Céline Lis-Raoux, journaliste et guerrière face au cancer

Alors que sort le nouvel opus de Rose Magazine, Céline Lis-Raoux, nous révèle le combat qui l'a amenée à créer cette revue destinée aux femmes malades. Confidences.

Un joli minois, des yeux de chat et une volonté de fer, Céline Lis, ancienne élève de l'École supérieure de journalisme de Lille, philosophe de formation, a bossé à l'Express, à l'Evénement du Jeudi, à VSD et au Figaro, où elle a impressionné par sa ténacité et son écriture, sans concession. A 37 ans, chef de service à L'Express Styles, fraîchement mariée à un viticulteur bordelais de 20 ans son aîné, maman de deux enfants, elle rencontre l'ennemi : un cancer du sein. Triste ironie pour cette sportive à la silhouette menue "plate comme une planche à pain"... Sa maladie ? Cette femme au caractère bien trempé l'affronte en face. "Me promener, crâne nu, dans la rue et ne pas baisser les yeux. Troquer les blagues de blondes contre des vannes de cancéreux – l'humour n'est pas soluble dans les métastases. Continuer à rire, à boire, quand le vin a un goût de cendre. Aimer, lorsqu'il ne reste que des os à enlacer", écrit Céline Lis dans l'Impatiente (JC Lattès). Ce roman, un texte vibrant, lui permet de partager son expérience.

Mais Céline souhaite aller plus loin

"Comme je le dis souvent, Je suis une cancéreuse de luxe. Ma profession, le statut de mon mari m'ont permis de conserver une forme de confort. La prise en charge est optimale dans mon département. J'ai eu beaucoup de chance : mon conjoint m'a beaucoup soutenue. Il a été très présent, aimant. Ma mère, aussi, a pu garder mes garçons, Gabriel et Ulysse qui avaient, à l'époque, 8 et deux ans. Mais, trop de femmes renoncent à se soigner car elles ne peuvent plus travailler et subvenir à leurs besoins..., nous explique-t-elle. Les agricultrices et les plus de 65 ans ont le plus fort taux de mortalité car elles se disent 'à quoi bon'... ".

 

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Céline Lis-Raoux, portrait. © Delphine Jouandeau

"Le cancer est très dégradant physiquement et moralement" "De marathonienne, je suis devenue, en six mois, un squelette chauve de 32kg. Le cancer, c'est la perte : des seins, du poids, des cheveux, des ongles, des poils, de sa raison sociale... Privilégiée, hyper-connectée, j'ai pu trouver facilement les réponses à mes angoisses grâce à mon réseau. Mais comment font celles qui n'ont pas accès à l'information, qui n'osent pas poser de questions à leur oncologue ? Qui affrontent seules le traitement, terrassant, la peur de ne pas s'en sortir, le regard des autres ? Savez-vous que 5% des malades demandent un second avis ?", nous interpelle-t-elle.

"Quand on n'a pas un tempérament de victime, l'épreuve est difficile"

"Il y a un vrai rapport de force : les médecins, les chirurgiens, presque tous des hommes, détiennent le savoir et ne le communiquent pas. Ils n'ont qu'une crainte : que l'on s'écroule et se répande en larmes devant eux. Ils font un procès en illégitimité du patient. Ajoutez à cela une humiliation quotidienne : vous êtes déshabillées, corps et âme sans cesse à nu devant eux. Cette situation, pas la souffrance, mais l'assujettissement à un pouvoir injuste est insupportable", s'emporte Céline.

Créer un contre-pouvoir

Je me suis dit : "Quand je serai en rémission, je créerai un vrai journal féministe car le cancer fragilise davantage les femmes. Non seulement parce qu'elles sont en première ligne de la précarité économique, mais aussi, cela a été confirmé par une étude de l'institut Curie : un homme sur deux se barre lorsque sa campagne tombe malade... "

Dans Rose, il y a Ose

"Rester femme et se sentir belle pendant la maladie, c'était la raison de cette publication qui se devait de répondre aux questions que se posent les cancéreuses (Droit du travail, aide à domicile, santé, sexualité...), et les divertir en leur offrant des pages sur la mode, la beauté ou le tourisme."

Son idée ? Faire monter en compétence les lectrices

"Avec ce sale crabe dans la peau, le quotidien est moche. D'où l'envie d'un magazine girly super-beau et pas angoissant. Un magazine intime, mais écrit "gros" car sous chimio, on perd trois points d'acuité visuelle. Un magazine, le plus didactique possible, en restant réjouissant, jamais larmoyant." 

Pari réussi

Chic, élégant, glamour et sans pathos, Rose Magazine, dont le premier numéro (automne/hiver 2011/2012) est paru en plein cœur "d'octobre rose", mois de mobilisation contre le cancer du sein, est soutenu par les grands noms du luxe et de la cosmétologie (Sisley, Guerlain, Hermès, Chanel... ). Ce semestriel (plus de 200 pages tout de même) décline, avec succès, enquêtes, conseils beauté, santé,  témoignages, psychologie, humour, adresses utiles, dossiers pratiques, fiches de cuisine... Un beau défi.