Vanessa Paradis : "Je fonctionne au plaisir"

"Paradis, c'est l'enfer", avait balancé Gainsbourg. Rencontrer Vanessa, c'est pourtant contempler un visage angélique, se laisser envoûter par sa douce musique et découvrir une star fascinante autant que douce et attentionnée.

Vanessa Paradis : "Je fonctionne au plaisir"
© Vianney Le Caer/Invision/AP

A l'origine de cette rencontre, CHIEN, un film acerbe, cynique, mordant, la part animale, sauvage et engagée de l'artiste Samuel Benchetrit. Cabotine, sans peur de malmener sa beauté et son sex-appeal, Vanessa Paradis a accepté d'y jouer un rôle ingrat et dérisoire. Elle se livre à nous, souriante, rayonnante, sans tabou.

Dans Chien, vous jouez Hélène, qui est-elle ?
Après une décennie et un enfant ensemble, Hélène ne supporte plus son mari. Elle en a fini de l'aimer. Egoïste, elle le quitte d'une manière lâche, cruelle, mais sans méchanceté. Plutôt que de lui dire la vérité, elle prétexte être allergique à lui.

Dès cette première scène "d'allergie", vous apparaissez le teint blafard, la peau irritée et les ongles jaunis, était-ce une crainte de casser votre image glamour ?
Non, j'ai déjà été bien plus amochie et amochée ! Ce que je redoutais, c'était de ne pas être à la hauteur de cette absurde, surprenante et géniale ouverture de film. J'ai toujours beaucoup de doutes : comment aborder un rôle, vais-je être capable de l'incarner, trouver mes marques, satisfaire le réalisateur...

Pourquoi avoir accepté de jouer dans Chien ?
J'avais vraiment très envie de travailler avec Samuel. Recevoir le scénario d'un metteur en scène et avoir tellement hâte de le lire, c'est l'évidence qu'on aime son cinéma, son univers. Cette histoire est tellement sensible, tendre et profonde. C'est un conte philosophique actuel et juste. Un drame qui parle de la brutalité de notre société, du quotidien de ceux qui travaillent dur, ont une famille à nourrir et beaucoup de mal à joindre les deux bouts, de ceux ceux qui subissent le pouvoir et l'autorité de personnes malintentionnées.

Le personnage principal joué par Vincent Macaigne a le souci du bien-être des autres, mais se satisfait de peu....
Jacques Blanchot
a énormément de courage, de recul, de respect. Il est dans la pure, la grande générosité. Généralement, un parent fait passer ses enfants en priorité, lui se place spontanément après tous les autres. Cela peut énerver le spectateur qui y voit un looser, une victime, car ce mec est à l'opposé de ce qu'on nous martèle : l'injonction à être comme il faut, à vouloir toujours plus, à se comparer à son voisin, à consommer…

© Paradis Films

Son obéissance à tout prix n'est-elle pas agaçante ?
Moi la première, je désire les choses, j'essaye de posséder davantage, mais je n'ai pas à me battre pour l'obtenir. Je fonctionne au plaisir. J'ai conscience d'avoir une vie exceptionnelle donc je ne suis pas un bon exemple pour juger. Pour moi, ce héros est un sage comme on l'évoque dans bouddhisme, dans la méditation.

L'intelligence ne serait pas dans la rébellion, mais dans la capacité à encaisser la violence ?
Nous sommes des êtres sensibles, mais la force serait de laisser glisser les attaques, de ne pas laisser les brutes nous atteindre.

Ce film est empreint de solitude, est-ce un état que vous redoutez ?
Je n'ai pas peur d'être seule, cela permet de réfléchir, de ne rien faire, de lire ce qu'on veut, de prendre son temps, d'y voir plus clair, mais je suis définitivement un animal social : j'ai besoin et envie d'être avec les autres. Heureusement, car le cinéma et la musique se construisent en équipe !

Comment vous reconnectez-vous à vous-même ?
Quand j'exerce mon métier d'artiste, métier que j'ai choisi et qui me rend très heureuse, je suis en accord avec mon for intérieur et connectée aux autres. Je n'ai pas besoin de me forcer, cette articulation est naturelle !

Comment réagissez-vous face à la frénésie des réseaux sociaux ?
Je n'ai pas domestiqué Internet. Ça ne m'intéresse pas et me fait perdre du temps sur l'essentiel. J'ai déjà l'impression d'être sans cesse scotchée à mon téléphone avec les textos et les e-mails. Je n'ai pas de compte Instagram, Facebook ou Twitter. Tout partager, tout rendre public, poster des images intimes, des photos de moments précieux, c'est quelque chose que je ne juge pas, mais ce n'est pas mon truc. Je ne suis pas secrète avec mes amis, mais j'ai besoin d'un échange privilégié, d'une vie privée, d'un contact humain.

Avez-vous une recette bien-être ?
Des trucs tout bêtes : prendre des cours de barres au sol, aller marcher, regarder des films, prendre un bain.... Un tas de choses banales qui me permettent de mettre mon corps et ma tête au service de projets qui me tiennent à cœur.

Votre corps exprime-t-il ce que vous ressentez ?
Je n'ai pas forcément des plaques qui apparaissent ou des démangeaisons, mais je suis une angoissée, notamment avant de chanter. Avec le trac, mon ventre se tord, mon cœur bat vite et fort et je peux perdre ma voix. Avec la technique et la maturité, on apprend à se maîtriser, à focaliser sur l'envie et la peur disparaît. Ce trac, c'est aussi le désir, l'excitation face au public. Monter sur scène, c'est affronter la nouveauté, c'est accepter de se mettre en danger.

Quel est votre rapport aux journalistes, aux critiques ?
La musique s'écoute. Le cinéma se regarde. L'analyser, en parler, cela peut être intéressant, mais ce n'est vraiment pas ce que je préfère. Je respecte les médias et communique quand c'est nécessaire.

De quoi aimeriez-vous changer le rythme, la fréquence ?
Le rythme des coups de blues et la fréquence de l'agressivité générale. J'essaye d'être positive et rejette la mauvaise humeur. Le vivre ensemble, la politesse sont les valeurs qui m'animent. Je suis très soucieuse de la manière dont on s'adresse les uns aux autres.

Quelle personne a fait évoluer votre identité ?
Mes enfants.

Quelle expérience de cinéma vous a le plus influencée ?
Béatrice Dall dans 37°2 le Matin.

Quelle figure féminine vous inspire ?
Simone Veil, une femme exceptionnelle.

Quel est votre mantra ?
"Ça va aller".

Quel est l'accessoire qui vous est indispensable ?
Un tube d'anti-cernes pour ne plus infliger ma mine fatiguée alors que je déborde d'énergie !

Afin de changer notre regard sur vous, que diriez-vous ?
Je ne dirais rien. C'est un regard extrêmement bienveillant et chaleureux après des débuts difficiles...

© Paradis Films


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