Attentat de Toronto : qui sont les Incels, ces hommes qui haïssent les femmes ?

Dix personnes sont décédées à Toronto après qu'un véhicule a foncé dans la foule. Quatorze ont été blessées. Le chauffeur interpellé, Alek Minassian, se revendique des Incels, un groupe d'hommes anti-femmes qui fait rage sur Internet. Qui sont ces misogynes assumés pour qui le sexe opposé est une bande de "salopes diaboliques" ?

Attentat de Toronto : qui sont les Incels, ces hommes qui haïssent les femmes ?
© Iurii Stepanov - 123RF

Toronto, lundi 23 avril 2018, début d'après-midi. Une fourgonnette fonce sur les passants pendant deux kilomètres en centre-ville. Résultat de cette course à la mort : 24 victimes, 10 décès. Le chauffeur est rapidement appréhendé par la police et identifié comme un certain Alek Minassian. Quelques heures avant son attaque, cet étudiant canadien en programmation informatique de 25 ans publiait sur sa page Facebook un obscur message : "La rébellion des Incels a déjà commencé. On va renverser tous les 'Chads' et 'Stacys'." Incompréhensible pour les néophytes, ce statut est pourtant lourd de sens.
Les Incels, ce sont des "célibataires involontaires" en français, un groupe d'internautes masculinistes à l'extrême. Les Chads et les Stacys sont, dans le vocabulaire de ces ultra-misogynes 2.0, les mecs populaires, ceux qui plaisent, et celles qu'ils portent responsables de leurs malheurs amoureux : la gent féminine (en couple).
Dans les méandres d'Internet, les Incels déversent leur haine sur des forums comme 4chan ou Reddit (avant que ce dernier ne tente de les bannir en fermant un sous-groupe de discussion de 40 000 membres), Ils sont plusieurs dizaines de milliers de haters hétérosexuels, souvent âgés entre 18 et 35 ans, qui tiennent le sexe opposé comme responsables de leur détresse sentimentale et sexuelle. Pour caricaturer, les Incels, c'est une bande de nerds vivifiée par l'anonymat du Web qui estime ne pas intéresser les filles parce qu'elles sont mauvaises et obnubilées par le physique.

Des trolls au monstre ?

Sans relation depuis plusieurs mois, ces sexistes revendiqués se retrouvent principalement sur le site incels.me pour attaquer ouvertement leurs ennemies. Ils les surnomment les femoids (contraction de femmes et humanoïdes), soit des robots sans âme ni sentiment, ou encore "salopes diaboliques". Alors qu'ils se revendiquent comme des "gentils types", les Incels incitent à la haine, appellent à la violence, au harcèlement voire au viol. Pour eux, ce crime puni par la loi n'existe pas véritablement puisque les victimes l'ont bien cherché. On appelle ça la culture du viol. Les femmes sont les méchantes depuis que la révolution sexuelle leur a donné droit à l'émancipation. Dans leur esprit, ils sont les dommages collatéraux de la libération des mœurs et d'une société régie par le culte de la beauté. Les trolls qui s'en prennent aux féministes sur les réseaux sociaux, ce sont souvent eux.

Avec l'attaque de Toronto, ont-ils (de nouveau) franchi la barrière du réel ? "Nous n'avons aucune évidence" qui permette d'affirmer que le mobile d'Alek Minassian était d'ordre misogyne, a précisé l'enquêteur chargé de l'affaire. Avant d'ajouter : "Nous faisons tout pour découvrir quelle était la motivation exacte de cet incident. Nous aurons besoin de chaque pièce de ce casse-tête pour avoir un portrait complet et un compte-rendu de ce qui s'est passé ici." La majorité des victimes de la voiture-bélier conduite par le Canadien sont bien des femmes.

En 2014, Elliot Rodger avait tué quatre personnes en Californie. Il avait définit son acte, filmé et posté sur Internet comme un "châtiment" envers les femmes et se qualifiait de "mec parfait", de "gentleman suprême". Le message posté par l'auteur de la tuerie de Toronto se termine ainsi : "Tous saluent le gentleman suprême Elliot Roger !"