Sexisme, harcèlement, humiliations : Saint-Cyr épinglé

Harcèlement moral, humiliations à répétition, misogynie affirmée… Les étudiantes du lycée Saint-Cyr vivent au quotidien un véritable cauchemar, comme vient de le dévoiler une enquête de Libération. Les responsables de ces agissements sexistes : les tradis, un groupe de garçons ultra-conservateur et misogyne.

Sexisme, harcèlement, humiliations : Saint-Cyr épinglé
© WITT/SIPA

"Je me sens humiliée dans mon identité de femme et bafouée dans mon droit d'être ici", "On m'a de nouveau traité comme une sous-merde", "Je pleurais trop régulièrement, je voulais rentrer tout le temps chez moi"… Ces mots sont ceux d'étudiantes aux classes préparatoires de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM). Récoltés au cours d'une enquête menée par Libération, ces témoignages dressent un constat affligeant sur le sexisme qui règne au sein du célèbre établissement militaire. Les jeunes filles y subissent des intimidations, mises à l'écart et insultes de manière quasi-quotidienne. Le but est de les démotiver pour qu'elles abandonnent leurs études et la préparation à l'ESM. Une méthode qui laisse le champ libre à la concurrence, cruelle et tortionnaire.

Un groupe omnipotent

Les responsables de ces comportements sont les "tradis", un groupe de garçons qui fait sa loi au sein de l'établissement. S'ils ne représentent qu'une soixantaine d'élèves sur les quelques 230 élèves que compte le lycée, ils exercent une pression telle que de nombreuses étudiantes ont fini par céder, jusqu'à adresser une lettre à Emmanuel Macron. Pour ces jeunes hommes, "les filles ne devraient tout simplement pas être là" et seraient "mieux à la maison à faire des enfants".

Afin d'asseoir leur autorité, ils emploient les moyens les plus abjects : défécation devant les chambres des jeunes femmes, menace de les scalper ou encore refus de leur adresser la parole. Outre cette misogynie, les tradis affirment également leur homophobie, leur adhésion aux idées nazies ou encore leur racisme. Un ultra-conservatisme qui a conduit les autorités militaires à officiellement interdire le groupe. Toutefois, celui-ci est tellement ancré dans les traditions de l'école qu'il bénéficie d'une impunité totale.

Le sexisme comme système

Si à chaque rentrée, les capitaines avertissent les nouveaux arrivants de la présence nuisible des tradis dans l'école, aucune réelle disposition n'a été prisé pour punir ces comportements malsains. Une des sources de l'enquête de Libération s'est exprimée sur la question : "Au vu de leur passivité tout le reste de l'année, on se demande s'ils ne cautionnent pas au fond la mentalité des tradis."

Le corps enseignant et militaire serait lui-même conditionné par ce sexisme ambiant : les officiers encadrant les élèves sortant eux-même de Saint-Cyr, peuvent potentiellement avoir fait partie de ces fratries masculinistes. Un cercle sans fin qui décourage les élèves – filles mais aussi garçons – victimes des travers des tradis.

En 2015, la section "sciences économiques" avait été supprimée en raison de "comportements discriminatoires à l'égard des élèves féminines", mais celle des lettres continue de subir les "méchancetés et bêtises" de ces garçons. A la publication de l'enquête, la ministre des Armées, Florence Parly, a jugé inacceptable de tels procédés et a déclaré au micro de RTL qu'elle "redoublera d'efforts pour que ce comportement de minorité cesse". Espérons que cet écho médiatique permettra de faire cesser ce genre de ségrégations et punira les bourreaux.