cela n'est pas une voie sûre pour assurer le droit à l'IVG. Il faut passer par une mobilisation internationale pour l'accès à l'avortement sûr et légal partout dans le monde. Partout, les femmes doivent pouvoir avoir le droit de maîtriser leur corps.

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