Najat Vallaud-Belkacem, au chevet des ONG féministes

A l'occasion de l'Union Pour la Méditerranée, Najat Vallaud-Belkacem a accueilli 12 représentantes d'ONG féministes. Le thème de cette rencontre ? L'évolution des mentalités et le changement des structures sociales pour un renforcement de l'égalité hommes/femmes. Un "projet de valeurs" qui doit se faire ensemble.

Avec la réunion de Bruxelles, c'est la première étape vers l'organisation de l'UPM (l'Union Pour la Méditerranée). En deux ans et demi, l'instance ne s'était pas réunie. Pour cette édition, Najat Vallaud-Belkacem souhaite permettre aux pays membres de partager des sujets communs, des valeurs pas uniquement basées sur le commerce, surtout depuis que le Printemps Arabe a changé la donne. Cette nouvelle édition est consacrée au rôle des femmes dans la société, notamment parce que le printemps arabe a démontré que les femmes sont actrices du changement dans les instances politiques.
Cette année, il s'agit de "marquer un changement fort". Avant, l'UPM consistait essentiellement en des réunions de gouvernements. Aujourd'hui il s'agit de donner la parole à la société civile. "Ce qu'on retient du printemps arabe, c'est que la société civile est un acteur à part entière qui se bat et impulse les changements", proclame la ministre. Elle a donc un rôle majeur à jouer pour l'égalité ses sexes.
Cette rencontre fixe deux objectifs : forcer les états membres à s'entendre sur un texte qui fixera un socle de droits fondamentaux des femmes et trouver des financements pour que le projet voit le jour.
Les 12 féministes présentes ont le même discours : la lutte pour les droits des femmes ne doit pas être uniquement sociale mais se veut aussi et surtout politique : il s'agit-là d'institutionnaliser le dialogue, de l'élever au rang national et d'introduire les droits humains de l'égalité des genres dans les institutions.

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Najat Vallaud-Belkacem accompagnée des représentantes des ONG des pays signataires. © Delphine Olawaiye

Pour l'une des représentantes des ONG, la participation des femmes au printemps arabe a été très circonscrite. "Il n'est pas étonnant qu'elles aient été en tête des protestations car elles ont souffert d'exclusion, elles étaient plus enclines à se révolter. Les femmes ont toujours été indignées, mais à la fin des révolutions, elles ont fini en queue de liste des priorités". Une vraie incompréhension de "la révolution des  femmes", des femmes que l'on évince une fois la révolution achevée. Selon elles, impossible de parler de démocratie si les femmes sont opprimées : tout est lié.

La représentante venant de Jordanie s'indigne : "la France ne peut accepter que le changement se fasse par les urnes ou les bulletins de vote lorsqu'il s'agit de liberté".
Ces 12 féministes font le même constat : physiquement, politiquement, et socialement, les femmes sont opprimées. En Egypte par exemple, l'article qui renforçait la part des femmes dans la politique a été abrogé. La représentation des femmes en politique est en recul constant. Economiquement, le chômage fait des ravages. Dans de très nombreux postes, les femmes sont discriminées (certaines annonces affichées annoncent recruter exclusivement des hommes) alors qu'une femme sur trois est chef de famille en Egypte. La violence physique fait aussi partie de leur lot quotidien: une femme sur trois est victime de violences domestiques, dont 10% sont des cas graves (hospitalisation et intervention chirurgicale). C'est d'ailleurs souvent en période de guerre qu'on remarque l'escalade de la violence. 

Najat Vallaud-Belkacem souhaite réaffirmer la résolution 13-25 sur les femmes prise à l'ONU. "Les gouvernements signent mais ne se sentent pas liés".
D'autre part, dans beaucoup d'Etats, les ONG n'ont pas de statut juridique pour pouvoir intervenir : une incapacité d'agir d'autant plus cruciale dans les contextes de guerre ou en transition démocratique. Lorsque les ministres seront réunis, la ministre des Droits des Femmes veut frapper fort : "sous les regards de tous leurs homologues, ceux qui empêchent cette reconnaissance juridique seront acculés". 

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Najat Vallaud-Belkacem © MEIGNEUX/SIPA

Les représentantes des ONG sont unanimes : "les Etats porteurs des droits des femmes sont forcément des états laïques car ils utilisent les religions pour réprimer. Même un islamisme modéré est inenvisageable. Il n'y a pas de modération dès que la religion interfère"

Leila El Ali, réfugiée palestinienne au Liban et directrice de l'ONG Association Najdeh souligne l'importance de l'indépendance des sociétés civiles et des associations de femmes.
"Au Liban les femmes palestiniennes réfugiées font face à des discriminations sans précédent du fait de leur apatridie. Nous n'avons aucune sorte de nationalité ou de citoyenneté. La loi étant basé sur le genre, les femmes dans les camps n'ont aucun droit social, économique ni même humain. Au départ, nous devions jouir des lois libanaises, mais nous Palestiniennes, n'en bénéficions pas. 11% des réfugiées palestiniennes au Liban sont le principal soutien de la famille, mais un très grand nombre d'entre elles peinent à trouver du travail. Toute ces discriminations contre les Palestiniens en général augmentent le niveau de violence dans le pays : crise économique, mauvaises infrastructures, isolation des camps, haut niveau de chômage et de pauvreté. Tous ces facteurs conduisent à une augmentation de tous les types de violences contre les femmes et des violences sexuelles. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Même en temps de guerre nous pouvons parler féminisme et en faire une priorité, ensemble".