Martine Aubry, envoyée sur les roses

Elle avait accusé le futur Président de représenter la "gauche molle", puis avait joué le jeu durant la campagne, vantant les louanges de son ex-adversaire et ne ménageant pas sa peine. Martine Aubry n'entrera pas au gouvernement.

Initiatrice des 35h, des emplois-jeunes, de la CMU, formée au cœur de l'appareil d'Etat (Sciences Po, l'ENA), fidèle à la Gauche depuis ses débuts dans le sérail, Martine Aubry, 61 ans, avait été citée de façon récurrente pour occuper le poste de Premier ministre, ou à défaut un super ministère de la Jeunesse, Education et Culture, son domaine de prédilection... Le chef de l'Etat lui a finalement préféré Jean-Marc Ayrault.
"Nous avons discuté de cela lundi avec François Hollande", déclare Martine Aubry, citée par Le Monde.fr. "Il m'a dit qu'il avait fait le choix de Jean-Marc Ayrault. Nous sommes convenus que, dans cette configuration, ma présence au gouvernement n'aurait pas de sens", ajoute-t-elle.

Pas favorite pour Matignon

"J'ai toujours pensé que François Hollande choisirait Jean-Marc Ayrault, parce que je savais qu'il voudrait quelqu'un de très proche de lui. Au fond, je n'ai jamais eu de doute sur le choix qu'il ferait. Je l'ai dit à mes proches dès le 16 octobre 2011", explique-t-elle.

Martine Aubry gardera-t-elle le PS qu'elle avait annoncé vouloir abandonner ?
"Elle va aller jusqu'au bout de son mandat", qui s'achève au prochain congrès du PS, prévu en octobre 2012, "et elle fera les législatives comme chef de parti", avance une source proche. Son geste peut sembler un coup de théâtre, mais pas pour ceux qui connaissent son caractère, notoirement difficile.

Une haine, cordiale

Martine Aubry, c'est l'ancienne mère supérieure au gouvernement Jospin pour Ségolène Royal qui fut sa ministre déléguée à la Famille au ministère des Affaires sociales. Elle moquait à l'époque les "caprices" de cette "grande bourgeoise" de Ségolène, raillé cette "cruche" et son pantin de mari "si faible qu'il se laissait mener par le bout du nez".
Femme de poigne, autoritaire, bougonne, parfois brutale selon ses collègues de la rue Solférino, la fille de Jacques Delors est du genre à mener ses équipes à la baguette mais à garder secrets ses affects. La mort prématurée de son frère adoré, à l'âge de vingt-neuf ans, suite à une leucémie, l'a amenée à se protéger. Aux relations publiques, cette élue de terrain, maire de Lille depuis 2001, a toujours préféré l'affrontement politique et gardé, pour l'intime, les soirées à l'Opéra, les trekkings avec son compagnon, l'avocat Jean-Louis Brochen (qui milite pour les droits de l'homme et se fait parfois visiteur de prison), ou encore, les longues discussions avec sa fille, Clémentine.

Etoile du Nord

Empreinte de la rudesse de la misère sociale qu'elle combat, la Ch'tie Martine Aubry oublie parfois de sourire et de jouer les stars devant les caméras. Pourtant, sous le masque de la dureté, la Socialiste a fait siennes les vertus de l'intuition, de l'écoute et du pragmatisme. Son visage poupin, son gabarit rondouillard et son 1,62 mètre d'énergie ont séduit ses administrés qui louent son contact facile et son humour. Avec ses collaborateurs qu'elle retient parfois jusqu'à 5 heures du matin, elle sait aussi détendre l'atmosphère par quelques imitations bien senties.
Affectueuse, protectrice, attentionnée, c'est une mère-poule pour les gamins des quartiers défavorisés à qui elle donne des cours dans son bureau de l'Hôtel de ville ou distribue des tickets pour la patinoire. Simple, chaleureuse et joyeuse, cette bonne vivante qui collectionne les livres de cuisine invite volontiers à partager des moules-frites ou son tiramisu, "le meilleur de France", clame-t-elle.

Malgré son expérience, "elle reste très sensible", assure son amie Marylise Lebranchu. Nul doute que Martine Aubry, bredouille, a aujourd'hui le cœur gros et les larmes aux yeux.