Geneviève de Fontenay, "l'insoumiss"

Depuis 1954, Geneviève de Fontenay régnait sur les concours de miss, prônant l’ex­cel­lence de son label qualité. A chacune de ses ouailles, elle vouait une indé­fec­tible affec­tion. Ce week-end, celle qui clamait haut et fort "préfé­rer les canons de la beauté à ceux de la guerre" a fait ses adieux au public...

Geneviève de Fontenay, "l'insoumiss"

Geneviève de Fontenay, 83 ans, a raccroché son chapeau après 62 ans de règne sur les concours de reines de beauté, samedi soir lors de l'élection de Miss Prestige national 2016, à Soultzmatt en Alsace. Jupe en velour noir et fard bleu aux paupières, elle s'est déclarée "très sereine" et "dans un bon état d'esprit" avant le début de ce concours dissident des Miss France qu'elle a créé et soutenu.
Dans un entretien accordé vendredi à France Dimanche, la gardienne du  made in France avait annoncé sa décision : "La page des Miss est bel et bien tournée pour moi (...) Je crois que je ne me sens plus trop dans l'air du temps. Ou plutôt je ne me sens plus trop en accord avec ce qui me semble marcher aujourd'hui", avait-elle confié.
Assaillie par les journalistes et les caméras avant de s'avancer doucement sur le tapis rouge du cabaret du Paradis des sources, dans une vallée viticole du Bas-Rhin, Gen a lâché samedi soir, tout sourire mais les larmes aux yeux: "J'avais peur que ça soit l'enfer, mais je me dis qu'en fait c'est le paradis".

Notre Calamity Gen n'est pas du genre à baisser les bras, plutôt à flinguer à tout va !
En juin 2010, en conflit avec la société de production Endemol, elle avait claqué la porte du Comité Miss France, estimant qu'il allait à l'encontre de l'éthique et des valeurs du terroir dont elle était la garante. La hache de guerre déterrée, elle avait aussitôt créé un concours dissident avec son fiston Xavier. Inconcevable pour cette sacrée bonne femme d'abandonner ses filles, sa bataille.

Une reine, indétrônable

En plus d'un demi-siècle, Geneviève de Fontenay n'a pas changé d'un iota. Elle souhaitait "conserver la magie" de son image : indémodable, classe, intemporelle... Sa panoplie: tailleur noir à revers blanc façon Chanel, collant opaque, escarpins, foulard, rouge à lèvres écarlate et surtout une coiffe, même par 40°C ! Geneviève se voulait arbitre des élégances avec ce panama qu'elle a adopté parce que son compagnon lui trouvait "la tête petite et le cheveu fin". Marquer les esprits, c'était une façon de ne pas sombrer dans l'oubli.

Imposer la dictature du bon goût

Elle parlait "d'engagement constant", s'impliquait énormément et ne compte pas son temps. Ses pouliches la rendaient intarissable. C'est "une vocation", "une passion". Elle cherche à maintenir l'excellence de son cheptel, voue à chacune de ses protégées, une indéfectible affection. Intransigeante avec les dérapages, elle peut se changer change en Cruella d'Enfer. La bonne attitude pour garder ses faveurs ? Rester "glamour" mais surtout pas "sexy". C'est à dire séduisante, sans racolage, ni exhibition... Notre papesse de la décence se méfiait de la luxure.
 

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Geneviève, en province, en novembre 2011. © ©PHOTOPQR/LA MONTAGNE/COUDERC/MAXPPP

 

Misogyne ?
Geneviève n'a pas les mêmes exigences lorsqu'il s'agit de la gent masculine. Pas de Mister France: "Chez un homme, ce n'est pas le physique qui compte, mais le cerveau." No Comment.

Halte à la vulgarité, au manque de rigueur et de distinction !

L'image désuète, Geneviève de Fontenay la revendiquait. Elle est même "fière d'être ringarde", Gen ! Parce que dans cette époque "de mondialisation où tout fout le camp", elle incarnait un repère, le symbole des traditions auxquelles les gens sont attachés. Au son de "politiciens tous pourris", elle soutenait le "moral des Français", les faisait rêver avec ses poupées.

Jalouse ?

Etait-elle envieuse de ses jeunes créatures ? Pas un instant. Geneviève de Fontenay n'a eu qu'un seul homme dans sa vie : Louis Poirot. De Fontenay était son nom de résistant. Vingt-cinq ans de différence d'âge, autant d'années de vie commune, deux enfants, pas de mariage, une vraie confiance. Elle reconnaît vivre dans les souvenirs. Fidèle.

Se distinguer à tout prix

Pensionnaire chez les religieuses de La Misécorde à Metz, Geneviève Mulmann porte déjà un couvre-chef pour se distinguer. Née le 30 août 1932 à Longwy, la jeune fille n'a qu'une idée: quitter la grisaille et les hauts-fourneaux. Elle part à Strasbourg et fait l'école hôtelière. Pas de révélation. Geneviève fait des mille-feuilles mais préfère le fond de teint. A 17 ans, l'avant dernière d'une famille de dix enfants monte à Paris pour suivre une formation d'esthéticienne. Elle devient représentante des produits Antoine. Sa silhouette élancée et son 1m77 attirent les regards. Invitée à l'élection de Miss Bretagne, celle qui s'imagine Grace Kelly (mais que l'on compare à la Callas), séduit Louis Poirot, l'organisateur de la soirée. Elle devient son égérie, puis rencontre... la célébrité.
En 1986, Guy Lux décide de retransmettre son bal des princesses un soir de réveillon... C'est l'avènement des belles de Fontenay! Consciente de devoir "paraître", Geneviève passe par la case chirurgie esthétique: lifting et opération des paupières. Un minimum, selon elle. Ses têtes couronnées constituent un élixir de jeunesse, elles l'empêchent de se laisser aller...

Modestie

Ravie qu'on lui demande son avis sur tout, Geneviève pousse des coup de gueule, amuse par son franc-parler un peu réac'. Elle répond en se marrant, consciente de sa chance, heureuse de vivre dans un tourbillon de paillettes. Accessible, elle ne joue pas les divas, mais adore qu'on la reconnaisse. Eternelle débutante, elle n'a pas fini de nous surprendre, assurément !