Ketty Sina, "Clodette" forever

Quelques notes de musique suffisent à Ketty Sina pour enchaîner les pas, la "choré" comme elle dit: Clodette un jour, Clodette toujours pour cette belle femme d'origine camerounaise qui suivit Cloclo ses deux dernières années.

En France depuis deux ans, Ketty a 18 ans quand le chanteur la repère dans une boîte de nuit. Elle l'accompagnera sur scène jusqu'à sa mort, le 11 mars 1978. Trente-quatre ans plus tard, elle observe avec une joie manifeste le retour au premier plan de son ancien patron à l'occasion du biopic qui lui est consacré sur grand écran, réincarné sous les traits de Jérémie Rénier ("Cloclo", sortie le 14 mars). 

"Ketty Sina, "Clodette" à jamais"

Une star "immortelle"

"C'est une musique tellement agréable à danser, on a tout de suite envie de se lever", lâche-t-elle en esquissant quelques pas sur "Chanson populaire", dans le restaurant de spécialités afro-antillaises qu'elle tient à Paris: "ça s'en va et ça revient, chantonne-t-elle...ma préférée".

Sur les clips qui passent en boucle au-dessus du comptoir, elle est la grande noire aux cheveux ras, micro-short et débardeur, avec Prisca, Carole, Julie, Dany ou Sandra: "A mon époque, on dansait par quatre, ou six".

Pour le photographe, elle a revêtu une robe noire lamée dévoilant ses longues jambes et chaussé 15 centimètres de talons.

"Il y en a cinq ou six sans problème que tout le monde connaît, +Alexandrie/Alexandra+ avec le râle, haaaa!, ou +Je vais à Rio+... mais de toute façon, on ne discutait pas les chorégraphies du maître".

Ketty se souvient d'un patron "extrêmement exigeant, un peu rigide, impatient: il virait facilement... mais pouvait vous reprendre quelques jours plus tard".

Pas toujours cependant: "Il ne fallait pas vieillir, ni prendre 2 kilos... il envoyait alors Dany, la capitaine des Clodettes, signifier son congé à la fille". A l'époque, l'idole ne s'embarrassait pas de contrats.

Un "grand frère"

Elle-même se souvient de colères mémorables: "Il pouvait me dire de remonter dans mon cocotier! Mais je n'étais pas très sérieuse, je pensais surtout à m'amuser, aujourd'hui je regrette de ne pas avoir mesuré ma chance à l'époque".

Car Ketty insiste: le chanteur était d'abord un homme généreux et vigilant avec ses troupes: "On était bien traitées, bien payées et très bien encadrées".

"J'en ai marre d'entendre dire qu'il était caractériel: ce n'était pas un arriviste. Il avait la gnaque, la volonté de réussir (...) Avec moi il se comportait plus comme un tuteur, ou un grand frère, que comme un patron: j'étais une jeune émigrée, sans famille en France".

"Quand on sortait en boîte avec lui, il fallait se tenir et les hommes autour de nous aussi. Pas de drogue, pas d'alcool - lui-même ne buvait que du jus d'orange, et un petit verre de whisky avant l'entrée en scène".

Patron d'un magazine "de charme"

Surtout, Claude François, qui se rêvait aussi en patron de presse et avait créé un magazine de charme (Absolu) pour lequel il photographiait des nymphettes dénudées, était d'une extrême courtoisie avec ses Clodettes: "Jamais il n'a eu un geste déplacé", se rappelle-t-elle.

Ketty "le trouvait beau, avec beaucoup d'allure. Attendrissant aussi, mais avec lui, on ne se tapait pas dans le dos".

Le chanteur avait coutume d'inviter son équipe dans son moulin de Dannemois, le refuge près de Paris. "Il savait nous mettre à l'aise".

"Il a laissé un passé ancré en chacun de nous", ajoute-t-elle en montrant également, à son doigt, le dernier cadeau de Noël du chanteur à ses troupes: une alliance en diamant Cartier dont elle ne se sépare jamais.