Laetitia Casta, Yvan Attal, François Cluzet : "La comédie, c'est un moyen pour ne pas aborder les choses frontalement" "On peut se permettre dans une comédie de grossir un peu le trait"

le baroudeur et l'ado attardé
Le baroudeur et l'ado attardé © Roger Do Minh / UGC

François et Yvan, vous abordez un look inhabituel dans le film. Est-ce un aspect que vous avez particulièrement travaillé pour jouer vos personnages ?
Yvan Attal : Beaucoup travaillé, je ne sais pas, mais c'est vraiment une question qui nous a taraudés un moment. Laetitia aussi d'ailleurs. On était tous les trois à se demander comment caractériser ces trois personnages. Chacun vient avec son idée, son désir, et après il faut que tout fonctionne ensemble. C'est sûr qu'on n'avait pas envie d'arriver dans le film tel qu'on est dans la réalité. Quand on est acteur, on cherche qui est ce personnage vers qui on va, même si on a envie de le faire coller à soi. Donc on ne sait pas vraiment quel en est le sens, mais c'est amusant, surtout dans une comédie, de caractériser un personnage. Parfois même d'être à la limite de quelque chose. Il faut toujours veiller à rester assez vrai, donner de la crédibilité aux choses, mais on peut se permettre dans une comédie de grossir un tout petit peu le trait.
François Cluzet : J'étais content de la part d'Yvan qu'il cherche un personnage un peu excessif. Souvent les metteurs en scène hésitent entre la chèvre et le chou. Ils ne veulent pas prendre trop de risques. Là c'était pratiquement notre première partie du travail et j'étais content de voir qu'au contraire il abondait dans tout ce qui était risqué, excessif. Mon personnage, Jeff, tenait un peu sur un doute. Ça me plaisait bien aussi de penser que, ce n'est pas parce qu'il a l'habit du baroudeur, qu'il est moins casanier et qu'il ne rêve pas aussi d'être en couple comme son ami.
Yvan Attal : C'est aussi une chose, je le dis sincèrement, qu'on peut se permettre avec certains acteurs. On sait qu'il y a un costume et aussi une manière d'aborder les choses après. On peut avoir un personnage excessif comme Jeff, mais le jeu derrière va être sincère par rapport à l'image qu'on donne de ce personnage. Tout ne va pas déborder comme parfois dans certaines comédies, quand il faut que tout soit excessif tout le temps.
François Cluzet : Et puis, comme le dit Yvan, dès lors qu'on avait ce personnage de Jeff aux vêtements bariolés, ceux de Laetitia et d'Yvan (Anna et Ben) sont devenus d'une sobriété incroyable. C'est aussi une harmonie à trouver.
Yvan Attal : Pas tant que ça, en fait.
François Cluzet : Quand même... Le personnage de Laetitia est habillé comme elle le serait entre amis, en vacances. C'est très "casual".
Laetitia Casta : Ce qui était intéressant, c'était d'aller vers un personnage très simple, des tee-shirts-pantalons.
Yvan Attal : On avait envie de donner l'impression que Ben et Anna forment un couple un peu frère et sœur, comme si cela faisait déjà un moment qu'ils étaient ensemble. Il y a un quotidien. Ils ne font plus vraiment attention l'un à l'autre. Ils sont décoiffés, ils ont des lunettes tous les deux. C'était rigolo d'essayer aussi de rapprocher ces deux-là d'une certaine manière.

une vie de couple rangée
Une vie de couple rangée © Roger Do Minh / UGC

Vos deux personnages semblent parfois un peu immatures face à celui interprété par Laetitia Casta. Jeff et Ben veulent retrouver leur jeunesse et leur liberté passées, tandis qu'Anna se sent prête à devenir mère. Pensez-vous que c'est lié aux différences entre hommes et femmes ?
François Cluzet : Vous savez, on a chacun ses moments pour être immature. Parfois on est très mature pendant son enfance, puis on devient immature. En vieillissant, on dit qu'on retrouve l'enfance. J'ai l'impression que chez les femmes c'est à peu près la même chose. Il faut être assez heureux pour être immature, parce que ça veut dire que vous n'êtes pas loin d'être irresponsable, et c'est un peu un luxe d'être irresponsable. Finalement mon personnage effraie davantage celui de Laetitia. Je ne dis pas qu'elle cherche à le virer, mais il arrive en pleine nuit et tout de suite sa réaction c'est, parce qu'il arrive, Ben cesse d'essayer d'avoir un enfant. On se regarde un peu en chien de faïence.
Laetitia Casta : Jeff perturbe mon but, mon projet.
Yvan Attal : Je ne crois pas que ce soit une différence hommes-femmes. C'est la situation qui est là qui provoque ça. Effectivement, à ce moment-là de l'histoire, le personnage de Laetitia est plus mature, oui, si on veut. Elle est juste dérangée, donc elle est en réaction par rapport à ces deux hommes qui, tout d'un coup, font couple.
Laetitia Casta : On va dire qu'elle a fait un choix à ce moment-là. Elle veut construire sa vie, elle a envie d'avoir un enfant. C'est aussi l'horloge biologique.
Yvan Attal : Ce qui la rend plus mature, c'est également le fait que, quand ces deux-là font les cons toute la nuit, elle a une scène le lendemain où elle fait preuve, je trouve, d'une grande maturité, en laissant le choix à l'autre de vivre ou non cette expérience.
Laetitia Casta : On peut parler aussi de vrai amour. Quand elle tient ce discours-là, quand elle dit "Moi aussi, ça m'est arrivé", elle avoue qu'elle a eu son moment d'immaturité elle aussi. Sauf que les hommes et les femmes ne se retrouvent pas forcément toujours dans la même évolution au même moment.

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