Rachida Brakni, la force vive

Belle, souriante, percutante aussi, Rachida Brakni, illumine de son énergie solaire le film Cheba Louisa, en salles le 8 mai. Rencontre coup de foudre avec une actrice irrésistible.

Rachida Brakni, la force vive

Née en France de parents algériens, un frère, une soeur, une jeunesse heureuse dans la cité d'Athis-Mons, un parcours exemplaire : Conservatoire puis Comédie-Française, un César, un Molière, un homme : Eric Cantona, ex-roi du ballon rond devenu icône, son mari depuis 2007, un petit garçon, Emir ("prince" en arabe), Rachida Brakni, 36 ans, est directe, franche, majestueuse.
Cette fille au tempérament de feu manie avec éclat l'humour et les mots crus. Dans le film de Françoise Charpiat, elle incarne Djemila, une immigrée déchirée entre deux cultures. Comme son personnage, c'est dans la chanson qu'elle a trouvé sa place.


JournalDesFemmes.com : Pourquoi vous dans Cheba Louisa ?
Rachida Brakni : La réalisatrice a pensé à moi et j'ai été emballée par le scénario, festif, lumineux. Elle prend les clichés sur le racisme à rebrousse-poil, raconte une amitié entre une Maghrébine intégrée et une Française de pure souche à la ramasse. Le postulat de départ m'intéressait. Chanter dans un film, c'était la cerise sur le gâteau car je venais de sortir mon premier album.
Cheba Louisa est une ode à la liberté, la musique permet à cette fille de concilier ses aspirations, son héritage, son passé. C'était aussi l'occasion de retrouver Isabelle Carré et Biyouna, deux amies proches. Isabelle est tellement normale, tellement vraie, c'est une artiste exceptionnelle, une anti-diva. Si ça ne tenait qu'à elle, elle irait à Cannes en jean et T-shirt avec un collier de pâtes fait par ses enfants. Biyouna, qui joue ma mère, je l'ai rencontrée en Algérie, il y a longtemps déjà. C'est une femme pour laquelle j'ai une admiration sans borne.

 

 

 

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Rachida Brakni et Isabelle Carré dans "Cheba Louisa", en salles le 8 mai 2013 © Wild Bunch Distribution

Comment décririez-vous votre éducation ?
Rachida Brakni : J'ai grandi en banlieue parisienne, dans l'Essonne, sans télé. J'ai une une enfance infiniment heureuse, mais lorsque j'ai commencé ce métier, sous prétexte que j'étais d'origine algérienne, face à des journalistes, souvent de la presse féminine d'ailleurs, je sentais une déception que mon père n'ait pas cherché à me vendre, des regrets que mes parents m'aient toujours soutenue dans mon désir de devenir actrice et qu'il ne m'aient mariée de force avec un cousin du bled.

Vos parents sont fiers de vous ?
Rachida Brakni : Immensément. Mon père était routier. Ma mère, femme de ménage. Ils ne sont pas éblouis par les strass et les paillettes, mais trouvent ça génial que je joue la comédie. Ils n'ont pas du tout conscience des codes de la profession, de sa précarité...

Vous avez beaucoup de recul sur votre activité...
Rachida Brakni : J'aime ce métier pour de bonnes raison, mais je ne le ferai pas à n'importe quel prix. Je déteste le star-system. Je ne me sens pas légitime, je suis toujours surprise qu'on me demande des autographes. J'ai un problème avec l'image, les soirées, la représentation permanente, le corporatisme. Il n'y a pas de "grande famille" du cinéma. Je n'aime pas qu'on me tape sur l'épaule, qu'on me tutoie de prime abord.

Enfant, quel était votre rêve ?
Rachida Brakni : Je voulais être une athlète de haut niveau, mais mon corps n'a pas suivi, j'avais des blessures à répétition. Puis, bonne élève, insolente, j'ai eu l'ambition de devenir une grande avocate, à l'instar de Robert Badinter. C'est pour faire des plaidoiries éloquentes que je me suis inscrite en théâtre. Le symbole de la réussite, pour moi, c'était une immense bibliothèque avec une échelle.

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Rachida Brakni et Rachid Taha dans "Cheba Louisa" © Wild Bunch Distribution

Vous aviez un fantasme d'adolescente ?
Rachida Brakni : Être une rock-star devant une foule en délire, partager la scène avec Alain Bashung, Nick Cave, David Bowie. Par bonheur, j'ai pu faire quelques concerts avec Daniel Darc...

Ce sont des artistes sombres, torturés, vous êtes une angoissée ?
Rachida Brakni : Pas du tout. Je suis positive, joyeuse, enthousiaste . On me colle une noirceur à laquelle je n'aspire pas. En même temps, les comiques à l'écran sont souvent des personnes sinistres à la ville et inversement...

La séduction, selon vous, c'est quoi ?
Rachida Brakni : Je ne sais pas. J'imagine qu'elle est présente dans tous les rapports humains, mais elle s'opère malgré moi. Je ne supporte pas les femmes-enfants, mielleuses. Celles qui minaudent m'agacent. J'ai du mal avec les gens qui cherchent à charmer à tout prix, à faire l'unanimité.

Qu'est-ce qui plaît chez vous ?
Rachida Brakni : Aucune idée. Ce n'est pas de la fausse modestie, je ne pense pas être un thon, mais je ne me fais jamais draguer.

C'est parce que tous les hommes savent que vous êtes prise par un gars qui en impose...
Rachida Brakni : Même avant de sortir avec un costaud qui fait peur aux mecs (Eric Cantona, ndlr), je ne me suis jamais fait brancher. C'est terrible. Je suis trop frontale, instinctive, pas le genre de fille à qui l'on vient susurrer à l'oreille...

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Rachida Brakni dans "Cheba Louisa" © Wild Bunch Distribution

Qu'est-ce que vous aimez chez vous ?
Rachida Brakni : Mon côté entier. Je ne m'embarrasse pas. Je peux faire des miracles par amour ou par amitié, mais lorsque je rencontre des gens qui ne me m'intéressent pas, je passe mon chemin.

Et chez votre mari ?
Rachida Brakni : Il a une putain de personnalité. Le showbiz, c'est le royaume du lisse, du conventionnel, des relations polies, aseptisées, moi j'adore les aspérités. J'aime les gens qui ne sont pas dans le consensus. Eric, c'est un sacré bonhomme, viril, rassurant... et qui arrive à me tenir tête. Je me suis toujours lassée des faibles qui disent "oui" à tout. J'ai besoin de confrontations, de discussions, de désaccords.

Comment êtes-vous au quotidien avec celui que vous avez choisi ?
Rachida Brakni : Le rapport amoureux est complexe. J'ai besoin d'admirer, c'est l'effet miroir. Lorsque j'étais gamine, ma mère me disait "garde toujours ton jardin secret". Je suis pudique. J'essaye de donner tout en restant sur la réserve. Je veux surprendre Eric, l'étonner.
Rien n'est acquis. On remet chaque jour notre relation en jeu, comme un poker. Ça fait onze ans que ça dure... Notre entourage dit qu'on a l'air d'un jeune couple. J'espère que ce sera encore vrai dans trente ans.

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Rachida Brakni et ISabelle Carré dans "Cheba Louisa" © Wild Bunch Distribution

Vous êtes maman, aussi...

 

Rachida Brakni : C'est bien que vous disiez "aussi" et pas "surtout". Je suis une femme, une amoureuse et également, une maman. Je suis ultra-féministe, pourtant je suis atterrée de voir celles qui deviennent mères au point d'oublier d'être femme. Attention, la naissance de mon fils à été l'un des plus beaux moments de ma vie, mais il n'y pas de renoncements liés à cette maternité. Lorsque j'étais enceinte, ma mère m'a dit : "pense à ton compagnon, garde des moments privilégiés avec lui".

 

Quelle maman êtes-vous ?
Rachida Brakni : Là encore je remercie ma propre mère qui m'a donné plein de clés. C'est important la transmission et j'ai eu beaucoup de chance. Avec Emir, je suis intransigeante sur la discipline et la politesse, mais très à l'écoute.

Vous avez été égérie L'Oréal et The Kooples, vous êtes coquette ?
Rachida Brakni :
Oui, mais je ne suis pas les diktats de la mode. Je ne supporte pas les gros motifs, les imprimés voyants, les couleurs flashy. J'aime les belles choses, les matières, le travail de couture, mais ce que je porte ne correspond pas aux tendances du moment.

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Rachida Brakni et Isabelle Carré dans "Chaba Louisa" © Wild Bunch Distribution

Vous êtes mince et élancée, les régimes, vous connaissez ?
Rachida Brakni : Evidemment ! D'ailleurs, je suis folle quand je vois dans la presse une Gisele Bündchen, superbe, sans un poil de graisse alors qu'elle vient d'avoir un bébé. Après l'accouchement, j'ai gardé un ventre monstrueux pendant des mois.

Quel est le secret de votre silhouette?
Rachida Brakni : Je suis une bonne vivante, j'aime manger, boire. Je n'imagine pas une seconde avaler du tofu ou des graines sous peine de dépression. Alors j'applique l'adage : "Petit déjeuner comme un roi, déjeuner comme un prince et dîner comme un pauvre". Je dors mieux et ça marche, j'ai perdu du poids.

Avez-vous un défaut que vous aimeriez corriger ?
Rachida Brakni : Physiquement non. Je ne suis pas parfaite, mais trop habituée à ma tronche. Les maquilleurs essayent de camoufler la cicatrice que j'ai au coin de l'oeil, je ne veux pas. C'est davantage dans mon caractère, mon comportement...

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Rachida Brakni chante dans "Cheba Louisa" © Wild Bunch Distribution

Vous voudriez vous adoucir ?
Rachida Brakni : Non, je le suis dans l'intimité. J'aimerais me livrer plus facilement, savoir exprimer mes sentiments, notamment sur le plan professionnel. Je souhaiterais avoir moins d'ego et trouver le courage d'aller vers des réalisateurs, des metteurs en scène, pour leur dire le bien que je pense de leur travail.

Le destin, vous y croyez ?
Rachida Brakni : A fond. ll n'y pas de hasard.

Et la religion, c'est un recours pour vous ?
Rachida Brakni : Je suis très superstitieuse, mais croyante... quand ça m'arrange. Certains jours, je suis athée, d'autres je vais prier dieu pour des broutilles... Je respecte la foi de chacun, je ne juge pas. Personnellement je crois plus en l'humain.

Quel personnage rêveriez-vous d'incarner ?
Rachida Brakni : Barbara. J'adorerais jouer dans un biopic sur elle. C'était une formidable interprète. Juliette Gréco et Patti Smith, aussi.

Portrait chinois

Si vous étiez une chanson : Un Homme Heureux de William Sheller
un animal : un félin ou un faucon
une odeur, un parfum : la fleur d'oranger
un plat, une recette de cuisine : la religieuse au café
une drogue : le vin, un Bourgogne Côte de Nuits, léger, mais enivrant
une héroïne : la femme de Colombo, parce qu'on la voit jamais, mais qu'on parle toujours d'elle
un plaisir simple : le Sud, un barbecue, les copains, le rosé
Si vous étiez un homme ? Je serais mon mec !