Marlène Jobert : "J’ai besoin d’être en permanence passionnée"

La mythique actrice, reconvertie dans l’écriture de contes pour la jeunesse, est pour la première fois de passage au Festival du Film d’Angoulême. Sollicitée par Dominique Besnehard, Marlène Jobert est venue y dédicacer son autobiographie, "Les Baisers du Soleil", parue en novembre 2014. Rencontre.

Marlène Jobert : "J’ai besoin d’être en permanence passionnée"
© Marechal Aurore/ABACA


C'est le baptême du feu pour Marlène Jobert. La comédienne de 71 ans a fait pour la première fois le déplacement au Festival du Film d'Angoulême. La star de L'Astragale et de L'Amour Nu y a dédicacé son autobiographie, parue à la fin de l'année dernière et intitulée Les Baisers du Soleil. Et parce que "la grande famille du cinéma" n'est finalement pas si étendue, l'actrice a malgré tout un lien avec l’événement : elle a tourné avec Jean-Paul Rappeneau, réalisateur du film d’ouverture, Belles Familles, dans Les Mariés de l’an II, en 1971. Pour Le Journal des Femmes, elle s’est prêtée, avec humour, au jeu de l’interview, parfois aléatoire. 

Etait-ce une envie ou un besoin d’écrire cette autobiographie ?
Au départ, je voulais prendre des notes pour mes filles [Eva et Joy Green ndlr], car elles savaient très peu de choses de ma carrière d’actrice, que j’ai abandonnée quand elles étaient petites. C’est devenu un livre parce que j’ai découvert le plaisir de l’écriture. Ecrire pour les enfants, c’est une chose, mais écrire pour les adultes, c’en est une autre. J’ai mis du temps avant d’oser. Ce n’est pas de la très grande littérature ce que je fais, mais je m’applique.

Vous parlez aussi de votre enfance. De quel milieu venez-vous ?      
Mon père était de l’assistance publique, donc je n’ai pas eu de grands-parents paternels. Il était militaire et ma mère était sans profession. Je n’ai pas eu une enfance très rigolote, je n’aurais pas envie de la revivre.

Le cinéma a été une échappatoire, dans cet environnement qui n’était pas du tout artistique ?
C’était le hasard. Pour moi, c’est le moyen de partir de la maison qui s’est présenté et j’ai sauté dessus, mais ça aurait pu être n’importe quoi : de l’alpinisme, scaphandrier ou parachutiste… Je serais partie ! Et puis on m’a découvert du talent. Ca m’a beaucoup surprise parce que j’étais bourrée de complexes.

Y compris en tant que femme et dans le désir que vous pouviez susciter ?
Non, dans l’interprétation, le jeu… J’avais une nature particulière qui a séduit. C’était un moment-clé. Le genre de personnage que j’interprétais, de manière spontanée et sans réflexion, était un personnage dont on n’avait pas trop l’habitude au cinéma. Je crois que c’est ça qui a plu. Et j’ai eu la chance de tomber sur de bons scénarios et de bons metteurs en scène. Il faut beaucoup de chance pour faire ce métier.

Qu’est-ce que vous aimez chez vous ?
J’aurais plutôt envie de vous dire ce que je n’aime pas ! [Elle hésite] Ce que j’aime chez moi, c’est que je pense que je ne donne pas l’impression de jouer, mais de vivre. C’est ce que j’essaie de faire à chaque fois.

Vous avez arrêté le cinéma pour vos filles…
Plein de choses se sont passées en même temps. Je ne me voyais pas mener une carrière de manière intensive et m’occuper aussi de mes filles. C’était trop difficile pour moi. J’avais de moins en moins de propositions intéressantes au cinéma. Autour de 40 ans, on ne nous propose plus grand-chose et puis j’en avais assez de dépendre du talent des autres, parce que c’est un métier où vous n’êtes qu’un petit maillon de la chaîne.

Vous ne l’avez pas vécu comme un renoncement ?
Non, parce que j’ai découvert d’autres passions, et le plaisir de l’écriture pour les enfants. J’ai besoin d’être en permanence passionnée et ça a remplacé le cinéma.

Comment abordez-vous le temps qui passe ? On dit souvent que les actrices sont celles qui ont le plus de difficultés à assumer l’âge.
Ca ne m’amuse pas du tout, mais on ne peut rien faire contre. On s’accroche et on devient peut-être plus intéressante à l’intérieur. C’est ce qu’on se dit pour se consoler, mais c’est vrai que n’est pas drôle. Je me vois vieillir tout doucement dans mon miroir, mais ceux que je n’ai pas vus depuis 30 ans, quand je les retrouve, ça fait un drôle d’effet. Je me dis que je dois leur faire la même impression, il n’y a pas de raison !

Vous semblez saine et apaisée. Avez-vous toujours réussi à vous tenir à l’écart des excès du showbizz ?
Oui, et pourtant, je suis quelqu’un d’assez émotif. Mais je n’ai jamais mis ma vie ou ma santé en danger en prenant de l’alcool, des médicaments, comme pas mal de mes partenaires les plus vulnérables y ont eu recours. J’ai eu beaucoup de rigueur de ce côté-là parce que c’est un métier où votre sensibilité est mise à l’épreuve. J’ai été très sage.

On doit souvent vous parler de la carrière internationale de votre fille, Eva Green. En tant que maman, ressentez-vous de la fierté ou cela ravive-t-il des regrets ?
(Rires) Une grande fierté c’est certain, parce qu’elle m’épate tous les jours. Il y a aussi une crainte parce que c’est un métier très difficile. C’est quelqu’un de très vulnérable, introvertie, très pudique. C’est un peu inquiétant, mais elle est plus costaud mentalement que je ne l’étais. J’aimerais bien qu’elle tourne en France, mais on ne lui a pas proposé de très beaux rôles et de bons scénarios.

 

Interview aléatoire :
 

Le Journal des Femmes a demandé à Marlène Jobert de choisir au hasard des numéros entre 1 et 110 et de répondre aux questions correspondantes. 

Que chantez-vous sous la douche ?
Je ne chante pas sous la douche. Quelquefois je me réveille avec un air dans la tête et je le trimballe toute la journée alors que je ne l’ai pas entendu. Ca peut être un morceau de classique, les Beatles ou Cabrel… Ca peut être n’importe quoi.

Y-a-t-il un artiste que vous aimez particulièrement ?
J’écoute surtout en boucle de la musique classique. Mais un artiste, un chanteur, non… Je ne saurais pas répondre spontanément. J’écoute les grands classiques : Aznavour, Brel, Barbara, Nougaro… J’aime les beaux textes. Aznavour a fait des bijoux extraordinaires et Brel n’en parlons pas.

Quel est votre petit plaisir coupable ?
La gourmandise. Si vous saviez comme je suis gourmande… C’est une catastrophe. Je voudrais maigrir et je n’y arrive pas parce que tout me tente. Mon péché mignon, c’est le sucré. Je cuisine un peu et je suis portée sur l’alimentation bio en ce moment. C’est la mode, mais c’est bien que ça le devienne. On devient ce qu’on mange, donc il faut faire très attention et on peut manger facilement très mal (rires).

Votre pire défaut ?
Le doute, l’indécision, la méfiance… C’est la vie qui vous rend méfiant, les mauvaises rencontres. Et la lucidité qui peut être une qualité, mais qui peut être aussi un défaut, parce qu’être trop lucide, ça ne rend pas heureux.

Vous croyez en Dieu ?
Non, j’aimerais croire, mais je ne crois pas. Je n’ai pas eu d’éducation religieuse, mon père était athée… Il y a surement quelque chose, mais c’est le grand point d’interrogation. On ne sait pas.

Qu’est-ce qui peut vous rendre violente ?
L’injustice, l’hypocrisie, la méchanceté gratuite, la vulgarité. Il y a des choses que je ne pardonne pas, que je ne supporte pas et pourtant je suis très tolérante et conciliante. J’ai une colère très pondérée, une rage intérieure qui m’empêche de dormir. Les enfants maltraités par exemple, j’en parle dès que je peux.

Si vous étiez un végétal ? Un trèfle à quatre feuilles.

Un animal ? Sûrement un chien. Je suis assez fidèle.

Avez-vous eu un coup de cœur récemment au cinéma ? 
J’ai bien aimé le film de Jean-Paul Rappeneau, Belles Familles. Il a un talent fou, ce mec. C’est d’abord un scénariste, les dialogues sont tellement travaillés qu’on a l’impression que les acteurs les improvisent. […] C’est tellement juste et possible cette histoire.