Femmes > Mode >  Fourrure > Interview
Dossier
08/12/2006

"J'ai eu le déclic fourrure lors d'une incroyable expérience chez des trappeurs canadiens"

Agnès de Benazé Créatrice de la jeune marque 107 Paris, Agnès de Benazé a fait de la fourrure "équitable" sa marque de fabrique. Son crédo : concilier création en fourrure et respect de l'équilibre naturel. Un pari osé et réussi !
  Envoyer à un ami Imprimer cet article  

SOMMAIRE
Dossier fourrure

Comment êtes-vous entrée dans le milieu de la création ?

Agnès de Bénazé J'ai longtemps baigné dans un milieu d'Histoire de l'Art, d'abord par ma mère, puis en tant que chercheuse dans ce domaine. Cela a beaucoup influencé mes goûts, mes recherches de couleurs et de matières à l'image du fusin, de la terre cuite. Après 10 ans dans la recherche, j'ai créé une société spécialisée dans la papeterie artisanale puis dans la confection de châles. Les châles sont devenus une spécialité de la maison, ils existent depuis 6 ans et cela fait maintenant 3 ans que je les dessine. Ce parcours m'a permis d'avoir un regard neuf sur la production, de créer sans a priori, d'avoir beaucoup de feeling.

Comment en êtes-vous arrivée à intégrer la fourrure dans vos collections ?

J'ai eu le déclic fourrure lors d'une incroyable expérience humaine chez des trappeurs du grand Nord canadien. Nous sommes arrivés chez eux lors des premières neiges pour découvrir que la fourrure est un élément clé de leur survie. Au Canada, la trappe est très strictement réglementée pour préserver l'équilibre naturel de la région. Les trappeurs cherchent d'ailleurs à préserver cet équilibre car il savent que la survie de toute la région en dépend. C'est donc le séjour dans cette famille qui a été l'élément déclencheur. Ils sélectionnent les castors, les fouines et les lynx qu'ils ont le droit d'abattre et nous travaillons ensemble pour voir comment les utiliser sur un châle. Ils m'aident à voir quel endroit de la fourrure pourrait convenir le mieux et me fournissent uniquement les pièces nécessaires. Notre utilisation de la fourrure est entièrement complémentaire de leurs utilisations de la fourrure.

 

Châle en fourrure de 107 Paris
Châle en fourrure de 107 Paris

Puis il y a aussi tout le travail de recyclage de la fourrure. Les habitants de la région doivent souvent changer de fourrure pour faire face au climat. Nous rachetons donc leurs anciennes peaux, nous les nettoyons et les réassemblons pour faire des tours de cou.

N'est-il pas difficile de travailler la fourrure dans le contexte actuel (fourrures chinoises, etc.) ?

Les reportages sur la fourrure chinoise étaient absolument abominables. Ces pratiques sont totalement à l'opposé de celles que nous avons vues au Canada. Là-bas, j'ai du mal à voir ce qui n'est pas bien : les canadiens ont toujours eu une longue tradition de trappe, c'est un cycle de vie équilibré, qui suit son cours.

Qui sont vos clientes et comment ont-elles accueilli l'inclusion de fourrure dans vos collections ?

Nous avons commencé à mettre en vente nos châles bordés de fourrure il y a environ deux ans et demi. Côté accueil, cela a été une espèce de folie. Les clientes se drapaient dans les châles et la magie opérait immédiatement. Même des femmes qui étaient au départ opposées à la fourrure ont été séduites. Je pense que cette réaction est due au caractère très naturel de la fourrure... Elle ne triche pas. Nous prenons les fourrures telles quelles, nous les teignons rarement pour conserver l'esprit authentique de la matière. Avec ces châles, le mythe canadien rencontre le mythe du jacquard, c'est une association de matières qui fait rêver, les acheteuses approuvent. Au final, je n'ai pas de cliente type, mes créations plaisent aux très jeunes femmes comme aux personnes plus âgées. En réalité, ma cliente est la femme qui veut bien se prêter au jeu de l'essayage car elle se laisse toujours tenter. Ce qui est certain, c'est que la fourrure a véritablement tiré notre marque vers le haut, elle a attiré l'attention des clientes sur le reste de la collection.

 

Tour de cou pour hommes en fourrure de 107 Paris
Tour de cou pour hommes en fourrure de 107 Paris

Comment décririez-vous votre démarche créative ?

J'adore jouer avec les couleurs au travers de matières précieuses. Je ne lésine jamais sur les matières et n'utilise jamais la viscose ou l'acrylique car cela aurait nécessairement un impact sur le produit final. Je me concentre uniquement sur la soie fine ou la laine d'Australie. Puis, je fais en sorte que la fourrure complète le tout de manière harmonieuse. Il y a de nombreuses façons de travailler la fourrure, elle peut être le faire valoir d'un châle ou se porter simplement en tour de cou. Ces créations sont en accord avec moi, elles sont sans fard, très authentiques, on voit qu'elles ont été créées par des grands voyageurs.

La fourrure se travaille-t-elle différemment des autres matières ?

Au niveau matériel, il faut se procurer une énorme machine pour travailler la fourrure, ce qui peut représenter un gros investissement pour une petite maison. Chez nous, la fourrure a surtout eu un impact sur le rythme de travail. Nous avons engagé deux couturières, là où avant je travaillais seule. Pour moi, travailler la fourrure est avant tout une question de recherches : j'aime aller vers de nouveaux genres. En ce moment, j'ai notamment arrêté de travailler le coyote pour aller vers le raton laveur, qui est plus ludique.

Vous proposez des créations en fourrure à petits prix. La fourrure n'est plus un luxe ?

La fourrure n'est plus autant un luxe qu'avant même si la plupart des pièces de fourreurs restent chères. Cela me semble normal car leurs créations nécessitent beaucoup de peaux. De mon côté, j'importe directement la fourrure du Canada, je dessine moi-même les articles... Je n'ai donc pas d'intermédiaires et peu de frais, ce qui me permet de vendre des pièces à 150 ou 200 €. C'est un prix normal car j'ai une petite structure.

 

Châle en fourrure et jacquart de 107 Paris
Châle en fourrure et jacquard de 107 Paris

Que pensez-vous de la généralisation des pièces de fourrure dans le commerce ?

Je suis très énervée contre les pratiques chinoises, non seulement car elles sont insensées mais aussi parce que cela revient à faire du très bas de gamme, qui galvaude la production. Par contre, la généralisation de l'usage de la fourrure ne me gène pas car après tout, tout le monde porte des chaussures. Je comprends ce qu'il y a d'attirant dans la fourrure. C'est une matière jouissive, instinctive.

Aujourd'hui, quels sont vos projets ?

Actuellement, nous travaillons sur une ligne de sacs d'ordinateur pour femmes pour en finir avec ces créations en nylon noir trop strictes. Nous réalisons également une ligne d'écharpes et d'étoles pour le Moulin Rouge. Nous développons aussi une collection d'écharpes pour hommes. Je trouvais intéressant de travailler le castor à cet effet car il est assez masculin et l'on peut jouer sur des coloris à la fois gais, sobres et beaux. Enfin, je suis en projet avec des trappeurs pour de nouvelles fourrures. Cette collaboration donnera naissance à une collection comptant une quinzaine de châles confectionnés sur le même principe, mais avec du lynx. Le lynx peut être chassé seulement un mois par an, à concurrence de 3-4 par famille de trappeurs sur son territoire de trappe. Le poil s'apparente à du renard en plus doux et plus long.

 

En savoir plus Les créations 107 Paris sont en vente au bon Marché et dans les boutiques Nous et Moi. Renseignements complémentaires au 01 56 24 29 64.

Sommaire du dossier

Véronique Deiller, Journal des Femmes

Magazine Mode Envoyer Imprimer Haut de page
A VOIR EGALEMENT
Votre avis sur cette publicité

Sondage

Qu'est ce qui a le plus d'impact sur vos choix vestimentaires ?

Tous les sondages