Cécile de France illumine La Belle Saison

Divine, souvent dans le plus simple appareil, l'irrésistible Belge est radieuse en féministe amoureuse d'une cultivatrice dans "La Belle Saison". Rencontre avec une fille passionnée, une instinctive qui dit les choses avec franchise et sur laquelle le succès n'a pas d'emprise.

Cécile de France illumine La Belle Saison
© Pyramide

Lesbienne branchée (l'Auberge espagnole, les Poupées russes), serveuse pétillante (Fauteuils d'orchestre), tendre flingueuse (Mesrine. L'Instinct de mort,), nageuse envoûtante (Un secret), religieuse défroquée (Soeur Sourire), de Mauvaise Foi, avec Roschdy Zem, En Equilibre avec Albert Dupontel et Au-delà, avec Clint Eastwood, Cécile de France, deux enfants (Lino et Joy), 40 ans et autant de films au compteur, est une superstar, une actrice-née, mais pas une chieuse ou une écorchée vive. En couple avec un musicien depuis près de vingt ans, toujours en marge du showbiz, cette artiste positive, sincère et vraie est une virtuose de l'interview.

Pourquoi vous dans ce film ?
Quoi de plus touchant qu'un magnifique scénario ? Qu'on vous dise que le personnage a été écrit pour vous. C'était le cas. Je ne pouvais pas refuser une histoire d’amour aussi bouleversante. Cette douce folie parisienne me plaisait, j’avais envie de courir dans les rues, de hurler dans les amphis, de jouer des scènes énergiques et physiques à la fois.

A l'écran, vous êtes pleine de vitalité, provocante aussi : une liberté de jeu que l'on vous a donnée… ou que vous avez prise ?
L'héroïne émancipée que j'incarne prône la liberté de disposer de son corps, le droit des femmes, l’avortement… Il m'apparaissait cohérent de l'incarner et j'ai pris l'initiative de briser les tabous. J'ai eu beaucoup de plaisir à assumer la nudité, les poils, l'absence de maquillage. C’était éprouvant, mais tellement exaltant de me montrer comme la nature m’a faite. Il y a une jubilation à faire un pied de nez à la pudeur, voire la pudibonderie ambiante.

Être une actrice ET une femme libre, c’est une réalité pour vous ?
C'est impossible dans ce métier où il faut sans cesse contrôler son apparence, correspondre à un diktat de beauté. La concurrence est rude. Les régimes, la chirurgie esthétique s'imposent. Heureusement, il y a encore des réalisateurs qui ont de l’imagination et qui osent. Moi, j'ai plutôt de la chance, j’ai instauré dès le départ une image de comédienne sans glamour. J'admire les personnes âgées et j'aspire à devenir vieille et moche (rires) !

© Pyramide

Le combat féministe vous parle?
J’ai grandi dans un univers hippie, des parents babas cool tendance nudistes qui tenaient un café dans un village près de Namur, ma sœur est devenue agricultrice… Je n’ai pas eu besoin de me documenter pour le film, mais j'ai surtout fait confiance à ma réalisatrice, féministe, et l'ai suivie, aveuglément.

Vous ne vous revendiquez donc pas "artiste engagée" ?
Je ne suis pas une militante. Profiter de sa notoriété pour défendre de nobles causes, servir les plus faibles, c’est très louable, mais je ne le ferai pas, je n’ai pas l’âme d’une meneuse. C’est une affaire de nature et de caractère. Ma façon de m'engager c’est de jouer avec sincérité, de tout mon cœur, de faire vibrer des gens, de leur procurer des émotions..

Contrairement à Carole que vous interprétez, vous êtes plus douée pour gérer les aléas du quotidien que pour aborder les sujets de société ?
Je ne me considère ni assez cultivée ni assez intelligente pour prendre la parole devant un auditoire. Et je n'ai pas envie de me lancer dans l'humanitaire sous prétexte que je suis connue du public, mais je suis à l'aise avec les questions privées de la famille, du couple, de la maison. Je me débrouille pour être heureuse et ne pas vivre dans le conflit.

Avez-vous ressenti le courage et la force qu’insufflent ces femmes dans le film ?
Elles prennent des risques pour affirmer leur désir. Assumer son homosexualité, surtout en milieu rural, c'est compliqué, encore aujourd'hui. Ce que j'aime dans ce film, c'est qu'il n'y a aucun jugement.

Est-ce que les femmes sont privilégiées dans le milieu du cinéma ?
Je ne pense pas. Nous sommes beaucoup moins payées que les acteurs ! Pour ma part, j’ai tenu beaucoup de rôles où j’étais cantonnée au statut de la "femme de". Il fallait un film comme La Belle Saison, ne serait-ce que pour sa distribution, ses protagonistes, pour la place qu'il fait aux femmes, de sa conception au générique de fin.

Pourquoi aller voir ce film ?
Parce que c’est un opus sur l’humain et ses contradictions : entre l’Histoire et l’intime, le courage d'exprimer ses opinions et celui de régler ses problèmes à la maison. C'est une histoire d’amour entre deux filles mais qui aborde l’universalité, l’intemporalité des sentiments. C’est un vrai mélo comme on les aime au cinéma, Le Secret de Brokeback Mountain français. C'est le travail réussi de Catherine Corsini et Jeanne Lapoirie, sur le cadre, les mouvements de caméra, sur la couleur, le parti pris esthétique. Les scènes de sexe sont pleines de tendresse, tellement bien filmées. Vous allez ressentir des choses, être émus.

© Pyramide

L'interview "Belle Saison" :

Un souvenir de vacances ?
Je faisais beaucoup de vélo dans la montagne en Crète et je n'arrêtais pas de tomber dans les cailloux, de m'égratigner. J'adorais analyser le processus de cicatrisation. J'enlevais mes croûtes. C’est dégueu, mais sauvage et vrai.

Un amour d’été ?
Un amour raté. Je n'ai pas osé embrasser un garçon en colonie. J’ai tourné la tête alors qu’il tendait ses lèvres.

Une odeur ?
Le chèvrefeuille.

Un parfum de glace ?
Fraise.

La boisson qui arrose vos soirées ?
Le vin blanc alsacien

Une destination ?
J'habite à la campagne, pas très loin de Paris. Je suis "locavore",  je consomme local et je fais du tourisme local. Je ne suis pas très plage, mer ou montagne. Une chaise longue dans mon jardin, c'est déjà très bien…

Un été de rêve, c’est…
Le soleil sur ma peau avec une rivière pas loin, un peu comme dans La Belle saison

Le tube de l’été ?
Happy House de Siouxsie and the Banshees.

L’apéro idéal, vous invitez qui ?
Mes amis.

Le petit plat que vous cuisinerez à ces invités ?
Je découpe une pastèque avec beaucoup d'amour !