Les jeux vidéo rendent-t-ils macho ?

Le sexisme dans les jeux vidéo fait l'objet d'un article publié le 17 mars sur le site "Frontiers in Psychology". L'occasion de s'interroger sur l'image de la femme qui y est véhiculée.

Les jeux vidéo rendent-t-ils macho ?
© 123RF - gstockstudio

"Les représentations sexistes saturent la publicité, la télévision et le cinéma. Le jeu vidéo ne fait pas exception". Voici le postulat de départ de Laurent Bègue dans son article publié vendredi 17 mars par le site en libre-accès Frontiers in psychology. Avec l'aide de quatre autres universitaires, le directeur de la Maison des Sciences de l'Homme-Alpes a mené l'enquête auprès de 13 250 jeunes Grenoblois et Lyonnais âgés de 11 à 19 ans, issus de 127 établissements scolaires. Le but ? Etudier la corrélation entre le temps passé à jouer aux jeux vidéo et l'attitude sexiste des gameurs

Les résultats de cette étude ont démontré que plus un jeune est accro à la console, plus il développe une image réductrice de la femme, dont le rôle devient alors "essentiellement de faire et d'élever des enfants". Bien que ce constat soit nuancé par Laurent Bègue, qui rappelle notamment que l'adhésion à une religion a un poids plus important dans l'accroissement des croyances machistes, il semble nécessaire de souligner que l'univers numérique peut bel et bien véhiculer des stéréotypes dégradants pour l'image de la femme. 

Ce même constat a poussé huit députés socialistes à déposer un amendement le 8 janvier dernier, proposant de ne pas attribuer de crédit d'impôt sur les jeux vidéo à caractère sexiste (réduction des taxes ayant été relevée de 20 à 30% en novembre 2016). Une suggestion qui n'a pas fait l'unanimité auprès de nombreux spécialistes. 

Une vision machiste de l'archétype du féminin 

Quelles sont donc les affres de la pratique vidéoludique si souvent décriée par les féministes ? Les critiques récurrentes sont ainsi résumées par Laurent Bègue dans son article : "Dans les jeux à succès, les femmes sont sous-représentées, ont des rôles passifs, sont des princesses à sauver ou des objets de conquête dont le rôle est secondaire et l'apparence sexualisée". Force est de constater que des prostituées ou strip-teaseuses de Grand Theft Auto à une Lara Croft dont les atouts physiques sont davantage mis en avant que sa complexité psychologique, les jeux-vidéos ne semblent pas se conjuguer facilement au féminin. Ce ne sont pas les princesses éplorées et sans défense de Zelda ou encore Mario Bros, attendant sagement l'arrivée du messie masculin pour se sortir de leur triste condition, qui diront le contraire. Quant aux jeux de guerre, quand la plupart bannissent purement et simplement tout ce qui oserait exprimer de près ou de loin la féminité, d'autres comme Dead or Alive se donnent la peine de faire exister ces dames... à condition qu'elles exhibent leur bonnet E dans un bikini taille 12 ans. De façon plus globale, il existe peu d'exemples de jeux à succès dans lesquels Madame prend l'ascendant sur Monsieur, bien qu'il existe des héroïnes parvenant à outrepasser la tyrannique règle du sois belle et tais toi : Faith Connors dans Mirror's Edge Jill Valentine dans Resident Evil ou encore Clémentine dans le jeu Walking Dead, pour ne pas les citer. 

Une hyper-sexualisation non genrée

Ce que l'on ne dit certainement pas assez, c'est que si les femmes peuvent légitimement considérer que leur image est dégradée dans les jeux vidéo, ces messieurs devraient en dire autant. Qui peut vraiment considérer que la plupart des héros des consoles, virilisés à l'extrême, sont une fidèle représentation du genre masculin ? Comment penser que le corps bodybuildé et cuirassé des personnages de God of War, les voyous balafrés de Grand Theft Auto ou les ours guerriers de Call of Duty se rencontrent souvent dans la réalité ? A bien y regarder, en étant souvent représentés comme des machos possédant plus de matière grise dans le biceps droit que dans la tête, les hommes aussi sont lésés. On peut donc déplorer une vision stéréotypée des deux sexes dans de nombreux jeux vidéo à succès, une double hyper-sexualisation qui ne peut qu'appuyer le développement du sexisme chez les gameurs.