Violences sexuelles : les femmes s'emmurent dans le silence

La 2e édition du Grand Forum Marie-Claire consacré aux violences sexuelles faites aux femmes a été l'occasion pour de nombreuses victimes de témoigner, et pour la classe politique, de faire le point.

La stigmatisation, les pressions ou le coût d'une action en justice sont autant de freins qui empêchent les femmes de porter plainte. Conséquence: la majorité des brutalités commises sont passées sous silence. 

Contexte

L'Organisation Mondiale de la Santé définit la violence sexuelle comme "tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d'une personne utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais s'en s'y limiter, le foyer et le travail". (OMS, 2002).

Sources et ampleur du phénomène

Selon Evelyne Jossé, psychologue-psychothérapeute, les chiffres disponibles proviennent de la police et des instances juridiques, des services médicaux, des organisations non gouvernementales (Droits de l'Homme, organismes humanitaires, juridiques, etc.), des associations internationales, nationales et locales (associations contre la violence, de femmes, des Droits de l'enfant, etc.), d'enquêtes et d'études. Or ces données recensées sont souvent incomplètes et ne révèlent que la partie émergée de l'iceberg. En effet, de nombreuses victimes hésitent à dénoncer les violences sexuelles qu'elles ont subies.

"C'est le seul crime en France au sujet duquel on a encore honte de porter plainte", a lancé Tristane Banon, lors du forum. Pour l'écrivain, qui a accusé publiquement Dominique Strauss-Kahn, "le seul moyen de passer à autre chose est d'en parler, de mettre l'agresseur face à ses responsabilités".

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Femme pleurant au pied du mur © Fotolia.com

Mais, comme l'a souligné la sociologue Véronique Le Goaziou, "nous sommes à un moment paradoxal, puisque nous n'avons jamais été aussi loin dans la dénonciation des violences sexuelles, jamais la réprobation sociale n'a été aussi forte qu'aujourd'hui, jamais les agresseurs n'ont été autant condamnés".

"Et pourtant le chemin qui reste à parcourir est énorme puisque seulement 10% des victimes de violences sexuelles portent l'affaire en justice et que les dépôts de plainte se tassent depuis une dizaine d'années. Alors qu'est-ce qui bloque?"

La honte, la peur, le manque de ressources...

C'est un sujet qui gêne, c'est mal vu", a affirmé Tristane Banon. Le regard de la société n'est pas forcément bienveillant.

Dans le cas des violences commises au travail, "les femmes sont prises dans un carcan, car il y a une dépendance économique. Parler présente un risque pour la carrière", a souligné Laurence Laigo, secrétaire nationale de la CFDT. Des femmes, témoignant de façon anonyme, ont aussi évoqué l'absence de soutien de leurs collègues qui ont pris le parti de l'agresseur, mais aussi l'existence de menaces.

"Les violences sexuelles et les viols notamment, entraînent des troubles psycho-traumatiques", a insisté Muriel Salmona, psychiatre et victimologue. Résultat: "les victimes gardent en mémoire les pires choses qui leur sont arrivées et restent pétries de peur". Les coûts engendrés par une procédure judiciaire rebutent aussi. "Bien souvent, les femmes perdent leur emploi suite aux violences subies et ne sont pas en mesure de payer un procès", a rappelé Marilyn Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). "Du coup, l'aspect financier est un frein clair", a-t-elle indiqué, plaidant pour une revalorisation de l'aide juridictionnelle.

Enfin, l'accueil au commissariat, qui de l'avis de tous, s'est beaucoup amélioré, est primordial.

Chaque année, au moins 445 000 femmes sont victimes de violences physiques et sexuelles, dont plus de 300 000 par leur conjoint, selon des données officielles, rappelées par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.