Nicole Fabre : "la capacité de solitude peut être une vraie richesse"

La Reine des Neiges, nouveau Walt Disney en salles le 4 décembre, raconte la solitude d'une princesse dans un royaume glacé et immobile. L'occasion pour le JournalDesFemmes.com de s'interroger sur ce qui provoque l'isolement d'un enfant et comment le gérer pour un parent. La psychanalyste Nicole Fabre nous éclaire.

Nicole Fabre : "la capacité de solitude peut être une vraie richesse"
© kmiragaya

C'est le conte le plus long d'Andersen, pourtant écrit en trois jours. L'histoire d'une princesse seule, la Reine des Neiges. Elle est maladroite, émotive, ne maîtrise pas son pouvoir et glace par mégarde tout ce qu'elle touche quand elle est énervée, triste ou apeurée. Dans le conte d'Andersen, Kay et Gerda sont des amis, et Kay est emporté par la Reine des Neiges. Dans le nouveau Walt Disney, la Reine de Neiges se prénomme Elsa et est contrainte de grandir séparée de sa soeur. Deux contes, une réadaptation, et en commun, un univers fantastique, des images à couper le souffle et une même question : qu'est-ce qui pousse un enfant à se terrer dans une extrême solitude ? Eclairage de Nicole Fabre*, psychanalyste et auteure de "La Solitude" chez Albin Michel.

 

'Un manque de tendresse très tôt peut glacer un cœur'

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La Reine des Neiges de Walt Disney sort en salles le 4 décembre 2014. © Disney

Dans le dernier Walt Disney, la solitude d'Elsa est subie. Elle semble impériale, réservée et parfaitement maîtresse d'elle-même. Mais en réalité, elle vit dans la peur car elle cache un terrifiant secret : elle est née avec le pouvoir de créer la neige et la glace. Un don à la fois merveilleux et dangereux. Elle est hantée par le souvenir d'avoir failli tuer sa jeune sœur Anna. Elle grandit alors recluse passant chaque minute de son existence à tenter de contenir ce pouvoir dont la puissance ne cesse de croître.

"Dans le conte d'Andersen, la reine est méchante et froide. Elle emporte le petit Kay dans son isolement, mais on ne sait pas ce qui l'a poussée à devenir solitaire", explique Nicole Fabre. "Parfois les cœurs se gèlent et se glacent car ils ont manqué d'amour dès la petite enfance. C'est le cas des enfants à qui on ne donne pas de marques d'affection, un bébé à qui on ne donne pas le biberon... A l'inverse, un bébé choyé, embrassé, a déjà été mis en relation avec les autres dès les premiers mois. Il n'aura pas ou moins peur en société. En revanche, il ne faut pas croire qu'un enfant abandonné à la naissance deviendra forcément solitaire : si malgré tout il a eu droit à de la tendresse, tout petit, il n'aura pas le cœur gelé."

 

"La solitude n'est pas toujours une mauvaise chose"

"Il y a une bonne solitude, comme s'amuser tout seul à côté d'une maman ou d'un papa occupé à autre chose", livre la psychanalyste. "S'inventer des jeux et des compagnons imaginaires est différent de la mythomanie. Savoir s'ennuyer, ne pas toujours faire une activité de loisirs, peut être source d'une vraie richesse intérieure, à condition qu'il y ait une présence initiale. Un enfant qui apprend à jouer seul en aura le goût plus tard, saura se concentrer. Il ne faut pas toujours remplir leur temps par des activités avec d'autres enfants, ce qui ne signifie pas rester constamment avec ses enfants. Ce qui est important c'est de s'inventer des moments précieux. Il est bon que les enfants aient des temps seuls et de qualité avec leurs parents, séparément."

*Psychanalyste, enseignante et auteur d'une quinzaine d'ouvrages, Nicole Fabre a développé et pratique l'analyse du "rêve éveillé" notamment avec des enfants.
Elle est l'auteur de Au miroir des rêves (Desclée de Brouwer, 2001) et J'aime pas me séparer (Albin Michel, 2002).
 Elle est docteur en psychologie et psychanalyste depuis plus de 30 ans.