Jennifer Connelly, troublante de beauté

Discrète, Jennifer Connelly est pourtant l'une des grandes actrices américaines de sa génération. Mystérieuse et magnétique, la star oscarisée nous a parlé de son rôle dans "American Pastoral", l'adaptation très attendue de l'ouvrage éponyme de Philippe Roth par Ewan McGregor. Rencontre.

Jennifer Connelly, troublante de beauté
© Richard Foreman

C'est dans la suite d'un hôtel parisien que nous rencontrons Jennifer Connelly. Fashion addict, l'actrice et ex égérie Louis Vuitton a organisé le planning de ses interviews selon le calendrier des défilés parisiens (cette interview a été réalisée pendant la fashion week parisienne, ndlr). Carré lissé, maquillage impeccable, tenue sobre et élégante, regard transperçant, l'américaine est à l'image du rôle qu'elle incarne dans American Pastoral : une reine de beauté. Mais contrairement à son personnage dont le titre de Miss est une malédiction, l'actrice a su faire de son physique une bénédiction.
Petit à petit, l'oiseau Connelly a fait son nid. Si c'est sa beauté qui pousse à 14 ans à peine la jeune Jennifer devant les caméras, c'est son incroyable palette de jeu qui a fait d'elle au fil des films et des années, une actrice de renom. Drame social, biopic, blockbuster, comédie, film fantastique, d'épouvante ou d'horreur : Jennifer Connelly interprète avec justesse, brio et en toute discrétion chacun de ses rôles. C'est justement ce qui est troublant avec l'actrice. Aussi envoûtante qu'intrigante à l'écran dans des rôles qu'on n'oublie jamais, l'américaine est de celles qui savent se faire oublier entre deux tournages. Comme pour mieux éclater de nouveau. Et ça, c'est beau. 

Journal des Femmes : Qui est Dawn, votre personnage ? 
Jennifer Connelly : C'est l'épouse du personnage d'Ewan McGregor que tout le monde appelle le Suédois mais qui se prénomme en réalité Seymour. Jeune femme, elle a été élue Miss New Jersey. Ce titre lui colle à la peau. Elle ne parvient pas à s'en défaire auprès de son entourage qui ne la perçoit qu'à travers le prisme de sa beauté. Avec son mari, ils emménagent dans une superbe maison à la campagne où ils ont une petite fille, Merry. Tout semble parfait dans leur petite vie de couple et de famille mais les apparences sont trompeuses et le vent va rapidement tourner.  

Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce rôle ?
La complexité du personnage de Dawn, plein d'émotions, de contradictions. J'ai aimé la façon dont sa personnalité est dépeinte et son histoire m'a beaucoup touché. Derrière son masque de reine de beauté, elle est très forte et fragile à la fois. C'est extrêmement enrichissant et intéressant d'incarner ce genre de rôle au cinéma.

Le film est tiré de l'oeuvre éponyme de Philippe Roth. L'ouvrage vous a-t-il aidée ?
Je m'y suis beaucoup référée pendant le tournage. Je l'avais toujours sur moi pour relire des passages que j'avais surlignés. C'était comme avoir une sorte de journal intime pour mon personnage.

Comment expliquez-vous que Merry soit en conflit avec ses parents alors qu'ils sont très aimant et qu'elle a "tout pour être heureuse" ?
Sa réaction est assez difficile à expliquer, je pense qu'elle-même ne sait pas vraiment. Le film et le livre s'achèvent sur la même question, celle de savoir ce que ces parents ont fait de mal dans leur vie pour mériter leur sort. Lorsque le Suédois interroge son père à ce sujet, celui-ci lui rétorque qu'il a tout fait de travers. Mais ni le livre, ni le film ne donnent de réponses. Selon moi, l'une des raisons est générationnelle. L'histoire se passe juste après la Seconde Guerre mondiale. D'origine juive, Seymour aspire au rêve américain, celui d'une vie paisible et stable avec sa famille. Leur fille Merry grandit dans un contexte différent, marqué par la guerre du Vietnam et les conflits inter-raciaux. Le total décalage entre sa vie tranquille et ce qui se passe autour d'elle lui est insupportable. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles elle prend le contre-pied de ses parents.

Lorsque vous étiez jeune, étiez-vous aussi rebelle que Merry ?
J'ai commencé à tourner très tôt donc je n'ai pas eu le temps de faire des bêtises. Et si j'avais été rebelle, je suis sûre que vous l'auriez su…

Vous dites que Dawn est fragile mais aussi très forte. Pourtant, elle semble renoncer...
Elle ne baisse pas les bras. La relation de Dawn et Seymour avec leur fille est complètement différente. Seymour fuit la confrontation, il est conciliant et réussit toujours à garder un lien avec Merry. La relation entre Dawn et sa fille est beaucoup plus complexe. Cette dernière est dans le rejet dès l'enfance. Quoi de plus terrible pour une mère ? Lorsque Dawn est internée après avoir espéré pendant des années le retour de sa fille, elle choisit d'en faire le deuil. Elle ne cesse pas de se battre, elle décide au contraire de continuer à vivre ce qui l'éloigne de son mari, bloqué dans le fantasme. Pour elle, renoncer signifie repartir à zéro. Vivre dans le présent est sa seule échappatoire pour survivre. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle n'accueillerait pas sa fille à bras ouverts si elle revenait.  

Dawn a recours à la chirurgie esthétique. Pensez-vous que cette intervention soit vraiment salvatrice ?
Pour elle, ça l'est. Ce qui est triste et paradoxal car elle devient ce qu'elle n'a jamais voulu être : une reine de beauté. Mais c'est le seul moyen qu'elle trouve pour se sentir vivante. Pour de nouveau exister après son internement.

Comment était Ewan McGregor en tant que directeur ?
C'était très amusant de tourner avec lui. C'est une personne généreuse et toujours positive. Il sait créer un environnement de travail très sain autour de lui. C'est agréable et reposant.

Et avec Dakota Fanning ?
C'était génial. J'ai toujours été admirative de son parcours. Elle a commencé très jeune et elle n'a cessé d'être incroyable dans tous ses rôles. C'est amusant car mon mari jouait son père dans un film et j'ai joué sa tante dans un autre film. A nous trois, on forme une vraie petite famille !

Que diriez-vous aux lecteurs pour les convaincre d'aller voir ce film ?
Qu'il interroge sur de nombreuses questions dont celle des préjugés. Or s'arrêter aux apparences est regrettable car celles-ci peuvent être trompeuses. Il faut aller au-delà de ce que l'on croit voir pour comprendre une personne avant d'en tirer des conclusions.

American Pastoral d'Ewan McGregor, en salles le 28 décembre 2016 

© Mars Film