Christian Vadim joue au Jeu de la Vérité

Depuis maintenant huit ans, Christian Vadim arpente les planches dans diverses mises en scène avec ses acolytes Vanessa Demouy, David Brécourt et Philippe Lellouche, leur faisant peu d'infidélités. Dans "Le Jeu de la Vérité", le film adapté de la pièce éponyme de ce dernier, le comédien se révèle touchant, sage et spontané.

Christian Vadim joue au Jeu de la Vérité
sipa 00646394 000067 (2) ok ok
Christian Vadim © BENAROCH/SIPA

JournalDesFemmes.com : Qui êtes-vous Christian Vadim ?
Christian Vadim : Mon grand-père était russe. Il s'est exilé après la révolution de 18. Je suis né à Paris, mon père s'appelle Roger Vadim et ma mère Catherine Deneuve. Je fais ce métier de comédien depuis l'âge de 17-18 ans.

Cela n'a pas été trop difficile de commencer si jeune ?
Non. C'était plutôt sympathique. Moi, au départ, j'étais en fac de droit à Tolbiac. Mon père est rentré des États-Unis et m'a proposé d'être assistant sur son film au casting. C'était pour "mettre un peu de sous de côté" comme il disait. J'ai fait ça pendant l'été. Je donnais la réplique aux comédiens devant la caméra et il m'a dit "Tu parles plutôt juste, tu ne veux pas jouer dans mon film ?". Je me suis retrouvé catapulté comédien et après, ça s'est enchaîné. J'ai bien vécu de ce métier, j'en ai fait d'autres quand c'était un peu plus difficile. Et maintenant, avec mes copains, depuis dix ans, je me régale.

Vous n'êtes pas omniprésent, vous ne multipliez pas les productions différentes. Est-ce une exigence de votre part ?
Je fais du théâtre, je fais aussi pas mal de télé. Je fais moins de cinéma, j'ai fait beaucoup de films avec Raul Ruiz, donc c'est un cinéma indépendant, plus cinéma d'auteur. C'est vrai que je n'ai pas fait de grosses comédies, je n'ai pas la carte Canal +. Ma carrière est différente. Ce n'est pas un choix, c'est la vie qui vous emmène. Il y a dix ans, quand Philippe (ndlr : Lellouche) m'a proposé de lire les 20 premières pages de sa pièce Le Jeu de la Vérité, j'étais déjà au théâtre. Le hasard a fait qu'il me l'a proposé, que je l'ai lu, que je l'ai aimé. J'ai décidé d'arrêter la pièce sur laquelle j'étais pour aller sur la sienne. Et puis je me suis enquillé dix ans de troupe. Parfois, oui, ce sont des choix, mais vous ne savez pas forcément où ils vous mènent.

Vous jouez sur tous les tableaux, est-ce que vous adaptez votre jeu selon le registre ? Quelles sont vos inclinations naturelles ?
Il y a encore peu de temps, je vous aurais dit plutôt le théâtre, mais là, c'est le deuxième film que l'on fait ensemble avec Philippe. On fait des comédies avec des personnages que l'on travaille ensemble et c'est très agréable. Le théâtre c'est souvent une unité de temps, de lieu, vous travaillez en une seule fois votre personnage. Vous l'amenez du point A au point B en une soirée. Le cinéma, vous faites parfois une journée et il n'y a qu'une seconde et demie qui va paraitre à l'écran. La télévision au contraire, c'est plus rapide, il faut être plus vif. En fait, ce sont des exercices très différents et c'est assez agréable. Même parfois, je fais de la synchro, c'est-à-dire que je prête ma  voix. C'est encore un autre style. J'aime bien l'idée de faire tout ça. Ça donne encore plus de cordes à mon arc. Je ne suis pas coincé dans un style, dans un genre. Par exemple, si vous  fais du cinéma, vous ne faites que du cinéma d'auteur, ou de la comédie, ou à la télé que des polars. Moi, j'aime bien l'éclectisme.

Vous êtes une vraie bande depuis dix ans et vous continuez à rempiler pour de nouveaux projets. Qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de travailler ensemble ?
Au départ, on était juste des potes, maintenant on est amis. On s'est trouvé, puisque même quand on ne travaille pas, on part en vacances ensemble. Maintenant, on s'est créé des personnages. Pour Philippe, c'est très agréable, parce que quand il écrit, il entend. Il nous connait donc il entend la musique au fur et à mesure qu'il écrit. Avant, on était du prêt à porter, et là, maintenant, on est en haute couture, donc c'est vraiment très agréable pour nous.

Dans le film, votre personnage est sympathique, éloquent, touchant ... Est-ce que vous y êtes attaché aujourd'hui ?
Dans ce personnage, j'aime beaucoup la naïveté. Ce que j'aurais en commun avec lui, ce serait sa sensibilité. Après, ce que j'ai de différent, c'est que parfois c'est presque de la sensiblerie, ce n'est pas péjoratif, mais on exagère le trait. Forcément, c'est une comédie, donc il faut faire rire en forçant le trait sinon c'est chiant, ce n'est pas un drame. On se rend compte que finalement, on emmène beaucoup de choses dans un personnage. Je ne dis pas que je suis naïf comme ça, mais j'ai une petite part que je développe, que j'exagère, que j'extrapole. Mon personnage a de temps en temps des coups de nerfs, et bien, cela m'arrive d'en avoir, mais différemment, donc je copie. On attrape toujours des choses. Je me souviens pour la pièce d'avant, "Boire, Fumer ou Conduire vite", où je jouais le rôle d'un alcoolique, j'avais copié ma démarche sur celle de ma fille qui, à l'époque, n'avait même pas un an. Les bébés, ça titube. Voilà, on s'inspire de beaucoup de choses alors j'ai fait ça, je ne peux pas dire que je ne titube pas dans la vie, mais je suis allée chercher quelque chose de personnel. Je crois que, depuis le temps, c'est un personnage que j'aime, et c'est très important d'aimer ses personnages parce que le public le ressent.

Et vous l'avez fait évoluer ?
Ce que l'on a fait évoluer, ce n'est pas tant la dynamique du personnage, c'est plus notre structure de jeu. Il y a une captation de la pièce de théâtre d'il y a 8 ans, David, Philippe et moi, on jouait un peu comme si on avait pris 400 kg de cocaïne. On voyait les veines sur le cou tellement ça hurlait parce qu'on était genre " c'est une comédie, il faut y aller ", mais quand on l'a rejoué l'année dernière au Palace, donc, huit ans plus tard, c'était toujours une comédie, il fallait toujours mettre autant d'énergie, mais voilà, on a muri, on a pris de l'aisance, de l'assurance, on jouait les personnages avec plus de tranquillité.

Et dans le film ?
Dans le film, on diminue. C'et l'écueil le cinéma. On ne peut pas jouer au cinéma comme on joue au théâtre, sinon c'est ridicule. En même temps, il faut être naturel et ne pas oublier que c'est une comédie. Si vous prenez des mecs comme José Garcia, Benoit Pooelvorde ou ces grands acteurs comiques, ils ne jouent pas à plat et ça passe au cinéma. C'est trouver la juste mesure. Il y a un équilibre à trouver. Il faut être un petit peu au-dessus, pas exagéré sinon c'est ridicule et si on est un peu en dessous, c'est un personnage qui manque de relief. Donc, c'était ça qu'il fallait trouver. D'ailleurs, pendant le tournage avec François (ndlr : Desagnat, le réalisateur), une de mes grandes peurs était d'en faire trop. Au départ, j'avais commencé par beaucoup diminuer, et je me suis vite rendu compte que c'était moins bien parce qu'on perdait la caricature du personnage. Ce n'est pas faux, pas chiant, mais il n'y a pas grand-chose qui se passe. C'est l'avantage d'être une bande de copains, c'est que depuis le temps qu'on travaille, on se dit les choses. Je me souviens avec Philippe, le metteur en scène était content, mais, moi je lui disais, " là tu es à 80%, tu peux faire mieux " et il me disait la même chose. On s'est beaucoup aidé. Et il y a le principe du combo, l'écran de surveillance derrière, contrairement à l'époque où c'était la pellicule, on ne pouvait pas vérifier, là on repasse la scène tout de suite et on voit si ça matche ou pas. On travaille dans l'instantané.

Il y a beaucoup de réflexion sur la quarantaine, est-ce que ce sont des questions que vous vous posez ?
Pas du tout. J'aime, dans l'écriture de Philippe, toutes ces recherches, ces rapports aux années 80, à l'adulescence, à la génération Peter Pan. Oui on est en plein dedans, oui c'est notre génération, sauf que je ne la formule pas. Ce n'est pas un questionnement de tous les jours. Je vis, je le ressens, d'ailleurs, c'est pour ça que l'on a pu l'interpréter, mais ce n'est pas quelque chose qui me travaille ou m'interpelle.

405493 ok
Christian Vadim et David Brécourt dans le film Le Jeu de La Vérité. © EuropaCorp Distribution

Quel serait votre rôle idéal ? Vous aimeriez prendre des risques, jouer complètement à l'opposé de tout ça, en interprétant un tueur, par exemple ?
J'adorerais faire tout ça. Alors, quand j'étais plus jeune, un rôle que j'aurais adoré faire, c'est Corto Maltese, la bande dessinée d'Hugo Pratt. Aujourd'hui, oui, par rapport au personnage que je fais là, dans le Jeu de la Vérité, demain, j'aimerais que l'on me propose un polar, ou un flic ou un tueur. Parce qu'en fait, c'est ça qui est génial quand on est au cinéma, c'est de changer de peau. On a un peu un problème avec le cinéma français, ou même le théâtre, c'est que l'on n'a pas cette culture américaine du contre-emploi. Les américains, les anglais, ils n'ont pas peur, ils vont prendre une belle femme comme Charlize Theron et ils vont la mettre en tueuse. En France, on n'a pas cette culture-là. Donc, quand Philippe m'a proposé de jouer ce personnage, j'étais content de pouvoir l'emmener sur ce type un peu naïf, au bord des larmes, qui tape des crise de temps en temps, qui monte, qui descend, parce que sinon toute ma vie, j'aurais joué le beau gosse, le banquier, le chef d'entreprise ou le type qui va draguer la femme de l'autre. À un moment donné, c'est limitatif. Jouer un autre personnage, c'est super bandant.

Vous avez d'autres projets ?
Le 6 février, on démarre la nouvelle pièce de Philippe Lellouche que l'on est en train de répéter en ce moment. Elle s'appelle L'Appel de Londres, on va la jouer au Gymnase, avec la même bande. C'est l'histoire de trois exilés qui se retrouvent à Londres un 14 juillet dans un restaurant français qui s'appelle La Marseillaise et qui est tenu par Vanessa Demouy, qui elle aussi s'est exilée pour ouvrir ce restaurant, et, dans les trois hommes, il y a un exilé politique, Philippe, un exilé économique, David (ndlr : David Brécourt) et un exilé du cœur, moi. Et on repart sur l'écriture de Philippe avec des sujets d'actualité, des sujets de fond, de la comédie, des coups de théâtre avec une unité de temps et de lieu.