Bertrand Cantat, la mort en face : le rockeur parle

Bertrand Cantat a choisi les Inrockuptibles, un magazine qui a soutenu Noir Désir depuis les débuts du groupe pour confier son ressenti après la mort de Marie Trintignant. Confidences.

Vilnius, 26 juillet 2003. Bertrand et Marie se disputent. Il la frappe. Elle plonge dans un coma dont elle ne se réveillera pas. Incarcéré en Lituanie, libéré quatre ans plus tard, le charismatique leader du groupe Noir Désir revient, en solo et en musique. Il suscite toujours la polémique.
"Je ne suis pas dans le déni de ce qui s'est passé, je sais que j'ai commis l'irréparable", déclare aux Inrocks le chanteur. "Je n'ai jamais fui ma responsabilité. Sauf peut-être en cherchant à mourir". Revenant sur la nuit du drame, il avoue "n'avoir rien compris à ce que s'(était) passé dans l'action", ajoutant : "Je ne me souviens plus dans quel état on était - et pas seulement émotionnellement. Après avoir accompagné Marie à l'hôpital, j'ai été viré et je suis revenu à l'appartement. Pour me flinguer", raconte-t-il.
Bertrand Cantat évoque longuement sa vie en prison, en Lituanie, puis à Muret dans la banlieue toulousaine, Marie "qu'il aime tant", sa douleur "en pensant à elle, mais aussi à ses enfants et à ses proches", ses propres enfants qui vont "mal". Il dit avoir été "dépossédé de (son) histoire" par les médias. "J'ai su très vite que je ne pourrais pas m'expliquer (...) Mes remords, ma souffrance, ma sensibilité, ça ne marchait pas dans cette histoire", dit-il. "Il ne fallait que du sordide, tout ce qui était beau a été occulté. Je suis devenu cet assassin qui tue sciemment", ajoute-t-il.

Plus loin, en évoquant le suicide de sa femme Kristina Rady en 2010, il ajoute que les "raccourcis et les accusations délirantes" le concernant sont "inacceptables". "C'est affreux, abject d'être devenu le symbole de la violence contre les femmes", juge-t-il.

Bertrand Cantat revient aussi sur la fin de Noir Désir en 2010, parlant d'un "drame mineur pour (lui) en comparaison des dix dernières années". "J'avais besoin de liberté et je me suis rendu compte que Noir Désir était devenu une autre prison, où il fallait demander l'autorisation pour chanter", dit-il. Le chanteur confie avoir "envisagé de changer totalement de voie, de reprendre des études" et même de "travailler sur le bois".

Jean-Louis Trintignant, a réagi à cette interview sur Europe 1. Le père de Marie explique avoir "rayé de (sa) vie" Bertrand Cantat. "J'ai essayé de ne pas l'accabler mais franchement, c'est quelqu'un pour qui je changerais de trottoir si je le voyais", déclare l'acteur de 82 ans qui pensait que Cantat se donnerait la mort après les événements de Vilnius : "Je croyais qu'après le drame, il le ferait, mais il ne l'a pas fait "." Aujourd'hui, je ne veux plus entendre parler de lui (...) J'ai essayé de vivre sans Marie, mais c'est très difficile..."

Dix ans. C'est une éternité pour les proches de Marie Trintignant qui vivent dans le deuil, d'une fille, d'une femme, d'une amie, d'une maman. C'est un délai trop court, pour que l'opinion pardonne, oublie ou laisse filer. Le drame s'est produit après une soirée trop arrosée, Bertrand Cantat assène de coups sa campagne Marie Trintignant. Condamné à huit ans de détention pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et "non-assistance à personne en danger", le chanteur maudit peut quitter l'enfer carcéral de manière anticipée en 2007 pour "bonne conduite". Coupable, mais libéré, Bertrand Cantat ne pense qu'à reprendre sa guitare et les concerts.

Depuis de longs mois, Bertrand Cantat travaille à un album solo qui sortira le 18 novembre sous le nom de Detroit, chez Barclay (Universal). Libre à vous d'y voir sagesse et maturité... Ou les stigmates d'un meurtre et d'une culpabilité paralysante.

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Bertrand Cantat aux Eurockéeennes de Belfort en 2012 © POL EMILE/SIPA